Près de 3000 poids lourds traversent la commune de Beure, suscitant le ras le bol des habitants. La RN 57 doit être mise à 2X2 voies entre cette commune et le contournement Ouest de Besançon. Est-ce une bonne solution ? Points de vue.
Les habitants des villages de Beure, Larnod, Samson, traversés par la RN 83, en ont assez des camions. Les routiers quittent l’autoroute à Poligny et la reprennent à Besançon, dans un sens ou l’autre, pour ne pas payer le péage. Au rond-point de Beure, 32 000 véhicules sont comptabilisés chaque jour, dont près de 3000 poids lourds.
Les embouteillages ralentissent la circulation voire la bloquent : le matin pour entrer dans Besançon, soit entre 7 heures et 9 heures et en fin de journée, dès 16 heures 30 pour sortir de Besançon. En plus, des feux ont été installés pour stopper le flux sur la RN 83 et permettre aux véhicules empruntant la Voie des Mercureaux de circuler de manière fluide. Le but : que personne ne reste coincé dans les tunnels, en cas d’incident ou d’accident. Cette disposition a été prise après le drame du tunnel du Mont Blanc qui, le 29 mars 1999, avait coûté la vie à 39 personnes, prises au piège dans le tunnel.
Des associations, « Beure respire » et « Bonne route 83 », se sont créées pour faire diminuer le trafic des camions. Des actions ont déjà eu lieu à Sanson, une autre est prévue le dimanche 29 mai à Larnod pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur cette situation. Trop de poids lourds, c’est, selon les riverains, un problème pour les nuisances sonores, un danger pour la sécurité et la pollution.
La Dréal (Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement) a rendu un rapport : parmi ces camions, un sur deux, au moins, devrait rester sur l’autoroute… (Devraient être sur l’autoroute les poids lourds qui ne font que traverser notre région, qu’ils soient en transit en France, soit 41 %, ou à l’international, soit 10 % du trafic).
Le doublement de la RN 57, la solution ?
Grand Besançon Métropole a un projet : la mise à deux fois deux voies de la RN 57 entre Beure et les tours de l’Amitié, pour boucler le contournement Ouest de Besançon. En fait, c’est finir le tronçon entre les Montboucons (terminé en 2003) et la voie des Mercureaux (terminée en 2011), soit 3,7 km, à la hauteur de Planoise et Micropolis.
Coût des travaux : 130 millions d’euros. Mais Yves Guyen, maire d’Ecole-Valentin et Vice-Président chargé des Infrastructures à Grand Besançon Métropole, insiste : « 130 millions, oui, c’est beaucoup mais nous avons prévu 30 % soit 42 millions d’euros pour les réseaux de modes de transports doux et à trois passages pour protéger la faune. »
Toujours selon lui, l’avantage sera de supprimer les bouchons de Beure. Les représentants d’associations ne sont pas vraiment d’accord. Selon Cyril Amourette, porte-parole de « Beure respire » : « Au contraire, la fluidité du trafic incitera d’autres automobilistes et routiers à utiliser cette portion de route ! De plus, les véhicules en arrivant de Poligny buteront sur deux ronds-points avant d’accéder à la 2X2 voies. C’est une fausse bonne idée ! »
Il existe d’autres bénéfices, renchérit Yves Guyen : outre une diminution des bouchons aux heures de pointe, une pollution en CO2 en baisse de 10 % et une augmentation de la sécurité routière. De plus, de nouvelles voies devraient améliorer la desserte de Micropolis, des quartiers, notamment de Planoise sans oublier une passerelle qui relierait Planoise à Micropolis en toute sécurité pour les piétons.
Le maire d'Ecole-Valentin avance même une autre hypothèse : la fameuse éco-taxe, donc un péage uniquement pour les routiers en transit et qui, dissuadés par cette taxe, préfèreraient finalement rester sur l'autoroute...
Les élus de Grand Besançon Métropole doivent discuter de ce chantier de la RN 57 le 10 juin et le voter – ou non – le 28 juin.
