En publiant une biographie de Georges Carpentier, premier boxeur professionnel français devenu champion du monde de boxe anglaise au début du 20e siècle, l’historien bisontin Stéphane Hadjéras fait renaître dans la mémoire collective cet homme oublié de l’histoire sportive.
Né à Liévin en 1894 dans un milieu de mineurs et décédé en 1975, Georges Carpentier connaît dès l’adolescence une foudroyante ascension sociale grâce à la boxe anglaise professionnelle. Entre 1911 et 1913, le Français rafle quatre titres de champion d’Europe ! Il devient la première grande célébrité du sport français, avec l’aviateur Roland Garros et devient richissime à l’âge de 18 ans.
En 1921, il affronte sur le ring l’Américain Jack Dempsey, dans un « combat du siècle ». Cet affrontement demeure non seulement un spectacle sans précédent mais également l’un des premiers événements-monde, car il a été suivi de manière quasi simultanée sur les deux rives de l’Atlantique
Héros adulé de la Belle Époque, aviateur doublement décoré pendant la Première Guerre mondiale, icône des Années folles, acteur à Hollywood, puis invité d’honneur de nombreuses soirées parisiennes, Georges Carpentier tombe très vite dans l’oubli après sa mort en 1975.
Aujourd’hui, Stéphane Hadjéras, enseignant, docteur en Histoire contemporaine et chercheur associé au centre Lucien Febvre, lui consacre une biographie. La première sur ce French Idol du début du 20e siècle.
Pourquoi vous êtes-vous intéressé à Georges Carpentier, boxeur français célèbre au début du 20e siècle et décédé en 1975 à l’âge de 81 ans ?
Je suis professeur d’histoire au lycée Jules Haag de Besançon et entraîneur de boxe anglaise diplômé d’Etat. J’ai notamment présidé le club de boxe de Besançon Ring Athlétique durant plusieurs années. Georges Carpentier, je connaissais donc son nom, je savais qui il était mais c’est Paul Dietschy, professeur des universités à l’Université de Franche-Comté, qui m’a mis sur la piste de cette figure française de la boxe anglaise pour l’écriture de ma thèse. J’ai donc consacré ma thèse à cet homme. Et l’écriture juste après de sa biographie m’apparaissait comme une évidence. L’idée étant de mettre en lumière cet homme, de lui rendre hommage.
Pourquoi « mettre en lumière » Georges Carpentier ?
Au début du 20e siècle la boxe est très populaire, beaucoup plus d’ailleurs que le football et, en battant des Anglais alors que la boxe est la discipline phare dans ce pays, Georges Carpentier devient la première grande vedette sportive de l’Histoire. A l’époque apparait aussi le star systèm, le système de vedettariat, et grâce à la photographie de presse, les unes des magazines sont souvent consacrées à Georges Carpentier. La une de Paris Match en 1975, c’est lui par exemple.
Carpentier enchaîne les exploits à travers le monde. Il s’est notamment rendu célèbre pour son "combat du siècle" contre l'Américain Jack Dempsey en 1921 dont on commémorera le centenaire le 2 juillet 2021. Il triomphe de manière répétée et indiscutable, sa notoriété se mesure par les éloges de Colette, Tristan Bernard… Véritable star, il est l’invité de Michel Drucker en 1974 dans son émission « Sport en fête ». On le retrouve dans Gaston Lagaffe, les manuels d’histoire et aujourd’hui très peu de chose existe sur Georges Carpentier.
Il existe donc un contraste saisissant entre cette immense popularité de l’époque et sa disparition brutale dans la mémoire nationale. J’ai donc eu l’idée de le remettre en lumière, de participer à une sorte de résurrection de Carpentier en lui rendant hommage.
Comment avez-vous travaillé ?
Je me suis appuyé sur des témoignages oraux et je me suis beaucoup documenté avec le ministère des Affaires étrangères, la Préfecture de Paris, le Musée National du sport à Nice, la presse française, anglaise et américaine, les archives départementales du Pas-de-Calais, là où est originaire Georges Carpentier. Ce travail a duré sept années pour aboutir à ma thèse, puis sept à huit mois d’écriture pour la biographie.
J’ai aussi eu la chance de rencontrer le seul et unique petit-fils de Georges Carpentier, Philippe Sudreaux, il est âgé de 71 ans. Il a connu son grand-père jusqu’à l’âge de 25 ans. Ce qui est étonnant, c’est que Georges Carpentier n’a jamais voulu initier son petit-fils à la boxe et il ne l’a jamais emmené voir un match. Il faut dire qu’il connaissait les difficultés de ce sport. Cette discipline est un sport de combat où on risque sa vie, c’est périlleux, parfois tragique. 1600 morts depuis le début du 20e siècle, soit 13 par an, c’est beaucoup et un boxeur professionnel sait qu’il prend des risques à chaque fois qu’il monte sur un ring. C’est pour cela que Carpentier a protégé sa famille de la boxe.
« Georges Carpentier ou la belle époque de la boxe anglaise en France de 1900 à 1914 » de Stéphane Hadjéras aux éditions Nouveau monde.