Le massacre d'Algériens lors de la manifestation du 17 octobre 1961 avait été rapporté au chef de l'Etat, Charles de Gaulle, qui a pourtant maintenu en poste le préfet Maurice Papon et les ministres responsables. C'est ce que révèlent des archives déclassifiées publiées par Mediapart.

Le 17 octobre 1961, quelque 30.000 Algériens avaient manifesté pacifiquement à l'appel du FLN contre le couvre-feu qui leur était imposé. De nombreux Algériens ont été tués par les forces de l'ordre lors de cette manifestation. Les récentes révélations de Mediapart conforte le point de vue de l'historien bisontin Fabrice Riceputi. Jusqu'à présent, la réaction de De Gaulle au massacre du 17 octobre 1961 était inconnue. "Inadmissible, mais secondaire", aurait-il dit.  L'ouverture des archives de la présidence de la République a permis au journaliste de Mediapart Fabrice Arfi de les consulter et d'établir "un important chaînon manquant de cette histoire" estime Fabrice Riceputi.

Cette page de la difficile histoire des relations franco-algériennes est particulièrement bien connue de Fabrice Riceputi. En septembre dernier, l'historien bisontin a publié le livre "Ici, on noya les Algériens". Chercheur associé à l'Institut d'histoire du temps présent, Fabrice Riceputi estime que cette publication de Mediapart "renforce la demande de reconnaissance de la revendication d'un crime d'Etat.

En octobre dernier, la présidence française a reconnu en octobre 2021 pour la première fois que "près de 12.000 Algériens furent arrêtés et transférés dans des centres de tri au stade de Coubertin, au Palais des sports et dans d'autres lieux. Outre de nombreux blessés, plusieurs dizaines furent tués, leurs corps jetés dans la Seine".

Le 16 octobre, à l'occasion d'une cérémonie pour le cinquantième anniversaire du massacre, Emmanuel Macron avait reconnu, dans un communiqué, des "crimes inexcusables" commis "sous l'autorité de Maurice Papon".

Dans les archives déclassifiées, Médiapart a retrouvé une note datée du 28 octobre 1961, rédigée par le conseiller du général De Gaulle pour les affaires algériennes, Bernard Tricot. Il indique au président de la République qu'"il y aurait 54 morts".
"Les uns auraient été noyés, les autres étranglés, d'autres encore abattus par balles. Les instructions judiciaires ont été ouvertes. Il est malheureusement probable que ces enquêtes pourront aboutir à mettre en cause certains fonctionnaires de police", explique le haut fonctionnaire.

Dans une seconde note datée du 6 novembre 1961, M. Tricot expose à Charles de Gaulle une "question d'ordre gouvernemental": "savoir si on se bornera à laisser les affaires suivre leur cours, auquel cas il est probable qu'elles s'enliseront, ou si le ministre de la Justice (ndlr: Bernard Chenot) ainsi que le ministre de l'Intérieur (ndlr: Roger Frey) doivent faire savoir aux magistrats et officiers de la police judiciaire compétente que le Gouvernement tient à ce que la lumière soit faite".

"Il importe beaucoup, semble-t-il, que le gouvernement prenne dans cette affaire une position qui, tout en cherchant à éviter le plus possible le scandale, montre à tous les intéressés que certaines choses ne doivent pas être faites et qu'on ne les laisse pas faire", poursuit-il.

Réponse manuscrite du général De Gaulle

La note, retrouvée aux Archives nationales après sa déclassification en décembre dernier, porte la réponse manuscrite du général De Gaulle: "Il faut faire la lumière et poursuivre les coupables" et "Il faut que le ministre de l'Intérieur prenne vis-à-vis de la police une attitude d'+autorité+, qu'il ne prend pas".

Aucune procédure à l'encontre de policiers n'a jamais été lancée. Les ministres de l'Intérieur Roger Frey et de la Justice Bernard Chenot ont été confirmés dans leurs fonctions, de même que Maurice Papon, qui a toujours nié quelque violence policière.
Maurice Papon a été condamné en 1998 pour complicité de crimes contre l'humanité pour son rôle dans la déportation de juifs entre 1942 et 1944.

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