Il sera présent à la fête de la musique à Besançon. « EDRF » n’a que 20 ans, mais ce rappeur bisontin produit déjà un son d’une maturité exceptionnelle et dont l’univers singulier ne peut laisser personne indifférent.
« J’arrive comme une balle !" explose EDRF dans "Treize". Toute mon équipe qui est là pour y croire !... » Un I have a dream en version original termine le morceau ». Un coup de poing « poétique » derrière son « mic ». Une sorte de don naturel pour le contraste, l’oxymore, la rhétorique et les figures de style… « J’ai besoin d’envoyer des coups » répète le chanteur face à la caméra qui le filmait ce jour-là. Mais EDRF préfère porter ses « coups » en maniant l’art de l’estoc pendant que d’autres se contentent de cogner lourdement dans les cordes. Une fragilité sûrement, dont il se sert pour cingler le monde duquel il parle avec beaucoup de lucidité. Les problèmes sociaux qu’il connaît par cœur, l’envie de se sortir du carcan. Voilà l’argument esthétique du boxeur de rimes sur son ring altruiste. « J’essaye que l’on se retrouve dans mes paroles, que chacun ressente ce que je ressens quand je chante. Et si ça crée de l’émotion, alors j’ai tout gagné ! » dit-il.
À « la forge des mots » depuis l’enfance
« J’écris depuis que j’ai 11 ans" explique l’auteur, compositeur et interprète, comme on disait avant l’ères des machines . Des textes à vif, des textes tranchants qui rappellent que le rap est d’abord une affaire de chroniques entêtantes sur la vie qui va. Un libre cours torrentiel obsessionnel contre l’infamie, les mauvais jugements et la laideur qu’on peut ressentir à 20 ans. Un rite, un levain. EDRF a souvent « des idées noires », mais qu’ils transcendent comme des « illuminations ». (« La tête dans les nuages, ouais, ouais !... »). EDRF élève sa détresse, ses excès et sa révolte… à la virtuosité esthétique des « cahiers de Douai ». Un cri de jeunesse, l’âme soûle. Un frisson secoua l’immense populace écrit Rimbaud dans Le forgeron… Voilà ce que j’ai ressenti lors d’une première rencontre avec le jeune artiste qui me scandait son « exaltation » plutôt qu’il ne me décrivait sa profession de chanteur de rap.
« Rien à perdre ! »
EDRF est né à Villeurbanne dans la banlieue lyonnaise, avant d’habiter Besançon dans un univers où les mots et la musique sont vite devenus pour lui ses seuls échappatoires. Le début d’un match contre une vie fade et inconsistante toute tracée, la suffocation. « Je n’avais rien ! dit le jeune artiste, alors j’ai compris tout de suite que je n’avais rien à perdre d’essayer ». "Rien à perdre" C’est le nom d’un des nouveaux morceaux d’EDRF justement ! Le flow mon pote ! Un flow de dingo !... Un débit à filer des frissons sur une ligne de son dont le garçon a le secret. Son goût d’une certaine lancinance dont vous me permettrez d’affilier la profondeur à celle de quelques musiciens parmi les plus sensibles. Un don pour le tragique et pour la mélancolie que l’on trouve chez un Ralph Vaughan Williams par exemple… Ou à un autre bout de la palette, ce monsieur Astor Piazzola dont j’écoute à l’instant les 4 saisons à Buenos Aires à la suite de "La damnation de Faust" d’Hector Berlioz … La même émotion, je vous assure. Le même serrement de cœur que dans un chef d’œuvre baroque du Pergolèse ou d’Henry Purcell.
Le rappeur « au marteau »
Sa culture musicale y fait pour beaucoup dans laquelle il a baigné toute son enfance et qui fonde son oreille précise et éclectique. Un réservoir de références où puiser et un timbre vocal tout à fait singulier. Car la voix d’EDRF sonne comme l’acier frappé sur l’enclume du forgeron, voilà l’origine du « mal ». Une force que le chanteur ajoute à une petite singularité vocale qu’il a réussi à sublimer et lui donne aujourd’hui toute sa saveur. Une particularité dont il a peut-être fait sa plus grande force ? Derrière sa console, Marcus, l’ingénieur son, dit « qu’il n’a jamais vu ça ! » qui en pourtant vu beaucoup et dans tous les registres, du rap jusqu’au chant lyrique qu’il arrange par ailleurs avec le même talent. Le nouveau frère d’arme d’EDRF depuis quelques temps.
Convertir l’impossible en métaphysique de la réussite, voilà bien la route que semble bien vouloir prendre EDRF en s’approchant chaque jour d’avantage de son rêve « son marteau sur l’épaule ».
Trois titres d’EDRF à écouter
Ce soir
Rien à perdre
Treize