Derrière la cabrache se cachent trois fromages produits seulement dans le Morvan. Qu’elle soit de chèvre, de brebis ou de vache, cette tomme est le résultat de trois ans de recherches et de réflexions pour offrir une nouvelle source de revenus aux agriculteurs morvandiaux.
Et si un jour un fromage était au Morvan ce que le comté est au Jura ? Il y a trois ans, le parc naturel régional du Morvan fait ce rêve. Il invite alors les producteurs de lait à collaborer à la création d'un fromage 100% morvandiau. Le 2 octobre 2021, la "cabrache", tomme du Morvan, est officiellement lancée sur le territoire. 14 éleveurs produisent désormais ce fromage, qui se décline en trois espèces : chèvre, brebis et vache.
Soutenir les agriculteurs
"L'objectif, c'était de faire un projet de territoire, rapporter de la valeur ajoutée, créer de la richesse, avoir des agriculteurs qui puissent en sortir un revenu et vivre correctement de leur métier." explique Sylvain Mathieu, président du parc naturel régional du Morvan.
Il y a cinq ans, lors de la fusion Bourgogne Franche-Comté, Sylvain Mathieu devient vice-président de la Région en charge de la montagne. En se rendant dans les différents massifs, il fait un constat : les agriculteurs qui se diversifient gagnent mieux leur vie.
"Là où il y a des productions fromagères sous appellation, on a des agriculteurs qui vont bien. Je me suis dit, si seulement on avait ça dans le Morvan!", confie-t-il, "quand j'ai vu que le Coeur de Massif, fromage inventé dans les Vosges il y a sept ans, était une réussite, je me suis dit que quelque chose était à faire", continue Sylvain Mathieu. Le Morvan n'est pas réputé pour ses productions de fromage. Il va donc falloir l'inventer.
"Nous avons invité tous les producteurs de lait du Morvan et leur avons soumis l'idée (...) nous a avons élaboré un cahier des charges avec ceux qui étaient intéressés, il a fallu choisir l'espèce, puis la race, l'alimentation, lait cru, ou mi cuit ? sa taille, sa forme, et enfin son nom." A l'issue des différentes réunions entre les agriculteurs et le parc régional du Morvan, il est décidé que le fromage morvandiau sera une tomme qui se déclinera en trois espèces : la chèvre, la brebis et la vache. La contraction de ces trois mots donne...cabrache.
Un cahier des charges strict
Pourquoi une tomme alors que le Morvan produit traditionnellement du fromage à pâte fraiche ? "Les mammifères, quand ils font leurs petits, vers avril, ils font beaucoup de lait (...) puis ils n'en font plus. Produire une tomme c'est un moyen de stocker le lait quand il y en a trop et le revendre quand il y en a moins, c'est un fromage de garde", commente Sylvain Mathieu.
Peu à peu la cabrache prend forme, les agriculteurs décident collégialement d'une "recette"à respecter.
"Il faut dix semaines d'affinage et il se fait sur des planches de Douglas pour ne pas altérer le goût du fromage", commente Vincent Shwartz, l'un des producteurs de lait qui s'est lancé dans sa conception, "on a une fourchette de dosages de petit lait, le ferment pour acidifier et la température d'emprésurage et de réchauffe...il faut respecter la taille du grain, si on a un gros grain il n'y aura plus de l'air emprisonné dedans à l'affinage, la pâte sera pas la même (..) et on laisse se développer le poil de chat, une croûte un peu grise", continue-t-il.
Le cahier des charges est stricte et prend en compte l'élevage, l'alimentation ainsi que le bien être des animaux. Les producteurs doivent tous posséder un atelier de transformation sur leur exploitation. Sur la dizaine de personnes adhérente au projet, seuls cinq sont actuellement labellisés pour vendre leur production sous le nom de "cabrache".
Un engouement territorial
La tomme cabrache est commercialisée depuis le 2 octobre 2021. Lors de son inauguration, la clientèle était au rendez-vous. "Il y a un grand engouement pour ce fromage, on a des restaurateurs qui nous ont démarchés pour commercialiser produit" affirme Vincent Shwartz, "Ce qui séduit beaucoup, c'est le côté morvan du fromage, c'est l'aspect territorial" continue-t-il.
La tomme du Morvan est une façon de faire rayonner le territoire et ses producteurs, qui sont aussi attachés à l'idée de partager un savoir-faire commun, "Je me suis dit que c'était intéresssant de participer à une démarche collective sur le Morvan, si ça peut nous aider à progresser et à confronter nos produits avec nos collègues, c'est important", ajoute Olivier Catteenoz, producteur partenaire de Vincent Shwartz.
"Moi ce que j'aimerais c'est que les gens qui mangent la cabrache l'associe au territoire", continue-t-il. Le défi est donc de donner une implantation géographique à cette tomme. Pour que chaque bouchée ait un petit goût de Morvan.