Depuis plus de deux ans, la ligne Lille - Mulhouse qui dessert les gares de Dijon et Montbard en Côte-d'Or est suspendue. Alors que certaines rumeurs font état d'une future fermeture, plusieurs élus bourguignons font pression sur la SNCF pour relancer le trajet qui permet notamment de rallier l'aéroport de Roissy.
Le 10 février 2020, en pleine explosion de la crise pandémique, la SNCF annoncait la suspension de la ligne TGV, qui relie deux fois par jour Lille à Mulhouse, via Marne-la-Vallée et l’aéroport de Roissy. Une décision qui impacte la Côte-d’Or puisque la liaison passe par Dijon et Montbard. Depuis, aucun train n’a réemprunté ce trajet. Si elle est toujours officiellement suspendue, la rumeur fait état d’une fermeture définitive de la ligne dans les prochaines semaines. Ce à quoi les autorités politiques de Bourgogne-Franche-Comté s’opposent fermement.
Avec Marie-Guite Dufay, présidente du conseil régional, Anne Vignot, maire de Besançon, ville par laquelle passe la liaison, Jean Rottner, président de la région Grand Est ou encore la maire de Mulhouse, Michèle Lutz, François Rebsamen, édile de Dijon, mène des négociations avec la SNCF pour le rétablissement de la ligne. Car pour la cité des Ducs, le trajet représente l’occasion d’être connectée à deux aéroports internationaux : Bâle-Mulhouse et Roissy.
La disparition de ce trait d'union entre la Suisse et la Belgique serait dommageable pour de nombreux habitants et entreprises qui se sont implantés dans nos agglomérations grâce aux facilités d'accès et de desserte.
Les élus de Côte-d'Or dans une lettre adressée au PDG de la SNCF
"Je n’imagine pas une seconde que la SNCF la supprime. Il est impensable de ne pas rouvrir, et très vite, cette ligne. Il n’est pas question qu’on empêche nos villes, nos communes, nos régions, d’être en lien direct avec l’Europe par le biais de Lille, qui est une ouverture sur Bruxelles, et par la liaison avec l’aéroport de Roissy". Le tout alors que Dijon souhaite s’affirmer comme une capitale mondiale de tourisme et vient de lancer la cité de la gastronomie.
L’appel de François Rebsamen à "faire pression"
François Rebsamen appelle alors à "faire pression". Le groupe d’élus engagés dans la lutte pour le rétablissement de la ligne a sollicité un rendez-vous avec le président de la SNCF, Jean-Pierre Farandou.
Nous espérons que cette pression va porter ses fruits. L’idée c’est de faire entendre notre voix. Je n’imagine pas que Dijon n’ait pas une liaison directe avec Lille.
François Rebsamen, maire de Dijon
"Si la SNCF ne rétablit pas cette ligne, il faut nous donner des explications concrètes, nous dire quel est le bilan économique. Elle a toujours fonctionné, les trains étaient pleins. Nous voulons des explications", souffle le maire de Dijon qui affirme vouloir également évoquer le sujet avec Elisabeth Borne et Emmanuel Macron si les négociations n’avancent pas.
Plus haut en Côte-d'Or, les élus du nord du département eux-aussi s'engagent pour la défense de cette ligne. À l'appel de Laurence Porte, la maire de Montbard, ils ont envoyé une lettre à la SNCF. Eux-aussi pointent une fermeture qui couperait leur secteur de sa porte d'entrée vers l'Europe. Mais ils défendent également une autre vision de l'aménagement du territoire.
"Cet arrêt est impactant pour l'activité économique, touristique et résidentielle. Comment peut-on parler d'attractivité, d'aménagement du territoire quand on vise la suppression d'une ligne ?, se demande l'édile Horizons avant de poursuivre. Soit on est dans une vision où tout est concentré sur le réseau ferroviaire qui part de Paris, soit on a un aménagement avec des lignes qui permettent d'aller de province en province".
L'inquiétude des usagers
Dans les rues de Montbard, les usagers de la ligne s'inquiètent également d'une potentielle fermeture. "C'est catastrophique. C'est tellement utile et primordial, alors qu'on veut moins utiliser la voiture. Il faut vraiment garder cette ligne. Le circuit ferroviaire est trop centralisé. C'est important d'aller d'une région à l'autre sans encombrer encore plus Paris", confie une habitante qui s'est installée dans la commune en raison de la présence d'une gare TGV.
"Ça manque aujourd'hui. Il faudrait remettre des TGV. Ce sont des services publics essentiels. On mérite d'avoir plus de TGV qu'aujourd'hui", ajoute un autre résident.
Mais pour Cédric Journeau, président de la Fnaut Bourgogne Franche-Comté (la Fédération nationale des associations d'usagers des transports), ces questions se heurtent aux réalités économiques. "L'outil TGV pour SNCF est avant tout un outil commercial. Elle ne peut plus se permettre d'avoir des TGV qui ne sont pas rentables. Deux logiques se font face : aménagement du territoire et logique économique. Et là, on n'est pas sur une ligne à fort potentiel", glisse-t-il.
La réponse de la SNCF
Dans un communiqué adressé à France 3 Bourgogne, la SNCF explique être consciente "des difficultés que peut susciter la suspension de cet aller-retour TGV Mulhouse - Lille via Dijon, mais cette liaison a subi les effets de la crise sanitaire. La pandémie a entraîné une chute brutale de la fréquentation voyageurs TGV". Selon la Fnaut, ce sont 200 voyageurs qui étaient présents dans chaque TGV emprunté par la ligne Mulhouse - Lille.
Depuis 2018 et la promulgation de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, la SNCF est soumise à des obligations d'équilibre économique. "Ainsi, toute évolution concernant la remise en circulation de ce TGV entre Lille, l’aéroport de Roissy et la Bourgogne-Franche-Comté sera nécessairement conditionnée à sa soutenabilité économique". Pour rappel, la SNCF compte un manque à gagner de 1 à 2 millions d'euros en 2021 selon les associations d'usagers, en raison notamment d'une baisse de 40 % de sa fréquentation.
Dans les prochaines semaines, les échanges entre l'opérateur et les élus locaux vont donc se poursuivre. À l'heure actuelle, 14 allers-retours de TGV font la liaison entre Dijon et Paris.