L'exposition "à la Mode, l'art de paraître au XVIIIe siècle" a débuté vendredi 13 mai. Pendant 3 mois, le musée des Beaux-Arts de Dijon accueille pour la première fois des costumes et textiles pour retracer l'histoire du costume au Siècle des Lumières.
Ce volet est la deuxième étape d'une exposition proposée initialement au Musée d'arts de Nantes du 25 novembre au 6 mars et qui attiré 89 000 visiteurs. D'autres objets sont présentés à Dijon, parmi les 140 mis en avant dans cette exposition. Pour cette exposition d'envergure, le musée n'a pas hésité à mettre "les petits plats dans les grands" et à anticiper plusieurs mois à l'avance l'événement.
Des prêts exceptionnels des musées textiles français
L'exposition présentée à Dijon a pu se faire grâce aux forces conjointes de deux musées : le musée d'Arts de Nantes et le musée des Beaux-Arts de Dijon. En effet, l'idée initiale est partie de Nantes et d'Adeline Collange-Perugi, conservatrice responsable des collections d'art ancien pour le Musée des Arts de Nantes, co-commissaire de l'exposition et de Pascale Gorguet Ballesteros, conservateur en chef, responsable du département 18è siècle et poupées au Palais Galliera, pour le Musée de la Mode de la Ville de Paris.
Initialement, le Musée des Beaux-Arts de Dijon avait été sollicité dans ce projet pour une demande de prêt d'une dizaine d'œuvres. Mais devant l'importance du projet, une orientation différente a été prise.
Sandrine Champion-Balan, conservatrice en chef, chargée du pôle Valorisation des Collections et responsable des collections modernes pour les musées de Dijon, a "trouvé le sujet extrêmement intéressant. On réfléchissait à la programmation des expositions entre 2021 et 2024. J'ai pris contact avec ma collègue de Nantes, pour voir si une deuxième étape était envisageable, et tout cela s'est monté assez vite !"
Pour la conservatrice en chef, le thème de l'exposition permettait de voir les choses en grand : "On renoue avec une programmation assez ambitieuse d'expositions temporaires, et pour la première fois à Dijon, nous accueillons des textiles et des costumes. C'est ce qui m'intéressait, de croiser des arts visuels avec des costumes."
Une exposition en deux étapes s'est imposée, et pour chacune, des prêts d'œuvres exceptionnelles. Par exemple, le Musée de la Mode Palais Galliera à Paris prête des robes et tissus, pour certains, qui n'ont jamais montrés jusqu'à présent, et des dessins et esquisses préparatoires. Mais les autres grands musées textiles de France sont prêteurs, comme le Musée des tissus de Lyon, le musée de la Toile de Jouy-en-Josas, le Musée de la Chemiserie et de l'Elégance masculine d'Argenton-sur-Creuse.
Pour les Beaux-Arts, les prêts concernent aussi le Château de Versailles, le musée du Louvre, le château d'Ecouen, les musées d'Art de Nantes, Quimper, Tours, Orléans et Londres.
Le palais Galliera, musée de la mode de la Ville de Paris, a prêté des robes et costumes, ainsi que beaucoup de documents iconographiques. La co-commissaire de l'exposition, Pascale Gorguet Ballesteros, conservateur en chef, responsable du département mode 18ème siècle et poupées, a participé aux deux étapes de l'exposition dans la préparation et le montage.
Le prêt de textiles est conditionné par leur fragilité de manipulation, et de conservation. Pascale Gorguet Ballesteros explique tout d'abord que "la difficulté pour la partie textile, on dit qu'un mois d'exposition équivaut à un an de repos." En effet, il faut conserver "au noir" les textiles pour éviter qu'ils ne soient abîmés par la lumière, tout comme les dessins sur papier, ce sont les mêmes contraintes. Mais concernant les sollicitations nombreuses de demandes de prêt, la co-commissaire explique que malgré les contraintes, la partie dijonnaise devrait se retrouver légèrement avantagée : "Nous, le Palais Galliera, nous avons nos impératifs liés à une galerie permanente. Ça a été un petit peu compliqué à monter comme exposition, mais la partie dijonnaise est plutôt gagnante, puisqu'il y a des costumes qui sont montrés à Dijon qui n'étaient pas à Nantes, des tissus qui sont venus en supplément. Il y a des pièces inédites qui seront montrées à Dijon qui n'ont pas été vues à Nantes, tout comme des pièces de chez nous, qui ne sont pas à Dijon. Tout cela donne une personnalité à ces deux étapes."
Face aux nombreuses demandes de prêt, le Palais Galliera ne peut pas répondre à toutes les sollicitations : "le palais Galliera est extrêmement sollicité pour des prêts sur toutes les époques, nos collections vont du 18ème siècle à nos jours, avec un cabinet d'arts graphiques extrêmement important, et une collection de photographies très importante et maintenant des ouvrages précieux dans notre bibliothèque."
Un autre élément à prendre en compte : chaque déplacement d'un costume (robe, veste, veston...) nécessite une restauration : les fibres sont anciennes, et ont pu se dessécher au fil des années et subissent la gravité lors de leur installation sur un mannequin. La présentation d'une robe sur un mannequin met le vêtement en tension et "implique un soin supplémentaire, en plus de la mise en valeur esthétique [...] Un montage textile prend plus de temps qu'un montage de peinture, il faut un support qu'il faut préparer. Il faut une journée à une journée et demi pour préparer un mannequin et poser la robe ( ex. une robe à la française ndlr)"
L'épisode 1 du feuilleton "A la mode, l'art de paraître au XVIIIème siècle", sur les préparatifs de l'exposition : https://youtu.be/DlssXoEKF5g
Une exposition temporaire d'envergure, qui prend de la place !
