Philippe Delagrange a toujours aimé la photo. Mais depuis qu’il a sombré dans l’alcoolisme et est passé par la rue, dans ses déambulations, il s’est intéressé à l’architecture et aux bâtiments. Ça l’a aidé à tenir. Aujourd’hui quelques dizaines de ses photos sont exposées à la maison de la photographie de Besançon (Doubs).
À 14 ans, Philippe Delagrange reçoit de ses parents son premier appareil photographique argentique de marque Konica.
Je voyais mes parents faire. Ça m’intéressait. Je prenais des photos à gauche, à droite, sans beaucoup d’intérêt.
Philippe Delagrange
Très vite, la photo animalière s’impose à lui. En 2010, à 43 ans, il vit à Annecy. Il commence à prendre toutes sortes d’animaux en photo. Chamois, renards, chevreuils, oiseaux. Cette passion ne le quittera jamais. Il pense aujourd’hui posséder une collection de 1500, 2000 photos animalières.
En 2014, voulant renouer avec sa famille, il rejoint la Franche-Comté. Il loge pour commencer en Haute-Saône chez une cousine et trouve un emploi plus tard en avril 2021 en tant que médiateur en santé mentale dans la structure «Les invités aux Festins» à Besançon. Mais c’est un travail difficile.
On ressasse les problèmes des autres et le soir on est tout seul et on a ses propres problèmes… je suis retombé dans l’alcool…
Philippe Delagrange
Quelques mois plus tard, il quitte son travail et se retrouve à la rue. Mais il ne fera jamais la manche. Son appareil à la main, il marche, déambule, erre…
Avec un appareil photo, on a un but et de fil en aiguille, je me suis intéressé à l’architecture. Quand on est SDF, on voit plein de monde mais personne ne nous voit. Du coup, les bâtiments m’intéressaient.
Philippe Delagrange
Les bâtiments de Philippe Delagrange sont toujours pris en photo sans forme humaine, délibérément.
Une rencontre essentielle
Et c’est à ce moment que Nadia Messerli, monitrice éducatrice de la boutique Jeanne Antide que Philippe fréquente, intervient. Elle veut aider Philippe. Elle le met en relation avec Patrice Forsans. Photographe et passionné de photographies, il a ouvert automne 2021, la MIP. La Maison pour l’Image et la Photographie. Nadia Messerli espère qu’il pourra conseiller Philippe.
Patrice Forsans n’a pas besoin de réfléchir longtemps pour se rendre compte que les photos de Philippe Delagrange ont leur place à la MIP. Ses photos lui font penser à celles d’Eugène Atget, photographe documentaire sur le Paris de la fin du XIXe siècle.
De conseils, il n’en donnera pas pour la prise de vue que Philippe maitrise parfaitement. Il l’aidera en revanche pour le travail sur l’ordinateur pour donner de la profondeur, du contraste aux photos.
Un bel avenir
Patrice Forsans désire continuer à le pousser dans cette direction. La dynamique est belle et il réfléchit à un livre composé de photos et textes.
L’exposition qui devait se terminer ce jeudi 30 juin, est prolongée au moins jusque mardi 5 juillet.
Les photographies de Man Ray qui devaient prendre la suite, attendront un peu…
Je traite avec autant d’attention Philippe Delagrange que Man Ray.
Patrice Forsans
Depuis mars 2022, Philippe Delagrange loge à l'accueil Sacré-Coeur. Il pourra y rester vraisemblablement jusque fin juillet. Ensuite, il toquera à la porte de l'abri de nuit des Glacis à Besançon. En attendant d'autres expositions se profilent, à Dijon, au petit Kursaal de Besançon... promettant un bel avenir au photographe documentaire sur le Besançon du début du XXIe siècle.
Tout ça est surprenant. Je suis sur mon petit nuage. La roue tourne doucement mais elle tourne.
Philippe Delagrange