Journée de la contraception. "Des jeunes hommes viennent nous voir" : dans les cabinets médicaux, la contraception masculine s'invite

Longtemps inexistante dans l'imaginaire collectif, depuis quelques années, la contraception masculine émerge peu à peu. Dans les couples, mais aussi au sein des cabinets médicaux. De nouvelles solutions sont en cours de développement.

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Il y a quelques années seulement, les hommes en quête d'une solution pour porter le poids de la contraception dans leur couple faisaient presque figure de curiosité. Le concept même était qualifié de "serpent de mer de la contraception". Même en comptant les préservatifs comme une méthode "masculine", l'OMS estime que 88% des méthodes contraceptives utilisées en France en 2008 étaient "féminines".

"Les mentalités évoluent"

"Jusque-là, contraception rimait avec femmes" reconnaît le Dr Vincent Bailly, urologue à Besançon (Doubs). Et pourtant, les temps changent. "C'est nouveau, mais effectivement, j'ai des patients qui viennent parfois spécifiquement pour me parler de contraception".

Depuis "deux, trois ans", le spécialiste de l'appareil génital masculin reçoit ces hommes "souvent des jeunes", plutôt "bien renseignés", venus "explorer les champs de la contraception". Que ce soit pour opter pour une vasectomie, irréversible, ou chercher d'autres solutions. 

"Les mentalités ont évolué, elles changent" confirme le Dr Maxime Robert. Médecin généraliste, il a écrit une thèse sur le regard que les hommes en Franche-Comté portent sur la contraception masculine. Les hommes rencontrés s'étaient tous déclarés se sentir capable de prendre le relais de la contraception dans leur couple.

8 méthodes de contraception masculine...

Signe des temps, le Collège de la Médecine Générale (CMG), qui regroupe toutes les structures professionnelles, scientifiques et académiques de la médecine générale, a édité en mars 2024 un "point sur la contraception masculine", à destination des médecins généralistes : un bilan sur les méthodes disponibles et les suivis médicaux à mettre en place pour les patients qui les adopteraient. 

Les couples sont demandeurs de méthode de contraception masculine

"Point sur la contraception masculine en France", CMG, mars 2024

Le CMG comptabilise 8 méthodes de contraception masculine, dont 4 "connues, validées et d'efficacité très variable". La première, la vasectomie, dont le nombre "a explosé" explique le Dr Maxime Robert.

"Sur les 12 dernières années, il y a eu une multiplication par 15 des vasectomies" précise le Dr Bailly, qui les pratique. En 2022, plus de 30 000 vasectomies ont été pratiquées.

"On connaît son efficacité très haute, à 99%, sa bonne tolérance, et son risque de complication qui est très faible", décrit-il, mais il tient à le préciser : "le retour en arrière, la vasovasostomie, a une efficacité hyper faible, donc on la considère comme irréversible"

Ils ont peur qu'on leur "coupe", ils craignent de ne plus pouvoir avoir d'érection, ce genre de choses

Dr Maxime Robert, médecin généraliste

Le Dr Robert note tout de même que dans sa pratique quotidienne de la médecine générale, un grand nombre d'hommes ont encore "des idées reçues" sur la vasectomie, et des potentiels effets sur les performances, sportives ou sexuelles. "J'essaie de discuter avec eux" sourit le généraliste. 

... avec des résultats variables 

Autres options bien connues : le préservatif, "c'est une efficacité de 85% en contraception et ça protège des IST" souligne le Dr Bailly, et le retrait et l'abstinence périodique. Ces deux dernières méthodes, utilisées par moins de 1% des couples en France, sont cependant peu efficaces : le risque de grossesse est estimé à 22 et 24% sur un an. 

La CMG liste également deux méthodes "non évaluées, d'efficacité totalement inconnue" : "l'injaculation" (ou éjaculation sèche), et "les pratiques non-vagino-pénétrantes". Si la première consiste à "exercer une pression sur l'urètre à un point équidistant entre l'anus et le scrotum" au moment de l'orgasme, la seconde est très simple : "il existe des alternatives à la sexualité avec pénétration vaginale" indique le livret. 

