Besançon : quel avenir pour le musée de l'anésthésie de l'hôpital Saint-Jacques ?

D'ici quelques années, une "Cité des savoirs et de l'innovation" verra le jour sur le site actuel de l'hôpital Saint-Jacques et de l'Arsenal. Des défenseurs du patrimoine s'inquiètent de l'avenir du musée de l'anesthésie situé actuellement dans l'ancien Hôtel-Dieu. 

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Rares sont les Bisontins qui connaissent l'existence de ce petit musée aussi original que discret. Une fois passé le porche de l'hôpital Saint-Jacques, il faut se diriger vers le sublime cloître de l'Hôtel-Dieu et attendre... Pas de panneau, pas de flèche à suivre. Le cloître dans la Cour d’honneur est le lieu de rendez-vous.

Chaque premier jeudi du mois, les membres de l'association qui gèrent ce musée d'Anesthésie et des Techniques chirurgicales proposent une visite guidée du lieu. Jusqu'aux restrictions liées à la crise sanitaire, l'Office du tourisme de Besançon mentionnait cette visite, encore moins connue que celle de l’apothicairerie, déjà confidentielle.


UN MUSÉE BIEN CACHÉ 


Non loin de la statue de Saint-Joseph, dans l'aile qui porte justement son nom, les visiteurs empruntent un escalier majestueux, promesse d'une visite originale. D'après l'association, 300 visiteurs découvrent chaque année ce lieu. Des étudiants en médecine, des congressistes de passage, des touristes curieux... 
 


Surprise du jour, une délégation du Centre Hospitalier Universitaire de Besançon est également présente sur les lieux. Pas pour faire du tourisme. L’hôpital est toujours propriétaire des lieux. La vente est prévue pour mars 2022. Progressivement, les services migrent vers le site de Minjoz. Et, d’ici quelques années, les 5,3 hectares du site de Saint-Jacques et les 1,83 hectares de celui de l’Arsenal seront vendus et réunis pour offrir aux Bisontins et aux visiteurs une « Cité des savoirs et de l’innovation ». D'ici 2025, toutes les activités du CHU du centre ville auront déménagé sur le site de Minjoz. 


PROMESSE DE VENTE


Avant de pousser la porte du musée, prenons la mesure de ce projet. Une promesse de vente a été signée le 13 décembre 2019 avec le promoteur immobilier ADIM Vinci. 

Dans un des documents édité par la Ville de Besançon sur la modification du Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur du centre historique en février 2019, ce projet de Cités des Savoirs et de l'innovation est détaillé :

"- Une grande bibliothèque regroupant dans un même espace et dans un même projet une bibliothèque de lecture publique (à rayonnement régional) et Universitaire SLHS 
- Un village de l’innovation porté par le Crédit Agricole (concept global d’accueil de start-up « village by CA ») installé provisoirement dans les locaux de la MSHE sur le site de l’Arsenal
-Un espace congrès d’une jauge de 500 places
-De l’hôtellerie adossée au congrès pour environ 80 chambres moyen-haut de gamme
-Une maison des chercheurs pour l’accueil d’étudiants chercheurs étrangers
-Une « Maison universitaire de l’éducation» composé de l’Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education (ESPE), du centre de ressource CANOPE, de divers services académiques,
-Du logement en neuf mais aussi en réhabilitation de Monuments Historiques
-De la résidence service (étudiants / intergénérationnelles / seniors) -
-Du service et commerce (plutôt de niche)
-Une maison médicale
-Du tertiaire (de niche)
-Et des espaces muséographiques déjà existants au sein des Monuments Historiques."
 


C’est le projet de bibliothèque qui est le plus avancé. La démolition de l’espace qui lui est réservé doit bientôt commencer. Cette surface a été achetée par Grand Besançon Métropole, la vente a eu lieu le 9 décembre 2019. L’ouverture est prévue en mai 2025. L’architecte a été choisie et le projet est piloté par le Grand Besançon.


Sur le site internet dédié à cette Cité des savoirs et de l’innovation, il est mentionné la présence de 35 000 m2 de monuments historiques. Des bâtiments mentionnés sur le site de l'hôpital de Besançon  qui incite à découvrir son patrimoine. 

