Des députés achètent leur local avec une indemnité de frais : abus ou pratique normale ?

De nombreux députés ont utilisé l'indemnité pour frais de mandat versée aux députés pour acheter leur local de permanence, enrichissant ainsi leur patrimoine. L’association Pour une démocratie directe dénonce cette situation.

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C’est quoi l'indemnité représentative de frais de mandat ?

Selon l'association Pour une démocratie directe, qui a enquêté six mois auprès des services des impôts, puis des hypothèques, au moins 24 députés sont propriétaires de leur permanence.

En extrapolant son échantillon, l'association évalue à quelque 150 le nombre de députés qui pourraient détenir leur permanence en leur nom propre ou à la tête d'une SCI, et l'avoir financée grâce à l'indemnité représentative de frais de mandat (IRFM).


Cette indemnité est d’un montant forfaitaire de 5 770 euros brut mensuels par député. Cette somme sert habituellement à payer le loyer de la permanence ou encore les dépenses de communication.
Mais, ces fonds sont l'objet de polémiques régulières en raison de leur opacité et de leur éventuel usage à des fins personnelles, pour des cadeaux ou des voyages. En effet, cette indemnité n'est soumise à aucun contrôle, ce qui a déjà été souligné par le Conseil de l'Europe, la Commission pour la transparence financière de la vie politique puis la Haute autorité pour la transparence qui lui a succédé.


Qui sont les députés épinglés ?

Ce sujet sera à l'ordre du jour en février lors du prochain bureau de l'Assemblée, sa plus haute instance collégiale. Son président Claude Bartolone (PS), le déontologue de l'institution, ainsi que les questeurs (des députés chargés de sa gestion) mettent la dernière main à une réforme de l'IRFM. Les questeurs vont "proposer que l'on ne puisse plus acquérir sa permanence avec l'IRFM", annonce le premier d'entre eux, Bernard Roman (PS).

L'association Pour une démocratie directe cite un certain nombre de députés épinglés.
Parmi eux, on trouve notamment les élus UMP Catherine Vautrin, Olivier Dassault, Marc Le Fur, l'élu du Front de gauche Patrice Carvalho, les socialistes François Brottes et Jean Grellier, le Modem Jean Lassalle, ou les UDI François Sauvadet et Jean-Christophe Lagarde.

Le député PS Jean Grellier a détaillé à francetvinfo.fr avoir acheté en 2008 sa permanence grâce à un prêt de l'Assemblée sur dix ans, remboursé à hauteur de 600 euros par mois via son IRFM. "Je ne veux pas faire une plus-value ou en profiter", assure-t-il.

D'après le député Modem Jean Lassalle, la pratique était "répandue" lorsqu'il s'est porté acquéreur en 2003, et les collègues l'"encourageaient même à le faire".

Faut-il réformer l’usage de cette indemnité ?

D'autres élus cités par l'association, comme Gérald Darmanin ou Lucien Degauchy (UMP), ont cependant affirmé avoir acheté leur permanence sur leurs "deniers personnels" ou en avoir été propriétaire avant leur mandat.

Le président de Pour une démocratie directe, Hervé Lebreton, se dit prêt à engager des recours en justice : "c'est de l'argent public, donc il doit y avoir une transparence totale", avec remboursement des frais de mandat sur justificatifs.

Le chef de file des députés UMP, Christian Jacob, ne voit au contraire rien à redire à cette pratique : "On est dans le cadre de ce qui est autorisé" et "l'IRFM est un bon système, (...) fondé sur un contrat de confiance entre l'élu et les électeurs".

"Il faut faire attention à ne pas aller trop loin" en parlant de "détournement" d'argent public, s'élève le président du groupe UDI, Philippe Vigier, agacé.

Le patron des députés socialistes, Bruno Le Roux, juge qu'"il y a nécessité à préciser (...) qui à la fin du mandat (...) est propriétaire" de la permanence.
Quant à une éventuelle justification des dépenses, elle suscite une levée de boucliers. Il ne faut pas tomber "dans le voyeurisme, le populisme", lance René Dosière (PS), spécialiste des dépenses publiques.
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