Des fleurs, des roses, des rameaux de chêne, ou encore des animaux de basse-cour… Ces dessins sont ceux que Léopold Argenton faisait avant la guerre. Sculpteur et tailleur de pierre, il allait souvent avec d’autres artistes de Châtillon-sur-Seine, en Bourgogne
Mobilisation
Léopold Argenton, est mobilisé dès Août 1914. Il a 40 ans. Il fait partie d’un régiment territorial du génie, chargé de creuser des tranchées, de construire des abris et autres infrastructures militaires. S’il n’est pas en 1ère ligne, il en est près, et il vit, il voit, toutes les horreurs de la guerre.Influence de la guerre sur l'oeuvre
Blessé en Octobre 1918, dans la Somme, il est hospitalisé à Chartres, jusqu’en mai 1919. Pendant sa convalescence il se remet à dessiner, et à Chartres, il visite les musées, la cathédrale et d’autres édifices religieux. Il en admire les sculptures. De retour dans son atelier, ce sont des moulages de plâtre, de bras, de jambes… dont on voit les muscles et les tendons… des écorchés, qui intéressent Léopold Argenton.Les morts, les blessés, ses frères d’armes… Léopold Argenton, leur rend hommage en sculptant des monuments aux morts et des tombes décorés de symboles patriotiques, coq, rameau de chêne, agrémentés de fleurs… les mêmes qu’il dessinait avant-guerre.
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Source archives :
- Musée du Pays Châtillonais "Trésor de Vix"
- Collection privée Judith Baudinet
- Association Baigneux Archives
- Pathé Gaumont
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©France 3
A la charnière du 19e et du 20e siècle, les artistes châtillonnais sortent de leurs ateliers pour peindre la nature sur le vif. Argenton accompagne Omer Reddé et Journet dans leurs sorties bucoliques. Ce dernier, professeur de dessin à Châtillon-sur-Seine, meurt au cours du conflit, en 1917.
Les dessins d’Argenton illustrent son goût pour les motifs végétaux. Rameaux de chêne ou de laurier, reproduits d’après nature, serviront de modèles pour les motifs funéraires des tombes qu’il sculpte. Au début de la guerre, en août 1914, les roses crayonnées sur son carnet sont loin de toutes préoccupations belliqueuses.
Ce que l’on perçoit, à travers ces dessins, est l’œil curieux d’un grand amateur de nature et de dessin pour qui le coq, qui deviendra l’un des symboles de la patrie victorieuse, est aussi un pacifique oiseau de bassecour.
La sérénité des glaneuses, motif repris à l’aquarelle par Argenton d’après le tableau de Millet, offre l’image d’une France rurale essentiellement occupée aux travaux des champs. Ces cultivateurs, hommes habitués à manier les bêtes et à faire pousser les céréales suivant le rythme des saisons, fourniront près de la moitié des contingents de l’armée.
La radicalité d’un tel changement s’apparente à un geste suspendu illustré par trois boîtes d’entomologie dont une est inachevée. Elle le doit à l’appel sous les drapeaux de son auteur et souligne la brutalité de la transformation d’un jeune homme en soldat.
Léopold avait délaissé ses crayons pendant la durée du conflit. Il les reprend sur son lit d’hôpital. Puis dans son atelier après la guerre. Il réalise l’ornement de nombreuses tombes et monuments aux morts de la région.
L’atelier de Léopold Argenton est resté intact après sa mort. La poussière a peu à peu recouvert les modèles en plâtre accrochés aux murs et les outils disséminés sur les établis. Ce lieu fut redécouvert lors de la donation de ce fonds, par M. Rilliot et son épouse, à la Société archéologique et historique du Châtillonnais.
Avant de procéder au déménagement, Judith Baudinet, artiste et photographe, a immortalisé l’étrange magie de cet atelier. Elle l’a restitué en scénographiant cette exposition.
Dans l’atelier, les modèles de plâtre voisinaient avec des écorchés, modèles anatomiques de corps sans peau, mettant à nu les muscles et les tendons, ainsi que de membres esseulés, comme arrachés.
Un parallèle vient à l’esprit entre le travail du sculpteur, qui dissocie les différents éléments du corps pour mieux les restituer, et la guerre qui crée des corps éclatés, blessés, aux membres dissociés, sans espoir de reconquérir une unité.