PORTRAIT. Josie, non voyante, "marche en tandem" avec Inoï, son chien-guide depuis 8 ans

Josie Verguet, non-voyante depuis sa jeunesse, forme avec son chien-guide un duo plein de complicité. À l’occasion de la journée internationale des chiens-guides, rencontre avec cette femme chaleureuse de 72 ans et son berger blanc suisse, Inoï, qui évoluent ensemble depuis plus de 8 ans.

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"Je dis souvent que c’est ma Rolls Royce", rigole Josie Verguet en tapotant de sa main l’épais pelage d’Inoï, son chien-guide depuis huit ans et demi. "Hein ma fille", lui dit-elle. Le berger blanc suisse, d’une grande douceur, vient frotter sa tête contre sa maîtresse de 72 ans, non-voyante. "Elle a peur de mal faire donc elle veut vérifier qu’elle fait bien", traduit cette habitante de Besançon (Doubs), qui réside dans une agréable maison avec son mari, malvoyant.

Elle y est autonome, mais lorsqu’elle sort, elle s’en remet entièrement à sa chienne :"Au moindre petit mouvement, je sais ce qu’elle veut dire. Je suis plus à l’aise et rassurée auprès d’elle qu’aux bras de quelqu’un", confie Josie, qui raconte comment, au moindre petit trou sur la chaussée, Inoï s’arrête.

“Au moindre petit mouvement, je sais ce qu’elle veut dire. Je suis plus à l’aise et rassurée auprès d’elle qu’aux bras de quelqu’un."

Josie Verguet

"Franchement, elle est incroyable, je ne lui trouve pas de défaut. Elle est très prudente, calme et attentionnée", énumère celle qui est devenue non voyante à ses 8 ans, suite à un kyste sur les nerfs optiques qui les a atrophiés. Commence alors la rééducation, l’usage de la canne et l’apprentissage du braille.

Elle a une vingtaine d’années lorsqu’elle obtient son premier chien-guide pour une autonomie complète, un berger malinois. Suivront un labrador et deux bergers allemands, puis Inoï, son cinquième compagnon de route. "On marche en tandem, hein ma grosse", souffle Josie, la fierté dans la voix en cette journée internationale des chiens-guides. 

Une aide qui a toutefois un coût : 25.000 euros, mais jamais déboursés par la personne aveugle. Et ce grâce aux dons et aux parrainages, par exemple pour une marque de croquettes, voire en vendant elle-même des calendriers pour l'école de chien-guide où elle a récupéré Inoï. 

Compréhension mutuelle

Cet imposant chien, à son arrivée à 16 mois, s’est tout de suite bien entendu avec Josie, son mari, ses deux filles, ses petits-enfants et ses trois chats. "C’est un membre de la famille à part entière, sourit Josie. Elle savait déjà tout, il n’y avait plus rien à lui apprendre." C’est dans un des 17 centres d'éducation en France, celui de Cernay (Haut-Rhin), qu'Inoï a appris dès son plus jeune âge à accompagner les personnes déficientes visuelles. Cette école utilisait alors une méthode d’éducation en suisse allemand, choisi pour ses sonorités. 

"T’es une brava", pour "brave", lui dit donc Josie après avoir enfilé son harnais indiquant "chien-guide" en grosses lettres. Sur la terrasse ensoleillée, elles posent alors côte à côte : la maîtresse en robe à fleurs rose et brune, un gilet et un collier assortis ; le chien-guide aux poils blancs légèrement jaunis, ce qu’elle déplore à plusieurs reprises 

"Je viens de la laver dans la douche, c’était un peu sportif, mais elle est toute propre, elle sèche au soleil", nous raconte-t-elle au lendemain de notre rencontre. Entre ses poils épais, ses yeux bruns et sa carrure, son compagnon a des airs de loup, à mi-chemin avec le nounours. En le faisant remarquer, Josie acquiesce, amusée : "Les enfants le prennent souvent pour un loup, surtout lorsqu’elle avait les oreilles toutes droites qui pointaient vers le haut. C’est dommage, elles sont retombées récemment, car elle a eu la gale du renard", répète-t-elle.

