Alors que le premier employeur privé de Besançon, Flowbird, ex-Parkeon, devrait être racheté pour la cinquième fois en 18 ans, pour plusieurs centaines de millions d’euros, les salariés ont organisés un rassemblement ce jeudi 7 octobre.
Ce matin 7 octobre, ils sont une cinquantaine sur le parking de Flowbird. Des salariés du premier employeur privé de Besançon, spécialiste mondiale des horodateurs et de leurs versions dématérialisées, rassemblés pendant leur pause matinale pour exprimer leur frustration, et les inquiétudes que la nouvelle d’un nouveau rachat a suscitées. « On vit une situation qui est scandaleuse », s’insurge Marc Szabo, délégué CFDT, « notre entreprise est pour la cinquième fois revendue à un fond spéculatif, dont l’unique objectif est de nous acheter et de nous revendre ».
Cet été, le fonds d’investissement américain Searchlight capital a annoncé être en « négociations exclusives » avec Astorg and Mellby Gård, les propriétaires actuels de leur société. Selon la direction, la vente devrait être finalisée d’ici à la fin de l’année. Une vente dont les conditions sont restées confidentielles, mais dont les termes, qui doivent être présentés aux instances de l’entreprise, commencent à fuiter. Selon plusieurs sources, le montant du rachat dépasserait les 700 millions d’euros, 50 % de plus que lors de la dernière vente, en 2016, où l’entreprise avait été reprise pour 450 millions d’euros.
Des "rachats avec effet de levier", générateurs de dette
Une augmentation impressionnante liée à la bonne santé de l’entreprise. Avec ses 1.300 salariés, dont 650 à Besançon, l’entreprise équipe plus de 4.500 villes dans le monde en systèmes billettiques, de tarification des places de parkings, que ce soit avec des horodateurs, tous fabriqués dans le site bisontin, ou grâce à des applications mobiles et autres solutions dématérialisée. Mais pour les représentants syndicaux, la multiplication par dix en 18 ans de la valeur de leur entreprise a une autre explication : « depuis 2003, les salariés vivent ainsi au rythme de ces achats-revente de leur entreprise par des fonds financiers, dont l’unique objectif est de réaliser le maximum de plus-values » dénonce un communiqué publié par deux syndicats (CFE-CGC et CFDT). « On est dans un système extrêmement spéculatif » résume Marc Szabo.
Ce qu’il dénonce : la forme que ce rachat prendrait, un « LBO », « Leveraged buy-out » ou, en bon français, rachat avec effet de levier. Il s’agit d’une opération financière, où une société financière, appelée holding, contracte un emprunt pour acheter une autre entreprise. Et c'est cette entreprise achetée, qui est responsable de l'emprunt, qui doit rembourser la dette, et supporter son poids. « L’actionnaire nous achète avec une énorme dette, il contracte quasiment la moitié du rachat sous forme de dette » s’agace Marc Szabo, « l’astuce, c’est que toute cette plus-value, c’est nous qui allons la rembourser ».
« Tout le monde est mécontent, parce qu’il y a énormément de valeur qui est créée, explique-t-il, aussi en partie grâce aux salariés, et il n’y a rien pour eux ». Le syndicaliste voit dans la succession de ces rachats un risque : « c’est un système dangereux, par exemple, en 2008-2009, on était en cessation de paiement, parce qu’on devait rembourser cette dette qui était devenue énorme ».
"On va vite rassurer les salariés"
Pour Jean-Pierre Todeschini, Directeur des Ressources humaines de Flowbird, et directeur technique du site de Besançon, cette augmentation de la valeur de l’entreprise se justifie avant tout par les acquisitions et fusions d’autres entreprises effectuées ces dernières années. La valeur matérielle de Flowbird. Le directeur balaie les inquiétudes des salariés :« il y a 50 salariés qui sont inquiets, on va vite les rassurer. Là où moi j’aurais été inquiet, c’est si on avait été racheté par un industriel. Un industriel, il y a forcément de la fusion, des gains d’échelle, ça a un impact sur l’emploi, expose-t-il, un financier, il nous laisse la main sur l’entreprise ». « Pour nous, un nouvel actionnaire qui est prêt à nous accompagner sur de la croissance externe, c’est la meilleure chose qui pouvait nous arriver ».
Jean-Pierre Todeschini, lui-même actionnaire de l’entreprise, se félicite que Searchlight capital conserve l’équipe dirigeante actuelle. « Cet actionnaire américain, il est en train de travailler avec nous sur le business plan à 5 ans, c’est vraiment un accompagnement » affirme-t-il. « Leur rôle, ça n’est pas de gouverner la société ». « Il faut séparer la société opérationnelle, là où on est, et la société holding qui est capitalistique ». Quant aux demandes salariales de ses employés, qui voudraient avoir leur part du gâteau dans la transition qui se prépare, la réponse est, là-aussi, tranchée : « il faut bien séparer les choses entre les salariés, leur rémunération, leur travail, etc, et les opérations capitalistiques qui vont se faire à n’importe quel niveau ».