Officiellement créé en novembre dernier, le Parc National des Forêts connaîtra cet été sa première grande saison touristique. Certains acteurs touristiques attendent déjà les visiteurs avec impatience mais les objectifs restent modestes. Le Parc reste encore en construction.
Réaliser ses rêves, voilà ce qui guide Elsa Gautherot. En 2018, elle a traversé la France, simplement accompagnée par son cheval et sa mule. À son retour, elle s'est lancée dans une nouvelle quête et un nouveau coup de foudre. La Dijonnaise de 27 ans a visité pour la première fois l'Herberie de La Tille en novembre dernier. Des paysages, une atmosphère, une nature préservée... Elle avait trouvé le lieu où réaliser son nouveau rêve.
« Je voulais trouver un endroit où vivre, où je pourrais installer mes chevaux et mes animaux, explique Elsa Gautherot. En plus de ça, je voulais créer quelque chose qui encourage le contact humain, un lieu qui accueille du public. J'avais l'idée d'une chambre d'hôte insolite, proche de la nature, écologique et je voulais aussi proposer des balades à cheval, des animations nature. C'est là que je suis tombée sur l'annonce de la vente de l'Herberie de la Tille par son ancien propriétaire. J'y ai trouvé absolument tout ce que je cherchais. Je suis tout de suite tombée amoureuse de ce coin-là ».
Elsa Gautherot s'est installée près du village de Villemervry, sur la commune de Vals-des-Tilles à la fin du mois d'avril. Ici, elle voit déjà les visiteurs flâner dans le jardin de plantes aromatiques et médicinales, acheter certaines graines et déguster des infusions. Pour l'hébergement, un tipi permet d'accueillir jusqu'à cinq personnes et une roulotte installée depuis le début du mois de juin offre deux places supplémentaires. Elsa Gautherot propose également des balades à cheval, et même des bivouacs-nature pour deux jours. Le tout aux portes du cœur du Parc National de Forêts.
« Le fait que l'Herberie se trouve dans le Parc National de Forêts, ça a forcément joué aussi dans mon projet. C'était déjà un lieu sublime, mais avec le Parc, je me suis dit que ça allait forcément attirer plus de monde, plus de touristes. Ça va permettre de faire découvrir ces lieux qui sont encore aujourd'hui très méconnus. Quand on parle de Val-des-Tilles aujourd'hui, ni en Haute-Marne, ni en Côte d'Or, personne ne sait où c'est. C'est une vraie opportunité pour faire découvrir ces paysages. »
"Une nouvelle fierté pour ce territoire"
Elsa Gautherot a été accueillie par la maire de la commune, Anne-Cécile Dury qui a tout fait pour faciliter son arrivée. À Vals-des-Tilles se trouve la réserve naturelle de Chalmessin, un patrimoine naturel remarquable. L'élue a toujours milité pour la création du Parc National. Quelques mois après sa création officielle, un effet parc semble déjà se faire sentir.
« On sent qu'il y a une nouvelle curiosité pour le territoire pourtant le secteur n'a pas changé. C'est un coin magnifique et ça l'était déjà avant. Ce qui ça a changé, c'est que j'ai le sentiment que les gens sont aujourd'hui prêts à un peu plus "vendre" leur territoire pour accueillir. Jusque-là, il y avait une sorte de complexe, on se disait presque qu'il faudrait que les hébergements ne coûtent rien, tellement on était honteux de ne pas avoir grand chose à offrir aux touristes. Là, on ressent une nouvelle fierté pour ce territoire. Et du coup, en le regardant soi-même différemment, on le fait apprécier beaucoup mieux aux autres. »
Le regard des habitants du territoire a changé. Celui des touristes peut-être aussi. À la veille du déconfinement, le 10 mai dernier, elle a posté sur les réseaux sociaux un message sur la page Collectif Retour aux sources. Elle y appelait les Dijonnais à venir prendre « un petit bol d'air pur » en montrant quelques photos du territoire. Un mois plus tard, la publication compte déjà plus de 10.000 vues. Preuve que la forêt, la nature et ces paysages suscitent de plus en plus d'intérêt.
