"Même si on est payé en dessous du Smic, on a notre dignité " : pourquoi la grève touche des cliniques privées

Les salariés des polycliniques de Besançon (Doubs) et de Dole (Jura) ont fait grève ce mardi 18 juin 2024 pour demander une revalorisation des bas salaires et des carrières. Ce mouvement national, à l'appel de la CFDT Santé-Sociaux et de UNSA Santé Sociaux, concerne aussi en France les Ehpad et établissements thermaux privés.

"Il faut que cet avenant 33 soit appliqué" ! Un avenant qui prévoit essentiellement une meilleure rémunération pour les bas salaires des cliniques privées. La revendication est simple même si le contexte de cette grève nationale est plus complexe. À la polyclinique du parc à Dole, il n'y a pas eu ce mardi 18 juin d'intervention chirurgicale. La majorité du personnel du bloc opératoire est en grève. Le service ambulatoire et du nettoyage sont aussi concernés par cet appel national à la grève. Selon Sylvie Robin, directrice de l'établissement privé, environ 35 salariés sur les 45 en poste suivent le mouvement " soit la journée entière soit par intermittence". 

Les patients de cette polyclinique vont-ils pouvoir venir les jours à venir pour se faire soigner ? "On attend de connaître les consignes nationales de la CFDT" répond Sylvie Robin qui insiste sur la qualité du dialogue social dans l'établissement. Finalement, en fin d'après-midi, les représentants de Besançon et Dole annonçaient la levée du mouvement mais le préavis est maintenu. 

En France, selon la CFDT Santé-Sociaux, il y aurait eu ce 18 juin des débrayages dans une centaine d'établissements privés. En Franche-Comté, avec ceux de la polyclinique du parc à Dole, les salariés de la polyclinique de Besançon ont également suivi ce mouvement national de grève.  

Revalorisation des rémunérations

Cette contestation s'inscrit dans de longues négociations entre le ministère de la Santé, la Fédération de l'hospitalisation privée (les employeurs) et les syndicats de salariés pour revalorisation les rémunérations dans le secteur médico-social privé. 

Il y a une légende urbaine qui fait penser que les salaires sont plus attractifs dans le privé que dans le public mais c'est un leurrre. C'est juste en raison des primes.

Romuald Colomb, CFDT Santé Sociaux du Doubs

Ce mouvement de grève fait suite au refus par l'État de financer "l'avenant 33" d'un ensemble de dispositions d'une nouvelle convention collective. Cet avenant prévoit de revaloriser les bas salaires et l'ancienneté, mais le ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention, Fréderic Valletoux, précise dans un courrier adressé le 24 mai dernier aux employeurs du secteur privé de la santé que "le gouvernement ne sera pas en mesure de financer la mise en œuvre dit "Avenant 33" dans ses termes actuels". 

Pour l'instant, cet avenant ne peut s'appliquer que si l'intégralité des financements est obtenue. C'est le nœud de la négociation. 

"Principe d'équité"

Depuis plusieurs années, des discussions ont lieu pour remettre à plat la convention collective de salariés du secteur "lucratif" de la santé. Des négociations sous la houlette de l'État, car 92% des ressources des établissements privés sont assurées par les tarifs fixés par le ministère de la Santé et les financements publics. 

Récemment, ministère, syndicats patronaux et de salariés tombent d'accord pour une convention collective qui comprend ce fameux "avenant 33". 

"Il fallait adapter la convention collective au marché du travail, on était obligé de discuter avec les syndicats, il fallait le faire" reconnaît Pierre-Etienne Mercier, délégué régional de la Fédération de l'Hospitalisation Privée en Bourgogne-Franche-Comté. Ce secteur rencontre des difficultés de recrutement.

Les cliniques privées avaient menacé de "suspendre leurs activités" à partir du 3 juin. Elles dénonçaient une iniquité de traitement tarifaire avec l'hôpital public. Les cliniques privées ne décoléraient pas depuis l'annonce par le gouvernement des tarifs hospitaliers pour 2024, avec des revalorisations de 0,3% pour les cliniques privées et de 4,3% pour l'hôpital public.

