La place du Maréchal de Lattre de Tassigny est à l'entrée de la ville. 45 voitures peuvent s’y garer depuis des années. La mairie a le désir d’en faire une place de village. Objectif : redonner de l’espace vert aux habitants et en éloigner les voitures. Des habitants se plaignent de ne pas avoir été concertés.
On l’appelle plus communément la place du Jura. Pour ceux qui arrivent du Jura ou sortent du tunnel de la Citadelle, c’est la première place rencontrée. On s’y gare pour une course, un rendez-vous ou parce qu’on habite dans l’un des immeubles qui l’encadrent. En somme c’est une place pratique pour les automobilistes. Pratique mais pas bien jolie. Tout le monde s’accorde à le dire. Il fallait la rénover.
En octobre, pendant trois jours, la place prend des airs de fête avec le festival « Du Bitume et des Plumes », un festival d’arts de rue. Tout au long de l’année, chaque mardi soir, un marché bio de producteurs en circuit court y prend ses quartiers. La place change alors d’allure. Le lieu devient vivant et convivial. C’est ainsi que l’imagine la maire Anne Vignot et son équipe.
Deux réunions d’informations mal vécues
Une première réunion a eu lieu le 20 juillet. Au milieu de l’été, peu ont pu y assister. Mais pour ceux qui n’étaient pas partis en vacances, les élus ont expliqué les grands axes. Il était possible aux habitants de proposer des idées et des aménagements. Certains ont lancé l’idée de planter des arbres fruitiers, d’autres d’aménager un parc de jeux. Les idées ont ensuite été discutées en mairie. Des arbres fruitiers verront le jour, mais l'espace est trop petit pour accueillir des jeux d'enfants.
La deuxième réunion devait être la restitution avec les modifications possibles. Mais elle a été précipitée, mal organisée. Sur la place et sans micro, la plupart des personnes n’ont rien entendu à cause de la circulation. Les habitants n’ont pas eu les réponses à leurs questions, tout leur semblait déjà ficelé.
En mairie, Kevin Bertagnoli, adjoint en charge de la Démocratie Participative et de la participation citoyenne ne nie pas le problème.
C’est un contre-exemple en terme de concertation la place du Jura. On aurait pu faire mieux. On travaille à faire mieux.
Kevin Bertagnoli, adjoint en charge de la Démocratie Participative et de la participation citoyenne
Sur la méthode donc, la municipalité s’avoue vaincue mais sur le fond, l’idée de faire de cette entrée de ville, une place de village, est bien ancrée. L'objectif est de désimperméabiliser, lutter contre les îlots de chaleur et végétaliser. Et de faire de ce lieu, un endroit de rencontre et d'animation. Tout en éloignant les automobiles.
Les gens demandent plus de lieux de proximité. Ils quittent les centres commerciaux, pour les centres villes et pour retrouver du lien entre les habitants.
Kevin Bertagnoli, adjoint en charge de la Démocratie Participative et de la participation citoyenne
Des commerçants inquiets
Le problème c’est que les habitants du quartier voient leur lien se distendre au contraire. Une pétition circule depuis le 5 janvier chez les commerçants situés autour de la place.
Rudolphe Kusade est en première ligne et s’inquiète pour son commerce. Il faut dire que 40% de sa clientèle profite du parking pour se rendre dans son épicerie. Des Bisontins, nous dit-il, qui travaillent hors de Besançon et qui le soir en rentrant font quelques courses. Il est en colère Rudolphe Kusade, car il a acheté le fond de commerce place de Lattre de Tassigny parce qu'il y avait un parking. Il regrette amèrement que la mairie ne soit pas venue en amont le rencontrer.
Ce qui me déplait dans ce projet, c’est le manque de concertation.
Rudolphe Kusade, épicier
Rudolphe Kusade sera reçu dans quelques jours par la mairie. Depuis le projet initial, des places de stationnement ont été rajoutées mais l’inquiétude persiste. "Moi je voudrais garder la moitié de la place en stationnement. Le parking fait aussi vivre le quartier" argumente-t-il.
