En France, elles sont au moins un millier à choisir chaque année l'accouchement à domicile. Une pratique qui n'est ni interdite, ni encadrée. Pour la première fois, l'ensemble des acteurs de la natalité, professionnels et patientes, se sont accordés pour informer les patientes et les soignants.
Tabou, vilipendé, ou au contraire porté aux nues. En France, l'accouchement à domicile divise et suscite les polémiques. Sociétés savantes, associations professionnelles et associations de patientes ont chacune leur propre position, parfois diamétralement opposées. Mais pour la première fois, un groupe de travail réunissant l'ensemble de ces acteurs a réussi à produire des documents d'informations communs.
"L'accouchement à domicile, c'est quelque chose qui n'est pas interdit, qui est possible en France, mais il n'y a aucune recommandation qui existe" décrit Blandine Mulin, médecin santé publique et membre de la Fédération française des réseaux de santé en périnatalité.
"Nous avons souhaité travailler avec tous les partenaires, que ce soit dans l'anté-natal, le post-natal, ou même avec les urgentistes qui peuvent être concernées" explique Blandine Mulin. Il a donc fallu chercher des points de consensus. Deux ans de travail ont été nécessaires.
Préparer son projet d'Accouchement Accompagné à Domicile
Trois livrets d'informations ont été édités : deux pour les femmes et familles qui envisagent un accouchement accompagné à domicile (dont un sur le dépistage néonatal), et un pour les professionnels de santé. Ces dépliants font notamment le point sur les données scientifiques disponibles.
La littérature étrangère montre moins d’interventions médicales chez les femmes accouchant à domicile par rapport à celles accouchant en maternité, mais rapporte un surrisque de complications, parfois graves, chez le nouveau-né. Ces résultats ne peuvent être totalement transposables à notre pays, car l’organisation des soins est différente
Extrait du livret "Accouchement accompagné à domicile" à destination des futurs parents
Comme l'AAD (Accouchement accompagné à domicile) ne fait pas partie des parcours de soin organisés par le système de santé, les femmes qui l'envisagent doivent bien souvent se renseigner par elles-mêmes.
"Il nous semblait important que les femmes, avant de faire le choix de l'AAD, aient l'information la plus objective possible" affirme Blandine Mulin. "Et qu'elles puissent aussi connaître toutes les offres qui se rapprochent le plus d'un accouchement physiologique". Des informations sur les maisons de naissance en France sont aussi proposées.
Anticiper le risque d'un transfert
Selon les chiffres de l'Association Professionnelle de l'Accouchement Accompagné à Domicile (APAAD), sur les 5.962 naissances que ses adhérents ont accompagnées entre 2018 et 2022, 990 se sont soldées par un transfert à l'hôpital, avant ou après l'accouchement, de la mère ou de l'enfant, soit environ un AAD sur sept.
Alors, tous les acteurs qui ont participé au projet se sont accordés pour recommander aux femmes qui veulent accoucher chez elles de tout de même prendre un rendez-vous dans la maternité la plus proche pour y ouvrir un dossier, et de rencontrer un anesthésiste pendant leur septième ou huitième mois de grossesse : "comme ça, si jamais elles arrivent en urgence, on aura déjà un dossier avec un certain nombre d'informations" explique Blandine Mulin.
Document information AAD familles by France 3 Franche-Comté on Scribd
Groupe sanguin, hémoglobines, éventuelles carences en fer ou encore allergies, ces consultations permettent d'analyser et d'inscrire au dossier ces données essentielles en cas d'urgence. "Si elles arrivent après un transfert en urgence et qu'on n'a même pas leur groupe sanguin, forcément tout prendra du temps".
Des informations sur le dépistage néonatal, habituellement réalisé dans les premières heures de vie à l'hôpital, et sur les possibilités pour les faire après un AAD sont également disponibles : "ce dépistage est très important pour le bébé" insiste Blandine Mulin.
Document dépistage néonatal by France 3 Franche-Comté on Scribd
"Adopter une posture de non-jugement"
Deuxième volet de ce grand projet : informer les professionnels de la santé qui pourraient être amenés à recevoir une femme enceinte souhaitant un AAD. "On rappelle qu'il est important d'adopter une posture de non-jugement et de bienveillance" rapporte Blandine Mulin.
Le libre choix de la patiente est à respecter et une bonne communication avec la patiente et le professionnel adresseur est à favoriser
Document "à destination des professionnels de santé : accouchement accompagné à domicile"
Là encore, le document fait le point sur les données scientifiques disponibles. Mais aussi sur la responsabilité juridique des soignants par rapport à l'AAD, une crainte qui pousse certains praticiens à refuser les consultations avec des femmes qui souhaient un AAD, et pousse en retour certaines femmes à cacher ce projet.
La patiente doit aussi pouvoir vous contacter, vous ou un membre de votre équipe, si elle a des questions dans les suites de la consultation
Document "à destination des professionnels de santé : accouchement accompagné à domicile"
"On est dans une dynamique de gestion des risques, il faut accepter de recevoir ces patientes, constituer un dossier" rappelle la médecin en santé publique, "le but du jeu, c'est d'assurer au mieux la sécurité et la qualité des soins des mères et des enfants".
L'enjeu est de taille : l'APAAD estime que 25% des femmes qui souhaitent accoucher à domicile, mais qui ne trouvent pas d'accompagnement, se tournent vers un accouchement sans assistance médicale. Une pratique valorisée sur certains réseaux sociaux, notamment par des influenceuses sans formation médicale qui vendent leurs conseils.
Les documents d'informations sur l'AAD sont disponibles sur ce lien.