Reportage :
Un dossier politique très chaud, à lire la position d'Anne Vignot
Politiquement, ce dossier est particulièrement délicat : Anne Vignot, maire EELV de Besançon et présidente de Grand Besançon Métropole, n’est pas favorable à ce projet. Sur cette ligne : les écologistes de son équipe. Les autres membres de sa majorité, dont le socialiste Nicolas Bodin, défendent, eux, le projet. Les maires des autres communes de l’agglomération sont aussi pour ces travaux. Yves Guyen insiste : « Si le projet est voté, s’il reçoit le feu vert, nous pourrons alors l’amender, tant sur les financements que sur des aménagements pour l’améliorer. Il faut rester ouvert… »
Sollicitée pour avoir son avis, Anne Vignot nous a répondu par courriel, comme nous le souhaitions pour avoir son point de vue complet sur cette question. Voici son communiqué in extenso :
« En tant que militante écologiste, j’ai toujours été opposée au projet de doublement de la RN57 car il ne répond pas selon moi aux enjeux environnementaux actuels et ne résoudra pas sur le long terme les problèmes de congestions et de pollutions. Le risque d’étalement urbain est avéré et les bénéfices à court terme de ce projet seront effacés à long terme. Cela a été démontré depuis longtemps, la construction d’infrastructures routières importantes et rapides engendre en effet un phénomène « d’appel d’air » qui sur le moyen-long terme annihile les effets attendus sur la fluidité du trafic et incite les habitants à se loger toujours plus loin de leur lieu de travail. Sans parler de l’emprise de ce projet sur des terres agricoles qui seront définitivement bitumées.
En tant que maire de Besançon, je suis inquiète des conséquences pour Planoise et j’ai demandé à ce que nous puissions travailler sur un nouveau projet pour éviter que ces nouvelles voies et ce mur haut de 4 mètres ne créent une nette coupure urbaine. Alors que nous nous engageons dans un vaste plan de rénovation de Planoise, cette 2x2 voies intra-urbaine risque d’isoler le quartier, et ce alors même que les projets de ces derniers années, et notamment le tramway, ont cherché à mieux le relier. On le voit dans de nombreuses villes traversées par des quatre-voies, les réflexions portent aujourd’hui sur l’effacement de ces tranchées qui posent de vraies problématiques d’urbanisme et de pollution. Selon moi, le projet actuel ne répond pas aux problématiques climatiques auxquelles nous nous devons de trouver des réponses. Le doublement d’une route nationale représente à mes yeux une idée issue d’un modèle hérité, qui n’intègre pas les objectifs d’adaptation climatique dans lesquels nous devons nous engager fortement.
Enfin, en tant que présidente du Grand Besançon Métropole, je travaille avec nos vices-présidents et j’entends le soutien des élus de la périphérie bisontine à ce projet. Je suis aussi là pour faire vivre un collectif et prendre acte des choix démocratiques majoritaires. J’ai proposé aux élus, s’ils votent définitivement ce projet, de mandater Yves Guyen, le Vice-président à la voirie et aux infrastructures, pour poursuivre à mes côtés les discussions avec l’Etat afin d’envisager de nouveaux aménagements au projet existant. Je suis notamment très inquiète quant au financement de cette infrastructure - qui est loin d’être abouti -, au calendrier et aux conséquences que pourront entraîner plusieurs années de travaux sur la circulation de ce tronçon déjà congestionné aux heures de pointe. Le risque est également que ce blocage se traduise par des reports de circulation qui n’iront pas sans occasionner des engorgements sur des itinéraires adjacents. Ce qui est certain, c’est que la mobilisation des riverains, des écologistes, des associations a déjà eu pour effet de faire bouger les lignes, et d’apporter des évolutions au projet initial. Pour autant, je le redis, la réalisation de cette infrastructure ne correspond pas à ma vision d’un investissement d’avenir pour notre territoire. »