Sur les animations vidéos destinées à nous faire imaginer le futur, nous voyons bien ces zones grisées. « Les façades et toitures sur la cour d'honneur des bâtiments de l'Hôpital ; la chapelle du Refuge, ainsi que les façades curvilignes et les toitures correspondantes des deux bâtiments adjacents » sont des parties classées Monuments historiques, indique la base de données Mérimée du ministère de la Culture.
 


Et la toute fin de la description du ministère, on peut lire aussi cette mention : « le bloc opératoire « Le Saint-Joseph en totalité (cad. AV 5) inscription par arrêté du 23 avril 2012 ». C'est l'immeuble par destination qui est inscrit en totalité. L'intérêt de cette inscription réside dans le système de coupole mis au point par Walter.
 


Le visiteur de ce petit musée méconnu pénètre ainsi dans un lieu protégé au titre des monuments historiques depuis 2012.
 

LES TECHNIQUES BARBARES DU TEMPS PASSÉ


C’est la grande fierté de Monique et Alain Neidhardt, les conservateurs de ce musée d’Anesthésie et des techniques médico-chirugicales. Pourquoi mettre en avant dans le titre l’anesthésie et non pas la chirurgie ? Parce que le professeur Neidhardt était anesthésiste !

En 2000, Alain Neidhart prend sa retraite et entreprend de sauver des outrages du temps tous ces objets qui sont la mémoire de sa profession.
 

 

Ce musée est situé à l’hôpital Saint-Jacques, dans un cadre original qui n’a plus son semblable en France, un bloc opératoire dont la conception remonte à 1935 ! Le parcours des salles et les 350 objets qui y sont conservés répondront aux questions et appréhensions qui subsistent à l’égard de cette acquisition majeure de l’Homme : La maîtrise de la Douleur !

Association du musée d'Anesthésie



Ce bloc opératoire avec deux salles d’opérations a été conçu par un ingénieur originaire de Montbéliard André Walter, comme le précise le site internet de l'association hébergé sur celui de l'hôpital de Besançon.  La particularité de cet espace de travail est le système d’éclairage : « une hémicoupole, dont la concavité est recouverte de matériel réfléchissant, se trouve au-dessus du champ opératoire ». Le système lumineux est aujourd’hui incomplet. « Dans l'hémicoupole, des hublots sont ménagés pour permettre aux observateurs de suivre les phases de l'opération » précise l’association du musée installé sur une partie des deux étages de l’aile Saint-Joseph. Une aile également inscrite et classée en partie aux monuments historiques. 

A la suite de la mise au point d’autres procédés techniques, l’hôpital Saint-Jacques en a bénéficié à partir de 1959. D’autres hôpitaux en France bénéficient de plateau technique.
 

UN GUIDE INDISPENSABLE


Sans guide, le visiteur ne comprend pas grand-chose à ce qu’il voit ! Lors de ce premier jeudi du mois de juillet, quelques curieux écoutent les explications de Uyen N’Guyen, un des bénévoles de l’association. Dans la vitrine, de drôles d’objets. On dirait des instruments de tortures. Mention spéciale au tir-langue.
 


Ether, chloroforme et même le trichloréthylène des teinturiers servaient à endormir les patients. « Pour les doses, c’était au pifomètre, c’est pour cela qu’il y avait des accidents.. » explique Uyen N’Guyen, ancien enseignant à la faculté de Médecine.
 



Ce sont les anecdotes qui donnent tout le sel à cette visite. Ici, du matériel sauvé in extremis de la poubelle, là des innovations qui ont eu leur utilité. Des prototypes mis au point par le professeur Neidhardt sont là, entreposés, vestiges d’un progrès sans cesse dépassé.
 


La petite délégation de l’hôpital n’était pas là pour écouter les savoureuses histoires des guides. Benjamin Harbourg, directeur adjoint du CHU de Besançon, chargé du patrimoine, voulait se rendre compte par lui-même de ce petit musée qui commence à agiter les réseaux sociaux. Une page facebook a été créée pour « sauver le musée ».
 


