Se faire opérer d'un cancer du sein et rentrer chez soi le soir même: cette pratique encore impensable il y a quelques années se développe pour des raisons notamment économiques, même si des freins psychologiques et logistiques demeurent.
En 2010, seulement 5% des opérations du cancer du sein en France étaient réalisées en ambulatoire, c'est-à-dire sans hospitalisation de nuit, mais ce chiffre est passé à près de 25% l'an dernier, selon l'organisme Unicancer. Et la proportion dépasse même 40% pour les opérations pratiquées dans les seuls centres de lutte contre le cancer (CLCC), des établissements privés à but non lucratif spécialisés en cancérologie, précise cet organisme qui réunit l'ensemble de ces centres.La chirurgie ambulatoire est fortement encouragée par le gouvernement, qui y voit un levier pour réaliser des économies. Dans le cadre du plan cancer présenté en 2014,il estime que cette pratique "pourrait concerner 50% de la chirurgie des cancers du sein" d'ici 2020. Jusqu'à récemment, la charge symbolique associée au cancer semblait pourtant incompatible avec l'absence d'hospitalisation.
Même si 90% des patientes diagnostiquées ne présentent pas de symptômes et que 85% seront vivantes dix ans après leur traitement, le mot cancer "reste synonyme de maladie grave et de mort", explique Sylvia Giard, dans une communication sur le sujet publiée en 2014 par l'Académie nationale de chirurgie. Pour cette chirurgienne au département de sénologie du Centre Oscar Lambret à Lille, l'opération du cancer du sein se prête pourtant bien à la chirurgie ambulatoire, du moins dans sa forme la moins mutilante: l'ablation de la tumeur et d'un ou plusieurs ganglions.
"Cette chirurgie conservatrice semble particulièrement adaptée à l'ambulatoire", car elle est de courte durée, à faible risque de complications sévères mais aussi "relativement peu douloureuse" et "peu invalidante" pour la patiente, selon elle. Or, du fait de dépistages plus précoces et de recours moins systématiques aux traitements plus lourds (ablation totale du sein ou extraction de tous les ganglions de l'aisselle), ce type de chirurgie est aujourd'hui le plus répandu.
"L'intérêt premier est pour les patientes"
Les incitations tarifaires des pouvoirs publics, qui ont aligné la rémunération des actes ambulatoires sur ceux suivis d'une hospitalisation, ont aussi poussé les établissements à développer cette pratique. Mais pour Charles Coutant, chef de la chirurgie au centre anticancer Georges François Leclerc de Dijon, la principale motivation n'est pas économique. "L'intérêt premier est pour les patientes", a-t-il affirmé à l'AFP, expliquant que les opérations en ambulatoire entraînent moins de risques d'infections nosocomiales et une anxiété limitée du fait d'un retour plus rapide dans le cadre familier du foyer.
Dans son centre de Dijon, où 66% des opérations "standard" de cancer du sein sont réalisées en ambulatoire, 97% des patientes se sont dit satisfaites de ce mode de soin et seules 4% estiment qu'elles auraient été mieux prises en charge avec une hospitalisation traditionnelle, selon une enquête présentée par le Pr Coutant lors d'une conférence de presse de la Société française de sénologie et de pathologie mammaire.
La condition pour que cela fonctionne, c'est que la patiente soit d'accord, et que tout le parcours de soin avant et après l'opération soit optimisé, a souligné ce médecin, qui coorganise un congrès à Dijon en novembre sur la "désescalade" dans le traitement du cancer du sein. C'est justement là que le bât blesse, avertit toutefois Pascal Bonnier, cancérologue à l'Hôpital Beauregard de Marseille. "Tous les établissements n'ont pas un service de radiologie et de scintigraphie dans leurs murs" permettant la prise en charge sur une seule journée, dit-il.
Quant au suivi post-opératoire, "est-ce qu'il ne vaut pas mieux être hospitalisé 48 heures pour faire tous les examens plutôt que de faire cinq allers-retours", s'interroge-t-il, soulignant que les patientes peuvent parfois habiter loin des établissements de soin. Cancer le plus fréquent chez les femmes, le cancer du sein cause encore près de 12.000 décès chaque année.