Après le départ de son médecin il y a un peu plus de trois ans, Domats, situé à 25 km de Sens et à la limite de l'Ile-de-France, peinait à recruter un successeur en libéral. La municipalité a alors décidé de créer son propre centre de santé. C'est un succès.
La salle d'attente ne désemplit pas
"Aujourd'hui je n'ai plus de place", répond à chaque appel Sandrine Dubois, l'infirmière du centre de santé de Domats. Cette structure de l’Yonne est très sollicitée depuis son ouverture en octobre 2013. C’est la commune qui a lancé ce projet pour lutter contre la désertification médicale.La salle d'attente ne désemplit pas. Les patients, défilent dans le préfabriqué installé provisoirement au coeur de ce village de moins de 900 âmes. Le centre de santé fonctionne avec du personnel médical salarié - deux médecins, une infirmière et une secrétaire médicale.
"On marche au-delà de nos espérances"
Le docteur Françoise Ottenwaelter a été séduite par le projet. Après avoir exercé durant 25 ans en libéral, elle voit le salariat comme "une bonne solution" pour sa fin de carrière. "Ma crainte était de ne pas travailler suffisamment, Domats étant un village entouré de petits villages. Mais, pour l'instant, ça a l'air d'aller", dit-elle en jetant un oeil à son agenda."On marche au-delà de nos espérances, se réjouit l'infirmière. C'est allé crescendo, avec d'abord une quinzaine de visites par jour, puis rapidement on est monté à 26 consultations par médecin. Maintenant on tourne à plein."
A ce rythme, le point d'équilibre financier devrait être trouvé au bout de deux ans de fonctionnement, se félicite le premier-adjoint au maire et directeur du centre, Dominique Bredeville.
"Ne pas laisser mourir les petits villages"
Sans ce pôle médical, en cas d'urgence, il faudrait aller "carrément à Paris en milieu hospitalier", à plus d'une centaine de kilomètres, explique une patiente, Madeleine Pont, 66 ans. "Il ne faut pas laisser mourir les petits villages", plaide cette retraitée.Un couple de septuagénaires habitant Courtenay, dans le Loiret, est "vite venu s'inscrire" à Domats quand ils ont appris que leur médecin cessait son activité. "Pour venir ici, on fait 17 km, mais quand on arrive en retraite, on a besoin d'un médecin assez souvent", explique l’épouse. "Dans le temps, les médecins avaient un successeur. Aujourd'hui, ils ont des clients à la pelle et ils ne se déplacent plus à domicile", fustige son mari. Il en appelle "aux pouvoirs publics" pour trouver des remplaçants.
"Fini le temps où il y avait un médecin dans chaque village"
Mais, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, venue récemment en Bourgogne, l’a dit clairement : "le temps où il y avait un médecin dans chaque village est derrière nous". L'avenir réside dans les "pôles de santé", dont le nombre doit passer de 370 à 600 en 2014, a expliqué la ministre. Plusieurs mesures ont été mises en place ces dernières années pour inciter les jeunes médecins à s'installer dans des zones délaissées. L'objectif du gouvernement est de garantir l'accès aux soins d'urgence en moins de 30 minutes d'ici 2015.A Domats, outre des subventions et un investissement de 415.000 euros pour le centre de santé, un appel aux dons auprès des habitants a permis de récolter 76 000 euros. Parmi les donateurs, le jeune gérant de la supérette locale, Houcine Kalifi, qui observe, depuis sa boutique, qu'"il y a toujours la queue au centre".
Le pôle médical "fait vivre le village"
Un client, Philippe de Revière, 45 ans, constate que le pôle médical "fait vivre le village". "Et ça désengorge les urgences de tout ce qui relève des bobos", souligne cet infirmier de profession. "Je n'ai rencontré personne contre ce projet", ajoute-t-il, même s'il y a eu "quelques interrogations lors des conseils municipaux sur le mode de rémunération du personnel, et une peur de voir les impôts locaux augmenter".En salariant deux médecins, la commune a pris "un risque mesuré" au plan financier, estime le premier adjoint, Dominique Bredeville. La municipalité s'est engagée auprès de la population à "ne pas mettre en péril" ses finances, précise-t-il.