Prévenir les noyades, mais suspendre les leçons de natation : un paradoxe que dénoncent certains maîtres-nageurs. Avec la fermeture des piscines, ils craignent un grand retard dans l'apprentissage pour cet été.
"C'est une catastrophe pour nos enfants". C'est le cri d'alerte lancé par Anthony Cornillat, fondateur d'Aqua-City à Talant en Côte-d'Or. L'an passé, près de 1500 enfants ont appris à nager dans ses locaux. Ce maître-nageur s'insurge contre la suspension des cours et la fermeture des bassins : "70% des enfants ne sauront pas nager cet été." Il a ouvert son bassin trois petites semaines du 15 décembre à début janvier, nettement insuffisant.
"Il y aura du travail d'éducation à rattraper, du retard d'apprentissage à combler comme pour l'école" analyse Patric Trioen, le président de la Ligue de Bourgogne-Franche-Comté de natation. "L'éducation scolaire est une priorité, on la continue, le savoir nager pourrait l'être aussi" poursuit-il. Son club du Cercle Chalonnais s'est résolu à annuler la session de février de son module "j'apprends à nager" où des dizaines d'enfants viennent apprendre les gestes de base dans l'eau. "La natation doit être une cause nationale, on doit travailler sur l'aisance aquatique à partir de 3 ans avec les maternelles" reconnait-il.
[Prévention des #noyades] Votre enfant a entre 4 et 12 ans et ne sait pas encore nager? Le dispositif "J'apprends à nager" propose des cours gratuits de natation dispensés par un professionnel diplômé
— SantépubliqueFrance (@SantePubliqueFr) August 5, 2019
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Roxana Maracineanu, Ministre Déléguée Chargée des sports s'est depuis longtemps emparée de ce sujet sensible, une évidence pour cette ancienne nageuse championne du monde. Le jeudi 14 janvier 2021, lors d’une visite de classe bleue à Poitiers où 25 enfants suivaient une semaine de natation, elle déclarait : « Pour prévenir les noyades, il faut acculturer les enfants à l’eau dès le plus jeune âge, quand ils sont les plus vulnérables ». Mais quelques heures après, le Premier Ministre annonçait la suspension de l’ensemble des activités physiques en intérieur pour les mineurs dans le cadre des mesures sanitaires contre le Covid.
Pour prévenir les noyades, il faut acculturer les enfants à l’eau dès le plus jeune âge, quand ils sont les plus vulnérables. Visite d’une classe bleue à Poitiers où 25 enfants suivent une semaine d’aisance aquatique et travaillent en classe sur l’eau et le développement durable pic.twitter.com/3g3dKb2fAL
— Roxana Maracineanu (@RoxaMaracineanu) January 14, 2021
"On a un bassin de 150m² pour six enfants, on a vu passer 1000 enfants cet été, aucun n'a été malade. L'eau est chlorée, il n'y pas de risque de transmission" explique Anthony Cornillat. Les autorités sanitaires avaient dans une étude conclu que l'eau chlorée etait même de nature à freiner la transmission du virus, mais les difficultés résident souvent dans les vestiaires exigus et au passage fréquent.
Moins de noyades en 2020
Avec la baisse du nombre de maîtres-nageurs depuis plusieurs années, des piscines de plus en plus ludiques, et donc ce retard d'apprentissage, certains avancent une possible hausse des noyades cet été. "C'est osé de faire une relation directe" tempère Patrick Trioen. D'après les chiffres de l'enquête «Noyades 2018», on a déploré 1649 noyades en 2018, soit 30 % de plus qu'en 2015, et 600 ont été fatales. Chez les enfants de moins de 6 ans, la hausse est de 96% globalement et de 132% pour les seules piscines privées familiales.
L'été 2020 a connu une baisse de 12 % de passages aux urgences pour noyade par rapport aux années 2018 et 2019 sur la même période. Cette baisse n’est cependant pas retrouvée dans toutes les régions, 5 ayant un niveau équivalent dont la Bourgogne-Franche-Comté. D'après Santé publique, la baisse observée peut s'expliquer par une diminution du nombre des baignades en raison des restrictions de la crise Covid-19 et des conditions climatiques globalement moins favorables.