La mairie se veut rassurante et pense que tout changement demande un peu de temps pour s'habituer
Aujourd’hui, il existe 52 emplacements sur la place et le long de la rue Charles Nodier. Certains seront supprimés, d’autres créés notamment avenue de la Gare d’Eau. Quand le projet sera terminé, il y aura possibilité de garer 34 voitures aux alentours de la place. La ville de Besançon désire une meilleure rotation des véhicules. Neuf places en dépose-minute devraient permettre de faire ses courses en 15 minutes. Pour le stationnement tarifé (les riverains ne sont pas concernés car ils auront des cartes de résidents), les automobilistes ne devront pas dépasser les 1h30. Cela devrait libérer des places pour les habitants du quartier. Les choses avancent donc et chacun y trouvera son compte, nous assure Kevin Bertagnoli, adjoint en charge de la participation citoyenne.
Côté commerçant, Philippe Pagnot est un peu désabusé. Il a repris en 2012, la boucherie que tenait son père depuis 1984. Aujourd’hui, il ne reçoit plus de clientèle et ne fait plus que de la transformation de carcasses. Mais son rêve est d’avoir à nouveau pignon sur rue. Il craint de ne pas y arriver s’il y a moins de places pour se garer.
Embellir la place, je suis à 100% pour mais pour vivre on a besoin de ces places. Ils ont envie de faire marcher les gens mais les gens ont-ils envie de marcher ?
Philippe Pagnot, boucher
Même questionnement du côté de Gilbert Guerin le coiffeur du quartier depuis 1982. Sa clientèle vient surtout des villages autour de Besançon. Morre, Fontain, Pugey… Il craint que ses clients ne viennent plus s’ils ne trouvent pas à se garer.
Il y a une belle symbiose entre les habitants. J’aimerais que ça perdure mais le projet a scindé tout le monde.
Gilbert Guerin, coiffeur
Une vie de quartier dégradée
Patrick Estienney et sa compagne Marie-Paule Belot aiment leur quartier. Ils y vivent depuis 22 ans. Ils sont outrés par la façon dont les choses leur ont été présentées. Ils ont écrit à la mairie pour dire leur mécontentement mais ils n’ont reçu aucune réponse. Pour eux, c’est un non–respect des riverains.
Si on n’est pas mis dans le coup, c’est contre-productif.
Patrick Estienney, habitant
C’est dommage, ça aurait pu être un lieu d’expérimentation… Mais là tout le monde est remonté…
Marie-Paule Belot, riveraine
Le couple regrette notamment que rien ne soit prévu pour parquer son vélo en toute sécurité. Il y a un immeuble, sur cette place, que tout le monde appelle "la coloc". Des employés de Vélo-connect, des adhérents des associations « village Tarragnoz » à l’initiative du marché et de l’association du « Bitume et des plumes » y vivent. Se déplaçant majoritairement à vélo, eux voient d’un bon œil cette transformation urbaine. Ils voient le dynamisme que ça peut apporter, la fraicheur grâce à la plantation d’arbres. Mais ils restent néanmoins déçus que la mauvaise concertation avec les commerçants créée une ambiance délétère.
Je préfère ne rien avoir que d’avoir une mauvaise entente.
Clémence, habitante de "la coloc"
Clément, de Vélo-connect, note que la place pourra, après les travaux, être un espace de socialisation où pourront être imaginées des tas de choses au lieu de n'être qu'un parking.
Quel est le calendrier des travaux ?
La préparation des travaux est prévue pour fin janvier. En févier commenceront le terrassement et les fouilles archéologiques. Les riverains devraient être informés par courrier au cours du mois de janvier des contraintes de chantier comme les déviations et les restrictions de circulation. La place de la Révolution devrait elle aussi connaître une transformation. Les riverains seront-ils mieux impliqués dans le projet ?