L’âge avançant, Inoï s’est aussi fait opérer des ligaments croisés des pattes arrières. Bientôt, à dix ans, elle devra prendre sa retraite pour se préserver, obligeant déjà sa maîtresse à penser à la suite : "Je ne peux plus trop sortir, mais elle va être jalouse. J’attendrai encore un an avant d’accueillir un nouveau chien-guide", se projette difficilement Josie, qui a toutefois l'idée d'accueillir, si possible, un golden retriever. 

Une passation en douceur

Puisque les chiens-guides se relaient dans la vie d’une personne, le deuil se répète inévitablement : "Je n’ose pas penser au jour où elle va partir, ça va être horrible. J’espère qu’elle n’aura plus de soucis de santé et qu’on pourra la garder encore longtemps, même si elle a un nouveau copain ou copine", s’émeut-elle en réaffirmant son attachement pour son et ses anciens compagnons : "Ils sont tous différents, mais on les aime autant." 

"Je n’ose pas penser au jour où elle va partir, ça va être horrible."

Josie Verguet

Elle se remémore justement avec enthousiasme la période où elle vivait avec deux chiens-guides : le plus vieux à la retraite et le plus jeune nouvellement accueilli : "Pendant un mois, c'était l'ancien qui venait dans le harnais, je me trompais parfois", lance-t-elle dans un rire.

Autant de nouvelles rencontres on ne peut plus nécessaires pour elle qui avoue ne plus pouvoir imaginer sans chien-guide, depuis ce premier jour où elle est sortie avec : "On traçait ! L’éducateur me disait 'tu vois, là, tu es passée à côté d’une poubelle, d’une moto'. Avec une canne, on se paie tout, mais avec un chien, on ne voit plus rien, c’est la liberté", se réjouit-elle.

Une fois accompagnée, elle se sent capable de tout : pour prendre le métro à Paris ou se promener au parc avec sa fille dans le landau à Paris, où elle a travaillé pendant vingt ans à l'accueil de la RTBF et à la Maison de la radio. Née à Pontarlier, elle est ensuite revenue s’installer dans sa région natale, travaillant à la Direction Départementale des Territoires avant d’être mère au foyer.

Tempérament plein d'hardiesse

Une expérience de vie qui illustre sa nature "intrépide", selon ses mots. "Quand j’ai perdu la vue, je montais les escaliers avec des échasses en bois que j’avais sciées. Ma mère les avait mises au feu", relate-t-elle en rigolant : "Je n’avais pas peur, c'était affreux !"

Et rien ne l’arrête : elle a ensuite continué à pratiquer le ski, l’escalade, la natation, le roller et la randonnée. "Je suivais quelqu’un à la voix", explique celle qui s’apprête justement, lors de la rencontre, à partir avec son mari à un premier entraînement de tennis de table pour non-voyants, avec une balle sonore et des personnes voyantes qui mettent un masque. Le lendemain, elle commente : "C'était super, je compte en refaire et j'espère jouer en club !"

"Avec tout ce qui est informatique, les captcha, les codes, ce qui est vocalisé... On a encore des freins."

Josie Verguet

Bien que de telles opportunités existent, Josie Verguet déplore encore un manque d’accessibilité dans certaines sphères : soit parce que le chien-guide est refusé par des enseignes, ce qui est pourtant contraire à la loi, soit parce que des équipements numériques ne sont pas adaptés : "Avec tout ce qui est informatique, les captcha, les codes, ce qui est vocalisé... On a encore des freins", regrette-t-elle le jour où, hasard du calendrier, Emmanuel Macron a annoncé un plan d’1.5 milliards d’euros pour l’accessibilité.

Quant aux chiens-guides, reconnus comme une aide efficace, ils ont été 6.000 à avoir été remis gratuitement à leurs maîtres aveugles ou malvoyants depuis 1952, d’après le label Chiens Guides France. 

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