L'aspect exceptionnel de cette exposition se traduit aussi par la place qui lui est donnée : 600 mètres carrés lui sont alloués. Il a fallu déménager les collections permanentes du premier étage du Musée des Beaux-Arts de Dijon. Huit salles ont été entièrement vidées de leurs œuvres, et la scénographie entièrement refaite.
Ces travaux de déménagement ont débuté en février 2022, un moment où il a fallu décrocher les œuvres existantes, et les déplacer : des opérations complexes, effectuées par la Régie des Collections du Musée des Beaux-Arts.
Sa responsable, Anne Lhuillier, a anticipé tous ces mouvements d'œuvres par un rétro-planning, avec des moments clairement identifiés pour sortir les œuvres existantes et les ranger aux réserves : "On a commencé à décrocher et à les sortir, dès mi-février, surtout sur les mardis (jours de fermeture au public). On va les identifier, pour savoir où elles vont, jusqu'à leur point définitif."
Parmi les salles les plus spectaculaires qui ont été vidées de leurs oeuvres, la grande galerie du XVIIIè, qui présente des tableaux "grand format". Là aussi, plutôt qu'envisager un déplacement des tableaux, coûteux et risqué (grutage par les fenêtres du musée) une astuce a été trouvée :
"Certaines ne tiennent pas telles quelles aux réserves. Il a été décidé de laisser ces oeuvres in situ. Nous construisons une réserve, une pièce, et nous allons venir ranger les tableaux à l'intérieur [...] C'est le travail même de la régie, c'est toute une logistique qu'il faut coordonner. Ça prend du temps et on est obligés de l'anticiper et de le faire de façon lente, car ce sont des œuvres d'art. Ce ne sont pas des caisses et des cartons, des choses qui se manipulent facilement, il n'y a pas de difficulté. L'important, c'est de prendre notre temps."
Cette exposition intervient tout juste trois ans après la rénovation du musée des Beaux-Arts, cela peut paraître prématuré, mais selon Anne Lhuillier, "c'est la suite logique à la rénovation d'un musée comme le nôtre. A un moment donné, il faut faire des expositions d'ampleur. Là, on présente une vraie 'belle' expo dans de beaux espaces !"
D'autres expositions d'ampleur à venir
Le musée se donne les moyens d'accueillir cette exposition, et de proposer un aspect plus intimiste pour cette seconde étape de l'exposition qu'à Nantes. Frédérique Goerig-Hergott, directrice des musées de Dijon, souligne qu'au-delà de "vouloir tester les espaces du musée, l'idée c'était de montrer un pan de nos collections qui manque aujourd'hui : les bijoux, le costume, c'est une manière complémentaire d'inscrire une exposition dans le contexte de notre musée."
Le contexte du musée, c'est avant un musée dans un palais : le musée occupe l'aile Est du palais des Ducs et des Etats de Bourgogne, vaste ensemble architectural qui structure le cœur de la ville.
Pour la Directrice des musées de Dijon, l'exposition va entrer en résonnance avec le Palais des Ducs : "Cette exposition permet de dialoguer avec l'architecture, une partie de l'exposition sera proposée dans les grandes salles 18è siècle et le salon Gaulin, qui vont contextualiser l'exposition [...] C'est un premier rebond pour se saisir des espaces et proposer de nouvelles expositions par la suite. Il n'y a pas de stratégie spécifique à vouloir absolument être séduisant, en revanche, il y a une volonté d'élever le public et de transmettre les valeurs muséales et aussi celles de l'histoire de l'art, de raconter les histoires qui sont liées au contexte de ce palais dijonnais."
Le musée et le rayonnement de la ville
La ville de Dijon compte bien utiliser le Musée des Beaux-Arts comme outil d'attractivité pour le rayonnement touristique, mais aussi pour les retombées bénéfiques possibles pour la Métropole.
Pour Christine Martin, adjointe au maire et déléguée à la Culture, et conseillère métropolitaine à la Culture, l'outil que représente le musée des Beaux-Arts rénové va servir pour que Dijon devienne une ville remarquable : "Depuis la réouverture du musée des Beaux-Arts en 2019, nous avions eu la grande expo Ming, et puis une pandémie mondiale s'est un peu mêlée de notre histoire. Désormais, nous reprenons les choses en main avec cette exposition, 'la mode au XVIIIè siècle', c'est aussi l'ouverture d'une succession d'expositions de grande envergure. C'est un levier d'attractivité et de rayonnement formidables. Le fait de construire des expositions comme "à la mode", en collaboration avec d'autres grands musées nationaux, c'est aussi une opportunité de donner à voir Dijon, de donner à voir ses musées, ses collections, son patrimoine."
La politique culturelle de Dijon repose sur une facilité d'accès, qui commence par la gratuité : "Nos expositions sont gratuites, nos collections permanentes sont gratuites. Je crois que c'est un moyen de faire venir non seulement les touristes et les gens d'ailleurs, mais aussi un moyen de faire venir et revenir ceux qui viendraient passer un week-end, mais aussi les dijonnais. C'est à eux qu'on s'adresse au premier chef. La politique culturelle de la ville, c'est d'être le plus incitatif, au service du rayonnement et au service de la citoyenneté."