Enfin, parmi les méthodes auxquelles les hommes peuvent présentement recourir, deux ne sont encore pas validées scientifiquement, et "l'ANSM interdit d'en faire la promotion"

Andro-switch et "slip chauffant"

Retiré du marché en 2021 par l'ANSM, l'anneau en silicone, dit "Andro-switch", est largement évoqué par les patients qui se sont renseignés sur le sujet : "l'ANSM ne les autorise pas, mais pour en discuter avec les patients, ils arrivent à s'en procurer facilement" note le Dr Bailly. Cet anneau permet de "remonter les testicules, pour ralentir la spermatogenèse" explique-t-il.

Les réserves de l'ANSM portent notamment sur les effets à long terme, les complications pour l'homme qui porte un anneau contraceptif, et celui autour d'une éventuelle grossesse indésirée. "On sait que l'ectopie testiculaire, lorsque les testicules des enfants ne descendent pas, même si elle est corrigée chirurgicalement, est un facteur de risque du cancer du testicule" remarque le Dr Bailly. 

Globalement, les hommes qui souhaitent utiliser une méthode "thermique", sont vivement encouragés à être médicalement suivis. "On doit contrôler qu'il n'y a pas de contre-indication, et on contrôle l'efficacité en réalisant des spermogrammes" décrit le Dr Bailly. 

L'une des limites de la contraception masculine, c'est que la femme a besoin d'avoir une grande confiance, ou un regard sur la contraception de l'homme

Maxime Robert, médecin généraliste

Si le "slip chauffant", qui consiste lui aussi à tenir les testicules au chaud, est plus connu, "il faut vraiment y adhérer, parce que ça doit s'utiliser 15 heures sur 24" indique Vincent Bailly. "Il faut être rigoureux : on ne peut pas se permettre de rater un jour et de se dire 'ça n'est pas grave' " ajoute le Dr Robert. Moins de 5% des utilisateurs de méthodes thermiques respecteraient strictement le protocole établi. 

Une méthode hormonale

Ce n'est pas encore la pilule masculine, mais une méthode hormonale existe : "c'est de la testostérone, sous la forme d'une injection hebdomaraire" détaille le Dr Bailly. "Il n'y a pas d'autorisation de mise sur le marché (AMM)" précise l'urologue. Il est donc possible de se faire prescrire ces injections, mais la première ordonnance doit être faite par un spécialiste (urologue, andrologue, gynécologue ou endocrinologue). 

Un protocole a été établi par l'OMS : "c'est limité à 18 mois de prise, pour les hommes de moins de 45 ans, avec un bilan biologique, un examen clinique et un suivi médical à faire" résume Vincent Bailly. Un an et demi au maximum, qui peut offrir à la partenaire un "répit".

D'autres solutions en 2030 ? 

D'autres méthodes sont en cours de développement : "il y a deux études, chinoises et américaines, pour des injections dans le canal entre le testicule et l'urètre, pour bloquer le passage des spermatozoïdes" indique Maxime Robert.

Par ailleurs, "il y a des essais cliniques en cours sur une pilule non hormonale et réversible sous 15 jours" se réjouit le médecin généraliste. "Elle agirait sur une vitamine, qui n'induirait pas ou très peu d'effets indésirables, tout en ayant une réversibilité sous 15 jours". Petit bémol de taille : ces nouvelles méthodes ont peu de chance d'être disponibles en France avant 2030, ou même 2035. 

Une perspective encore lointaine, mais encourageante : "quand il y aura plus d'offres de contraception, les mentalités évolueront davantage" affirme Maxime Robert. En attendant, la contraception masculine fait partie des formations à destination des médecins considérées comme prioritaires par le ministère de la Santé.

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