La police municipale est armée à Dole depuis début mai 2015. En 6 ans, une seule fois une arme a été utilisée. Face aux craintes d'un attentat terroriste, plusieurs villes ont suivi. Et semblent ne pas le regretter. Motivations et bilan : à Dole, Saint-Claude, Gray ou encore Belfort.
« La menace terroriste », c’est la première raison invoquée par les maires pour expliquer l’armement de leur police municipale. Et c'est souvent un attentat perpétré sur le sol français qui fait franchir le pas aux élu.
À Dole, la police a été armée il y a 6 ans, premier bilan
À Dole, en 2015, c’est Jean-Marie Sermier qui est alors maire de cette ville de 23 000 habitants, la plus peuplée du Jura. Jean-Baptiste Gagnoux, alors adjoint, et aujourd’hui premier magistrat, se souvient très bien des circonstances : « C’est l’attentat dans les locaux de Charlie Hebdo (7janvier 2015, 12 morts, ndlr) qui nous a décidé. Les terroristes ne font pas la différence entre police nationale et police municipale. D’ailleurs, une policière municipale a été tuée. » Oui, c’était le lendemain, le 8 janvier 2015, un terroriste assassine Clarissa Jean-Philippe, policière municipale à Montrouge. Et Jean-Baptiste Gagnoux poursuit : « On a bien fait de prendre cette décision, surtout que les attentats se sont multipliés. C’est un outil pour défendre nos agents municipaux. Ils ont d’ailleurs eu besoin de l’utiliser une fois, seulement une fois.»
David Kleisler, directeur de la prévention et de la tranquillité publique, à Dole, commande 20 agents. Il raconte cet incident grave, en 2017:
« Un véhicule a quitté Dole et est parti sur Sellières avant de faire demi-tour et de revenir. Il roulait à 150 km/h et a refusé de s’arrêter quand les gendarmes lui ont demandé. Au total, 80 km de poursuite et plusieurs barrages forcés. On a installé un barrage à Dole, avec les gendarmes. L’automobiliste a encore refusé de s’arrêter, il a foncé sur les forces de l’ordre. L’un de mes hommes a tiré, le véhicule a eu un accident, sans gravité, et a été immobilisé. Heureusement qu’on a pu l’arrêter, avant qu’il ne tue quelqu’un. C’est presque un miracle qu’il n’ait pas provoqué d’accidents graves ! » Dans ce cas d'usage d'une arme à feu, la légitime défense a été retenue pour le policer municipal.
Laisser partir des agents à la guerre, sans arme, ce n’est pas possible.
Pour David Kleisler, l’armement est indispensable : « C’est une responsabilité lourde pour les élus, pour leurs responsables hiérarchiques. » Et pour lui, avoir un révolver à la ceinture ne change pas grand-chose : "On est toujours la même personne. Il faut arrêter les fantasmes. On ne se sent pas superpuissant. L’armement nous permet de travailler plus sereinement. Il faut être pragmatique : on est de plus en plus exposé et l’armement a comblé un manque dans notre équipement. »
Depuis, d'autres villes font le même choix
Pas de retour en arrière possible non plus pour Jean-Louis Millet, maire divers droite de Saint-Claude, qui a également pris cette décision le lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo : « Je suis vraiment content d’avoir armé les policiers municipaux. On ne peut pas les laisser sans protection. C’est un moyen de dissuasion. En 6 ans, ils ne l’ont jamais utilisé. Ils ont utilisé deux fois seulement le taser en 6 ans également... »
À Belfort, c’est un autre attentat, celui du 14 juillet 2016 sur la promenade des Anglais, à Nice qui a été décisif pour Damien Meslot, maire LR. Ce soir-là, juste après le feu d’artifice, un camion a fauché et tué 86 personnes.
Damien Meslot raconte : « J’ai demandé à ma police municipale: si un camion fonce dans la foule, vous pouvez l’arrêter ? La réponse, c’est non. Alors, j’ai décidé de l’armement. Dans mon opposition, à gauche, ils ont protesté, un peu, par principe mais cette décision n’a pas créé une énorme polémique. En plus, depuis 2014 date à laquelle je suis devenu maire, nous sommes passés de 11 à 31 policiers municipaux. Heureusement, parce que le nombre de policiers nationaux a baissé… »
"L'armement de la police municipale, ça rassure tout le monde..."
Tous les élus disent aussi que savoir leur police municipale armée les rassure.
C’est le cas de Christophe Laurençot, maire Divers Droite de Gray qui, lui, n’a pas eu besoin de prendre la décision quand il a pris les rênes de la mairie : sa police est armée, selon les uns, depuis 1946, selon les autres, depuis le début du XIXème siècle, sous Napoléon… 4 personnes composent cette police municipale, 4 pour une commune de 6000 habitants.
Pour lui, c’est évident : « Nos agents municipaux patrouillent avec la gendarmerie. Pas question que les uns soient armés et pas les autres. De toute façon, ça rassure la population… et moi aussi ! Nos agents sont des cibles et si quelque chose arrive, ils peuvent ainsi agir vite et de manière efficace. »
Rassurer la population : voilà l'argument choc des élus pour justifier l'armement de leur police municipale.
Au-delà des menaces du terrorisme, la population veut être en sécurité.
Tous les élus, et David Kleisler responsable de la police municipale de Dole, insistent : les agents bénéficient d’une formation initiale, puis continuent leurs entraînements tout au long de leur carrière. Porter une arme n’est pas anodin…
Les polices municipales sont donc armées depuis très longtemps à Gray, depuis 2015 à Dole et Saint-Claude, depuis 2017, à Montbéliard et Belfort, depuis 2018 à Valentigney et prochainement à Vesoul.
Et David Kleisler fait une remarque : « C'est maintenant difficile de recruter dans les polices municipales non-armées : c’est la première question que pose une personne intéressée par un poste ! »