Quelle menace plane  sur ce bloc opératoire ? La seule certitude est que rien n’est décidé. L’hôpital, encore propriétaire des lieux jusqu’en 2022,  a demandé à un architecte, habilité par la Direction des Affaires Culturelles, de réaliser une étude de faisabilité pour savoir si il était possible de déménager ce bloc à l’hôpital Minjoz. «  Si ce n’est pas possible, on ne le fera pas » déclare Benjamin Harbourg lors de cette rencontre impromptue. 

Sollicitée pour avoir des précisions sur ses intentions, la direction du CHU précise : 
 

Le CHU étant tout à fait conscient de l’intérêt historique du bloc opératoire du musée dont une partie est inscrite au titre des monuments historiques, il a sollicité l’expertise d’un architecte du patrimoine pour une étude de faisabilité du déplacement du bloc opératoire sur le site Jean Minjoz afin de savoir si l’opération est techniquement faisable et pour quel budget. Pour autant, le CHU ne peut assurer avec certitude la reconstitution du bloc opératoire tel qu’il l’est actuellement, faute de place dans les locaux de Minjoz, la priorité étant donnée à la relocalisation de l’ensemble des services de soins de l’hôpital. L’option envisagée par l’association, à savoir le maintien en lieu et place du bloc, ne semble pas être la meilleure solution dans la mesure où il ne sera plus accessible au public et ainsi perdrait tout sens historique. Le CHU est très attaché à son patrimoine et souhaite vivement qu’une solution puisse être trouvée prochainement dans des conditions qui pourront satisfaire l’ensemble des acteurs. Pour les autres lieux de Saint-Jacques qui comportent des objets classés (apothicairerie, autel du plafond, salle des Instances…), ils ne peuvent faire l’objet d’une acquisition par un opérateur privé. Des discussions sont en cours entre les différents partenaires publics et privés concernés par ce projet. La Cour d’honneur a été acquise par la Ville de Besançon.

Direction du CHU de Besançon



Un projet qualifié par Alain Neidhardt de « complétement dément ». Le professeur honoraire et président de l’association brandit la menace de déménager dans un musée des environs de Lyon tout le matériel médical et chirurgical si jamais ce projet de « transplantation » du bloc à Minjoz se réalise.

Quel sens peut avoir ces deux hypothétiques déménagements ? L’hôpital a les murs, l’association le matériel. Comment sortir de cette impasse ? Le dialogue n’est pas encore enclenché. Impossible de connaître pour l'instant le détail du projet de Adim Vinci pour cette aile Saint-Joseph. 


UN MUSÉE DANS UNE CITÉ DES SAVOIRS ET DE L'INNOVATION?


Quel va être le rôle de la nouvelle municipalité ? Quelle place accordée à ce lieu de mémoire scientifique dans la future "Cité des savoirs et de l'innovation » ? Il y a-t-il une passerelle possible avec l’apothicairerie ?

Au service de l’urbanisme du Grand Besançon, l’actualité c’est la démolition du secteur qui devra accueillir la grande bibliothèque. La vente de Mars 2022, c’est encore loin. Pour le Grand Besançon,
 

« Il n’y a pas de bras de fer. Ce n’est pas l’esprit du lieu de vouloir détruire. L’objectif est de préserver et de valoriser un patrimoine en enrichissant une offre culturelle ».

Grand Besançon


En 2022, l’opérateur Adim Vinci devrait se retrouver propriétaire de plus de 5 hectares en plein cœur de ville. Avec des pépites culturelles que sont les monuments historiques. Et des épines en terme de rentabilité. Actuellement, la piste pourrait être de rétrocéder à la ville et au grand Besançon ces bâtiments comme la Chapelle du Refuge ou la Cour d’Honneur qui abrite l’aile Saint Joseph et le musée de l’anesthésie.
Leur usage est encore à l’étude. Sur son site internet, Adim Vinci précise bien qu'il y aura des "espaces muséographiques" mais sans mentionner lesquels. Interrogé sur l'utilisation future de l'aile Saint Joseph, le groupe n'a pas encore répondu à nos questions.
Une négociation pourrait s’engager entre les collectivités. Si la mariée est belle à l’image de cette cour d’honneur, la corbeille risque d’être épineuse. Faire vivre au quotidien des monuments historiques a toujours un coût.


 
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