À Besançon, ces parents vont marcher contre le manque de soins pour les enfants et adultes handicapés

Samedi 26 juin, quatre associations appellent à une "marche blanche" dans les rues de Besançon. Elles veulent attirer l'attention des acteurs publics sur le manque de soins pour les personnes handicapées. C'est le cas de Christelle et de Philippe, parents d'enfants tous deux dans cette situation.

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Ces quatre associations organisent une "marche blanche" samedi 26 juin, à Besançon (Doubs). Elles déplorent le manque de soins pour les enfants et adultes handicapés. Sans compter l'abandon des aidants parfois épuisés. Ces responsables d'associations tiennent à marquer le coup, entre les deux tours des élections régionales et départementales. Parmi eux, il y a Christelle et Philippe. Tous deux sont parents d'enfants lourdement handicapés. Ils estiment être démunis pour la prise en charge de leurs enfants, au quotidien. 

Une hospitalisation puis le handicap

Christelle a 50 ans. Elle est mère de 3 enfants dont Jade, qui a aujourd'hui 8 ans. Cette salariée du CHU de Besançon est actuellement en arrêt maladie depuis deux ans, à la suite d'un accident du travail. Cette habitante de La Barre (Jura) doit gérer cette situation, en même temps qu'elle doit aider sa fille, dans son quotidien. D'après la mère de famille, son handicap résulte de négligences, lors d'un passage à l'hôpital de Besançon. 

"En 2015, nous étions venus aux urgences pour des vomissements. Ma fille de 2 ans et 9 mois a été laissée sans surveillance entre 20 heures et 4 heures 30 du matin. Elle s'est retrouvée en arrêt cardiaque pendant 27 minutes, pendant ce laps de temps. Ma fille est alors admise en réanimation. Elle subit de nouveau un arrêt cardiaque. Il faut la rééduquer, mais elle développe de grands handicaps", se désole la maman. La fillette conserve des séquelles importantes. En plus d'une paralysie cérébrale, elle développe une cécité corticale et perd aussi le langage. Pour sa rééducation, Jade bénéficie de "5 heures de thérapies quotidiennes". Les résultats ne sont pas suffisants, selon la maman. 

La recherche d'un traitement en Europe

Christelle décide alors de se rendre dans l'Union Européenne pour trouver des soins adaptés. Le choix est fait : la famille se rend en Slovaquie. Problème : ces soins ne sont pas pris en charge dans le système de santé français. "3 semaines de soins de Slovaquie, ça représente près de 10.000 euros", déplore Christelle. La famille s'est déjà rendue deux fois dans le pays, pour que Jade reçoive ces soins. Cela revient au total à près de 20.000 euros, pour Christelle. Une somme qui a pu être réunie, grâce à son association. "Il y a eu des lotos et tombolas de l'association ainsi que la générosité des gens, qui ont permis tout ça. D'autres associations n'ont pas eu cette chance", regrette la maman de Jade.

Ces sessions en Slovaquie sont utiles, du point de vue de Christelle. "Il fallait de l'oxygénothérapie, de la kinésithérapie et des massages pour réduire les séquelles de la jeune fille. Avec tout cela, les médecins ont estimé qu'on a gagné 5 ans sur la rééducation. Sa cécité corticale régresse : Jade peut de nouveau lire les syllabes, et retrouve peu à peu l'usage de la parole. Elle est actuellement en CP", se félicite la mère de famille. Jade recouvre très lentement ses capacités.

Dans le même temps, sa mère reste très remontée : "Il n'y a pas de prise en charge de la part de l'État. J'ai eu beau m'entretenir avec le président de la République, notamment lorsqu'il est venu à Besançon. Le relancer avec plusieurs courriers : il m'indiquait que la Constitution ne lui permet pas d'intervenir dans des cas individuels. Il n'est pas normal que cette carence doive être palliée par les associations. Je ne parle pas non plus de l'abandon des aidants : j'ai été malade pendant un mois. Mon conjoint a dû arrêter le travail, autant de temps, pour s'occuper de notre fille", s'offusque Christelle. 

Cette recherche de traitement engendre aussi d'autres conséquences, notamment sur la famille. Pas d'été normal, puisqu'ils sont consacrés à ces séjours médicaux en Slovaquie. Les frères et soeurs de Jade souffrent aussi de cette situation. "Sa grande soeur de 26 ans ne supporte pas de savoir Jade dans cet état. Si bien que ça a provoqué un état de mal-être, et des dépressions. Elle en a eu marre, a quitté la maison pour s'installer seule. Jade a aussi un frère de 14 ans. En tant qu'adolescent, c'est dur de ne pas pouvoir connaître des vacances normales, il commence à perdre patience", explique la maman des 3 enfants. 