Mais, finalement les établissements privés avaient levé leur mouvement de grève après avoir obtenu des "avancées" du gouvernement. En l'occurrence, le financement des horaires de nuit et des jours fériés.

"Les engagements et les décisions prises par le gouvernement soutiennent le principe d'équité de traitement" entre public et privé, avait indiqué le 24 mai la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) dans un communiqué, selon nos confrères de l'AFP, cosigné avec les cinq syndicats de médecins libéraux soutenant le mouvement.

Selon les informations fournies ce 24 mai par la FHP, le gouvernement s'est engagé à débloquer des financements supplémentaires pour l'hospitalisation privée en 2024, et à respecter pour les années à venir "un principe d'équité de traitement entre les différents secteurs de l'hospitalisation".

Nouveau rebondissement, mais cette fois-ci du côté des salariés de ce secteur dans la santé dit "lucratif". Cela concerne les cliniques, mais aussi les Ehpad gérés par des groupes privés ou des établissements thermaux.

Quel financement pour l'avenant 33 ?

La CFDT Santé-Sociaux et l'UNSA Santé-Sociaux appellent à la grève illimitée pour que les salariés ne soient plus payés en dessous du Smic (avec des primes pour arriver au Smic) et qu'ils bénéficient d'une progression de carrière. "Même si on est payé en dessous du Smic, on a notre dignité, nos convictions. On lutte pour avoir la reconnaissance à laquelle on a droit" affirme Eve Rescanières, secrétaire général CFDT Santé-Sociaux lors d'une prise de parole en direct sur Facebook. Le préavis de grève de la CFDT serait maintenu tant que l'avenant 33 ne sera pas appliqué.

Le représentant des 41 hôpitaux et cliniques privés de notre région se veut rassurant."On est en train de se battre pour continuer à négocier et essayer de négocier avec le gouvernement le financement de cet avenant" précise Pierre-Etienne Mercier, délégué régional de la Fédération de l'Hospitalisation Privée en Bourgogne-Franche-Comté. 

Lors de cette prise de parole sur Facebook, Eve Rescanières se félicitait de la mobilisation de cette première journée de grève. La syndicaliste annonçait même que dans un courrier au syndicat d'employeurs FHP, la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Catherine Vautrin, assure ce 18 juin 2024  qu'il n'y avait "plus d'obstacles à l'application de l'avenant 33". 

"Des efforts financiers" pour les salariés

L'incertitude du calendrier politique à la suite de l'annonce par le président de la République de la dissolution de l'Assemblée nationale et les élections législatives anticipées avaient décidé certains salariés à ne pas se lancer dans la grève. C'est le cas de la clinique Saint-Vincent à Besançon. "Nous soutenons le mouvement", assure Patricia Dreyer, déléguée CFDT de cet établissement. 

Dans combien de temps, les négociateurs vont-ils se remettre autour de la table pour mettre en œuvre l'application de cet avenant 33 de la convention collective de l'hospitalisation privée ? En théorie, son entrée en vigueur était prévue au 1ᵉʳ janvier 2024 avec application rétroactive.  

Dans sa lettre aux employeurs de la FHP, la ministre de la Santé leur demande de "reprendre très rapidement le chemin du dialogue social, et de trouver les voies d'un accord avec les représentants des salariés pour la mise en œuvre de l'avenant". La ministre rappelle aux cliniques privées que l'État a prévu de verser 450 millions d'euros en tant que "financements supplémentaires" pour cette branche. Cet "effort financier très important" des finances publiques" doit, selon Catherine Vautrin, "bénéficier aux salariés de vos entreprises, et notamment aux plus bas salaires". En clair, les employeurs des cliniques privés devront appliquer cet "avenant 33", c'est-à-dire revaloriser les bas salaires et prendre en compte la progression salariale, dans l'enveloppe de 450 millions d'euros. 

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