Shao, le rappeur le plus connu de Besançon, nous présente ses deux derniers EP, sortis en 2023, en clôture du projet Yukkuri, débuté en 2018. Son style n'a pas pris une ride. Rencontre.
"Lentement, mais sûrement". C'est ce que signifie Yukkuri en japonais. C'est le nom donné au dernier projet du rappeur Shao, actif sur Besançon depuis plus de 15 ans maintenant. Après quelques années moins productives, l'artiste s'est relancé en partie grâce aux sollicitations du collectif de beatmakers local "Datara". Preuve pour ceux qui en doutaient encore que la culture hip-hop est bien vivante dans la capitale comtoise.
Le projet Yukkuri comporte quatre EP. Après deux premières sorties en 2019 et 2022, Shao vient d'enfoncer le clou en sortant coup sur coup deux EP, Yukkuri 3 en septembre et Yukkuri 4 en novembre. "Quand on a commencé à travailler sur Yukkuri, en 2018, et on ne pensait pas faire autant de projets ensemble. C’était un moment où je n’étais plus forcément hyper actif en solo. Des gens me demandaient quand est-ce que je ressortais des sons. Les gars de Datara m’ont contacté et m'ont proposé de partir sur quelques morceaux, et en fait, on s’est dit qu’on allait faire un projet", nous confie Shao, Joachim de son prénom.
Le passionné de rimes a rencontré le hip-hop 15 ans auparavant, au milieu des tours de Planoise, à Besançon, lorsqu'il se surnommait Lil Shaolin. À l'époque, il avait notamment marqué les esprits avec le morceau "À 25 000 km/h" et son clip dans lequel il rassemblait une grosse partie de la jeunesse du quartier le plus peuplé de Franche-Comté. À l'époque, il sortait des projets de manière totalement artisanale. "J’enregistrais avec un vieux PC, un vieux micro au fond de ma chambre à Planoise. Si certains voulaient venir enregistrer, ils venaient. J'avais sorti des projets faits-maison, que j'envoyais via MSN Messenger et que je gravais sur CD. Ils étaient vendus 1 euro symbolique de main à main sur Besançon, pour me faire conFnaître", se souvient le trentenaire, adepte du hip-hop dans ce qu'il a de plus populaire, c'est-à-dire la débrouille et le partage.
" Il faut pouvoir écouter, comprendre, digérer"
Pour le projet Yukkuri, Shao a repris les bonnes habitudes : des textes précis, efficaces, mêlant une élocution tranchante sur des mélodies subtiles aux accents japonais. "Shao produit des textes imagés et travaillés, avec des références à la pop culture et un style hip-hop avec une approche contemporaine", explique le graphiste Cabs Art, créateur de l'univers graphique de la tétralogie Yukkuri, construit autour de l'arbre du cerisier. Les beatmakers surnommés Inglo et Soulsiderz, du collectif Datara, sont quant à eux à l'origine des sons sur lesquels rappe le Bisontin.
"On est parti sur ce délire-là, car j’aime beaucoup l’univers japonais, les mangas. Mon frère vit à Kyoto depuis plus de 20 ans. J’ai pu y aller, précise à son tour le rappeur. Il y a toute la symbolique autour de l’expression "Yukkuri", qui fait écho à ma carrière. Surtout aujourd’hui, alors qu'on consomme de la musique à toute allure. Pour moi, ça reste un art de faire de la musique. Ça prend du temps, c’est un processus créatif. Il faut pouvoir écouter, comprendre, digérer."
L'artiste, directeur périscolaire dans la vie de tous les jours, vit le hip-hop comme une passion, un état d'esprit et non pas comme un but ultime. La célébrité et les paillettes ne l'intéressent pas. Il privilégie l'authenticité. "Le rap évolue et j’essaie d’évoluer avec mon temps. Certaines modes passent et c’est bien, s'amuse-t-il. Yukkuri, c'est officiellement terminé. On va sortir de l’Asiatique qui fait du rap aux sonorités japonaises. Je vais continuer à faire tranquillement du rap."
Dans les mois qui viennent, Shao espère pouvoir monter le plus souvent possible sur scène, comme il a pu le faire en première partie de Benjamin Epps à La Rodia à Besançon en 2021, au Pop Corn Festival aux Russey en 2022 ou au Festival Rencontres et Racines à Audincourt en 2023. Habitué ces derniers temps à laisser la place aux autres lorsqu'il anime des soirées rap dans les bars culturels de Besançon, il n'attend plus qu'une chose : se poster face au public pour défendre le projet Yukkuri. L'avis est lancé aux programmateurs et programmatrices de la région.
► Shao se produire au café concert Les Passagers du Zinc à Besançon le 8 décembre 2023.