Un parent seul face au handicap

Philippe, 59 ans, travaillait dans un bureau d'études sur l'environnement. Il y a 3 ans, il perd son emploi. Il y a aussi eu le décès de sa femme : il se retrouve seul à devoir prendre en charge Ilona. En 2005, sa fille a été privée d'oxygène alors qu'elle était dans le ventre de sa maman. Conséquence : la jeune fille, aujourd'hui âgée de 16 ans, naît polyhandicapée.

"Elle est en mesure de tout comprendre, mais elle ne peut pas parler. C'est impossible pour elle de se nourrir, se laver et de s'habiller seule", explique son papa. Il bénéficie de l'aide de l'institut médico-éducatif (IME) de Dôle. Problème, d'après Philippe : "Les IME ne permettent une prise en charge que pendant la semaine". Pour les week-ends et les vacances, le père de famille ne doit compter que sur lui-même. Cela représente un dilemne : "J'ai déjà employé des personnes à domicile pour l'aider tous les jours, essentiellement pour se laver. Mais le reste, comme par exemple pour les repas, je l'assume au quotidien", dit le papa d'Ilona. 

Le manque de soutien de l'Etat

Deux choses fâchent Philippe. Il y a d'abord le coût des appareillages. "Les produits « estampillés pour les personnes handicapées » sont souvent onéreux", s'irrite-t-il. Changer une seule roue du fauteuil roulant de sa fille lui coûte 200 euros. Installer un frein sur ce même fauteuil : 300 euros. Autre grief que pointe le père d'Ilona : les réticences de la France sur les thérapies alternatives. D'après Philippe, elles ont beaucoup aidé sa fille. Pour ces thérapies, ils ont dû se rendre en Belgique et en Hongrie.

"Ilona a bénéficié du « neurofeedback » en Belgique. Il s'agit d'une stimulation de parties saines du cerveau, pour que ma fille puisse retrouver certains mouvements musculaires. Nous avons dû nous rendre aussi en Hongrie, pour « l'éducation productive ». Elle permet une prise en charge physique et intellectuelle des personnes handicapées, dans un même endroit. C'est un conditionnement qui vise à ce que les enfants apprennent le mieux possible, ce qu'ils savent faire ou développer. Ce que j'aime bien là-bas, c'est que cette méthode crée une émulation inter-handicaps entre les enfants. Ils s'entraident et s'apportent mutuellement quelque chose", raconte Philippe.


Ici encore, tout cela a un prix. Pour une session d'une quinzaine de jours de "neurofeedback", cela revient à près de 3.500 euros pour cette famille. Pour l' "éducation productive”, Philippe a pu être aidé : sa femme était hongroise. Cet ancrage local lève la barrière linguistique, et permet alors à Ilona de bénéficier de cette thérapie à des tarifs plus modiques. Mais cela prend du temps : ces séjours en Hongrie représentent quasiment 6 mois par an. Il constate néanmoins une petite amélioration de l'état de sa fille : "Aujourd'hui, Ilona est très sociable. Ce qui change des pronostics de départ. Un neurologue de Besançon m'avait dit que « ce sera comme avec un chien : elle verra quand vous êtes contents ou mécontents, et ça sera à peu près tout »". 

Il déplore enfin le manque de place accordé aux enfants handicapés. Il s'agit surtout de conditions liées à l'âge : "à l'époque, Ilona ne pouvait pas bénéficier de l'aide de l'institut médico-éducatif, avant qu'elle n'ait 6 ans. On ne savait pas que faire, avant cela", déplore son père. Quand ces enfants handicapés deviennent adultes, la situation empire. "Ce sont les maisons d'accueil spécialisées qui doivent les prendre en charge, encore faut-il qu'une place se libère pour eux. Ces capacités limitées font que certains adultes doivent aller en Belgique", relève le papa d'Ilona.

Christelle et Philippe font partie des organisateurs de cette "marche blanche" du samedi 26 juin. Quatre associations doivent défiler dès 14 heures, dans Besançon : les Petits pas de Romane, Léo contre les AVC, L'espoir de vivre autrement pour Ilona et L'Espoir pour Jade. Le cortège doit s'élancer de l'esplanade des droits de l'Homme, traverser le centre-ville mais aussi la MDPH (la Maison départementale des personnes handicapées) avant de retourner sur l'esplanade. 

 

 

 

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