Mercredi 2 octobre 2019, France Nature Environnement, Athenas, et l'association Ferus boycotteront la réunion qui doit se tenir en préfecture du Jura. A l'ordre du jour, le projet de plan programme Prédateurs-Proies-Lynx (PPP).
Des chasseurs impliqués dans des actions de protections, préservation, régulation du lynx ? Le possible scénario a du mal à passer parmi plusieurs associations de protection de la faune sauvage. Elles s'opposent au projet de Programme Prédateur Proies Lynx.
En quoi consiste ce "Programme Prédateur Proies Lynx" ?
Le Programme Prédateur Proies Lynx (PPP) du massif jurassien est un programme qui vise à mieux connaître les interactions entre les actions de chasse, les lynx et la population de chevreuils et chamois. Ce programme regroupe les services de l'Etat, l'office National de la chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS), les départements du Jura et de l'Ain, la région Rhône-Alpes et la fédération nationale des chasseurs. Il prévoit dans ses actions la capture de lynx et la pose de colliers GPS sur ceux-ci. Une mesure qui fait bondir les défenseurs du lynx dont la population sur le massif jurassien reste fragile et souffre régulièrement des collisions routières. Durant 10 ans, 10% des lynx serait capturé pour être équipé de colliers.
Pourquoi plusieurs associations de sauvegarde de la nature sont "vent debout" ?
La nouvelle réunion prévue mercredi 2 octobre sur le programme Programme Prédateur Proies Lynx sera boycottée par plusieurs associations environnementales. Le pôle grands prédateurs du Jura n'y participera pas. "Ce projet de PPP est un projet de conservation du lynx porté par des chasseurs qui parlent de réguler l'espèce" s'indigne Patrice Raydelet inquiet du poids du lobby des chasseurs.
Le centre Athénas spécialisé près de Lons-Le-Saunier dans les soins des espèces sauvages et notamment le lynx boycottera lui aussi le rendez-vous. "Ce projet de PPP a été désavoué deux fois par le Conseil National de Protection de la Nature. Les chasseurs tentent de passer en force. Il y a une main mise de la chasse sur les services de l'Etat" dénonce Gilles Moyne responsable de la structure. Ce dernier estime que les associations spécialisées dans la protection du lynx ne sont pas écoutées et mises à l'écart. "L'Etat fait le lit de la fédération des chasseurs, c'est scandaleux, on n'en veut pas" lance Gilles Moyne directeur du centre. Le Centre Athenas a d'ailleurs déposé un recours auprès du Préfet du Jura. Le 12 juillet 2019, la Préfecture a validé par arrêté le Schéma Départemental de Gestion Cynégétique pour le Jura. "Ce schéma parle ouvertement de programmer la régulation de grands prédateurs, et l’évolution du statut de protection du lynx" s'indigne là encore le centre Athénas.
L'association Nationale Ferus spécialisée dans la protection du lynx, loup et ours en France monte elle aussi au créneau. "Ce projet de Programme Prédateur Proies Lynx fait peser des menaces sur les lynx qui seront capturés. Toute anesthésie sur un animal présente des risques" s'inquiète Olivier Guder, vice président de Ferus et coordinateur des actions pour le lynx. "Nous sommes inquiets car les chasseurs veulent démontrer que le lynx prélève trop de chevreuils et de chamois, ils veulent à termer le réguler...Nous ne voyons pas l'intérêt pour le lynx dans le Jura de faire une telle opération. Il n'est pas logique que des chasseurs soient à l'origine de ce programme, et on peut avoir des doutes qu'il soit destiné à une protection intégrale et stricte du lynx boréal" estime le représentant de Ferus. Pour ce dernier, rien ne justifie un tel programme : "Les populations de chamois et de chevreuils se portent très bien dans le Jura, où le lynx est présent depuis plus de 30 ans" dit-il.
Même colère du côté de France Nature Environnement. "Nous estimons que le cadre et les objectifs de ce PPP sont pour le moins peu clarifiés par l'Etat, qui a en responsabilité le bon état de la population de lynx" explique France Nature Environnement. "Le fait que ce projet avance malgré l'absence de toute décision politique de validation de ses conditions même de réalisation (capture et équipement de nombreux lynx) pose question, s'agissant d'une espèce protégée dont l'état de viabilité/dynamique de population réclame la plus grande attention des pouvoirs publics" ajoute l'association.
Par deux fois, le Conseil National de Protection de la Nature a rendu un avis défavorable
Le Programme Prédateur Proies Lynx a reçu par deux fois un avis défavorable du Conseil National de Protection de la Nature (CNPN). Le CNPN s'est opposé à la demande de dérogation déposée pour capturer 10 lynx. Le CNPN a refusé à l'unanimité cette demande car les objectifs de l'étude proposée comportent la capture et l'équipement d'un nombre important de lynx par rapport à la population locale et qu'ils touchent une espèce dont le statut de conservation est défavorable. Cela présente un risque potentiel pour cette population de lynx. Le CNPN recommande à l'Etat l'élaboration d'une réelle politique de conservation de l'espèce associant tous les acteurs, sous forme d'un Plan National d'Action.
Il n’est pas question que les chasseurs régulent le lynx se défend la Fédération de Chasse du Jura
Joint par téléphone Christian Lagalice président de la Fédération de chasse du Jura regrette ce boycott des associations. « La plus ancienne association de protection de la nature dans le Jura c’est la fédération de chasse depuis 1979. Avec ce PPP, nous contribuons à un programme scientifique avec l’ONCFS, le CNRS, les Suisses… C’est un programme qui cherche à accroître la connaissance sur le lynx. Que des gens ne veulent pas faire accroître la connaissance, et bien c’est de l’obscurantisme » lance le président des chasseurs. « On nous prête des idées funestes, mais si le lynx se porte bien dans le massif jurassien c’est que les chasseurs l’ont respecté, comme le grand tétras. Le chasseur est respectueux de la réglementation. Le lynx est protégé, nous le respectons » ajoute Christian Lagalice.
Un plan national d'action pour le lynx prévu pour 2020
Au dela de cette réunion prévue à Lons-Le-Saunier, Ferus s'inquiète aussi du futur Plan national d'action en faveur du lynx. La première réunion du comité de pilotage s'est déroulée en février 2019. Deux autres réunions sont prévues en octobre à Besançon. Le plan pourrait rentrer en application d'ici la fin de l'année ou début 2020.
Ce plan national est destiné à protéger le lynx boréal espèce menacée qui figure sur la liste rouge nationale dans la catégorie "espèce en danger". Il subsisterait en effet entre 100 à 150 lynx sur le territoire national dont la majeure partie vit sur l’arc jurassien. Ferus craint que ce Plan National d'Action ne reprenne les bases du Programme Prédateur Proies Lynx. "On a peur que l'Etat et l'ONCFS aillent dans le sens des chasseurs" s'inquiète Olivier Guder, de l'association Ferus. Pour le pôle grands prédateurs, ce plan a été en grande partie négocié et discuté avec les associations, il devrait présenter plus de garanties.