La forêt, une destination pour se ressourcer
Déjà, le label Parc National apposé depuis le mois de novembre sur ce territoire semble donner une nouvelle notoriété à cette région. « Certains aficionados des Parcs nationaux commencent déjà à s'intéresser à ce nouveau parc et le mouvement va s'amplifier, promet Anaïs Sibille, chargée de mission tourisme durable au Parc National. Surtout, le fait qu'on soit sur une destination forêt, une destination qui appelle au ressourcement à moins de trois heures de Paris et à deux heures de Lyon, là il y a un potentiel important. »
Le côté ressourcement pour certains, le côté sportif de la randonnée pour d'autres et pour tous, une nature préservée. Des arguments pour convaincre les touristes de s'arrêter et les entrepreneurs de se lancer dans l'aventure du Parc. « Parmi tous les porteurs de projet qui nous ont sollicités, le secteur touristique arrive en premier avec une quarantaine de projets en tout dont 23 en Haute-Marne, détaille Anaïs Sibille. Bien sûr, le confinement a un peu brisé cet élan, mais depuis ça commence à reprendre. »
La directrice du Parc National en est elle aussi persuadée. Véronique Genevey accompagne depuis plusieurs mois les premiers pas du Parc. Une naissance dans un contexte très particulier.
« Le Parc est clairement un produit d'appel pour les offices de tourisme du secteur, mais notre effort de communication a été un peu freiné par la période de confinement. D'ici la fin juin, les structures d'accueil du public vont rouvrir, on a prévu de leur fournir des éléments pour présenter le Parc. Nous avons également une carte interactive sur Internet où on essaye de référencer tous les partenaires qui œuvrent à l'accueil du public. Ça va du restaurant, du gîte ou de l'hôtel à ceux qui proposent de l'activité de loisir et des découvertes. L'objectif étant que tous se connaissent pour guider les visiteurs. » La nouvelle application Mon RDV Nature permet également de renseigner le public sur tous les évènements organisés en marge des parcs nationaux.
Un fort potentiel mais aussi des lacunes
Le très long processus de création du Parc – près de 10 ans – a permis de poser certaines bases. Ces dernières années, des pôles touristiques ont été mis en place pour mettre en réseau quelque 80 acteurs touristiques du territoire. Un travail qui n'a pourtant pas permis de combler certaines lacunes.
« Le territoire a besoin de s'ouvrir au tourisme et il reste aujourd'hui encore des manques, explique Véronique Genevey. C'est le cas notamment dans la restauration, où nous avons identifié des besoins depuis plusieurs années. La crise que l'on vient de traverser ne va pas forcément encourager, tout de suite, à se lancer dans ce secteur. Aujourd'hui, les capacités d'accueil du parc ne sont pas immenses, mais il y a encore de quoi accueillir un tourisme familial. »
Ce premier été du Parc n'aura donc aucun objectif en terme de fréquentation. Il reste encore beaucoup trop de choses à structurer.
« Depuis des mois, on est bien conscients qu'on ne sera pas prêts pour cette saison, explique Anne-Cécile Dury. Le conseil d'administration du Parc National n'existe pas encore, le calendrier fait qu'aujourd'hui, il n'y a pas forcément beaucoup de choses déjà opérationnelles pour cette saison. Si il y a un afflux trop important, le risque serait alors de décevoir les visiteurs. Si les gens viennent, il faut que le produit soit à la hauteur de leurs attentes. La particularité de ce parc, c'est qu'il n'y a pas un monument à voir. Il n'y a pas un lieu précis à venir voir, dont on fait son cliché pour faire waouh ! En revanche, il y a de l'émerveillement partout. Des lumières, des paysages, des silences, un ciel nocturne... C'est tout un ensemble de choses. Et certains séjours peuvent passer à côté de ça. »
Plus qu'un effet de mode pour cet été, le Parc National de Forêts veut s'inscrire dans la durée comme un lieu de ressourcement et d'émerveillement durable. Un lieu pour vivre une expérience authentique au plus près de la nature. C'est le rêve de tous ceux qui, comme Elsa Gautherot, Anne-Cécile Dury et bien d'autres, veulent voir réussir le Parc National de Forêts.