Le protoxyde d’azote, utilisé dans les siphons à chantilly, est détourné pour ses effets euphorisants. Mais, sa consommation peut provoquer des problèmes de santé gravissimes. C’est pourquoi des élus de tous bords politiques demandent qu’un projet de loi soit examiné rapidement.
D’où vient l’usage du protoxyde d’azote ?
Vous avez peut-être déjà aperçu ces petites cartouches métalliques sur les trottoirs de Dijon ou d’ailleurs. Ce sont des recharges de protoxyde d’azote qui sont utilisées dans les siphons pour faire de la crème chantilly. Mais, les jeunes les détournent pour un usage festif, c’est pourquoi il y en a de plus en plus dans les rues.Les fêtards vident la cartouche de protoxyde d’azote dans un ballon de baudruche qui se gonfle et ensuite ils respirent l’air qui est emprisonné dans le ballon. Cela provoque des fous rires, comme en témoignent les nombreuses vidéos que l’on trouve sur les réseaux sociaux.
Jurez ça donne envie maintenant le gaz hilarant ?! pic.twitter.com/63X9ER4msW
— ????????? (@babygirlxxxxx_) July 8, 2020
Pourquoi le protoxyde d’azote est-il si dangereux ?
"Les premières anesthésies ont été réalisées avec ce gaz qui possède des propriétés antalgiques fortes. Ça a commencé aux Etats-Unis avec un dentiste qui arrachait des dents en mettant ses patients sous effet du protoxyde d'azote. Aujourd’hui, les anesthésistes ne l’utilisent pratiquement plus", explique Didier Honnart, médecin urgentiste au CHU de Dijon.Utiliser du protoxyde d’azote pour passer un bon moment n’est pas sans risques : cela va des brûlures provoquées par le froid à l'expulsion du gaz jusqu’à la perte de connaissance. Une utilisation régulière ou à forte dose peut entraîner une atteinte de la moelle épinière, une carence en vitamine B12, une anémie, des troubles psychiques. Ces séances de fous rires peuvent même se terminer de façon tragique, avec une asphyxie par manque d'oxygène.
Le problème du protoxyde d'azote, c’est comme avec n’importe quel gaz. Si vous ne respirez que du protoxyde d'azote, vous n’avez plus d’oxygène. Donc, si vous n’avez plus d’oxygène, vous allez faire un arrêt cardiaque hypoxique. Vous allez vous endormir et faire un arrêt cardiaque par défaut d’oxygène dans le sang. C’est ça qui tue.
"Il faut mettre en garde ceux qui l’utilisent pour un usage récréatif, car les accidents sont redoutables. Faire un arrêt cardiaque, c’est grave. Mais, un arrêt cardiaque par manque d’oxygène, c’est pire car le cerveau est privé d’oxygène très tôt, avant même le cœur. Donc, quand le cœur s’arrête, c’est que les dégâts au niveau du cerveau sont déjà irrécupérables.
Concrètement, des gamins peuvent rester en état végétatif. Ils ne meurent pas. La réanimation permet de faire repartir leur cœur, mais leur cerveau est hors d’usage."
Reportage de Gabriel Talon, Rodolphe Augier et Florentin Nogara avec Didier Honnart, médecin urgentiste au CHU de Dijon
Comment sensibiliser les jeunes aux dangers du protoxyde d’azote ?
Que faire pour inciter les consommateurs à ne pas utiliser ce gaz dit "hilarant" ?"Si on interdit la vente de protoxyde d'azote, il va y avoir un trafic de cartouches. Ils iront les acheter sur internet ou en Belgique ou ailleurs", estime Didier Honnart.
En revanche, l’urgentiste croit beaucoup plus à la sensibilisation : "Pour dissuader les utilisateurs de ce jeu qui peut tourner à la catastrophe, on pourrait montrer des images des conséquences d’un arrêt cardiaque hypoxique sur un jeune de 15 ans."
A Dijon, le détournement du protoxyde d’azote est un phénomène naissant. Mais, d’autres villes de France sont confrontées à ce fléau depuis plusieurs années. Faute d'interdiction nationale, des mairies ont pris des arrêtés municipaux pour interdire la vente de ce produit aux mineurs ou sa consommation sur la voie publique.
Comment accélérer l'examen d'une proposition de loi prévu ... en 2021 ?
Des élus ont décidé de se saisir du problème. C’est ainsi que le 11 décembre 2019, le Sénat a adopté à l'unanimité une proposition de loi visant à protéger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d'azote.
Mais, ce texte ne sera examiné par l’Assemblée nationale … qu’en 2021.
C’est pourquoi la sénatrice centriste Valérie Létard - qui est à l’origine de la proposition de loi - "appelle à la mobilisation des groupes parlementaires" pour qu’elle soit inscrite rapidement à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Des députés de tous bords politiques ont cosigné une tribune le 24 juillet 2020. Objectif : rappeler au gouvernement l'urgence d’examiner ce texte pour légiférer notamment sur les axes suivants :
-Interdiction de la vente aux mineurs
-Développement des actions d’information et de prévention notamment dans les établissements scolaires
-Interdiction de l’incitation à la consommation de protoxyde d'azote
Communiqué de Presse
— Valérie Létard (@valerieletard) July 23, 2020
J’en appelle à la mobilisation des groupes parlementaires pour inscrire rapidement à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale notre proposition de loi sur le #protoxyde d’azotehttps://t.co/qZtb2U3tGN pic.twitter.com/p0sLvaTufP
Le détournement du protoxyde d'azote existe depuis de nombreuses années !
Des "usages détournés de protoxyde d'azote sont observés de façon discontinue depuis 1999 (...).
A partir de 2015, on constate qu'il devient très disponible sur les scènes festives alternatives (...).
En 2017, la visibilité du protoxyde d'azote dans l'espace public s'accroît dans la métropole lilloise où les cartouches vides jonchent les trottoirs de certains quartiers, témoignant du caractère massif des consommations.
Le site TREND de Lille a identifié différents profils de consommateurs : jeunes impliqués dans le trafic de stupéfiants, personnes prostituées, personnes précaires, mais aussi des collégiens et des lycéens", indique un rapport de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies de décembre 2018.
"Les risques liés à ce produit, dans un contexte où des consommations massives et répétées sont rapportées, semblent peu connus alors que des signalements sanitaires sont mentionnés", ajoute l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies dans son rapport de décembre 2019.