REPORTAGE. "Finalement, je suis content de l'avoir fait", au coeur d'un stage de réparation pénale avec des jeunes auteurs de dégradations

La Protection Judiciaire de la Jeunesse nous a ouvert la porte de l'un des stages de réparation pénale qu'elle encadre, à Besançon (Doubs). Ils sont à destination de jeunes mineurs ou tout juste majeurs, poursuivis pour des actes de dégradations, de vols ou d’infractions commises envers des biens publics ou privés. Reportage.

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"Ça me permet de relativiser. Je partais grave négatif. Finalement, je suis content de l'avoir fait". Ces paroles sont celles de Philippe*, 18 ans, qui a suivi durant quatre jours un stage de citoyenneté organisé par la Protection Judiciaire de la Jeunesse mi-avril, à Besançon. Lui et deux autres garçons de 17 et 18 ans participaient à une action de réparation après avoir commis un délit, alors qu'ils étaient âgés de 13 et 14 ans. Cette mesure est venue s'ajouter à l'amende d'environ 600 euros dont ils ont écopé. " On avait fait une soirée dans une maison. Il y avait énormément de monde et il y a eu des dégradations. On était là, et on s'est fait prendre. On va dire ça comme ça", nous explique Romain*.

Lorsqu'une personne mineure commet un délit et est placée en garde à vue en France, un éducateur de la PJJ est automatiquement mandaté pour effectuer un accompagnement du ou de la jeune en question. "Parfois, des p eines de stage sont prononcées par le magistrat, en fonction des délits qui sont commis : violences, sécurité routière, stupéfiants... C’est à nous de mettre du sens pour qu'ils puissent s'emparer d'outils afin d'évoluer", détaille Ludivine Petit, éducatrice spécialisée à la Protection Judiciaire de la Jeunesse.

"Ils avaient dégradé ensemble, alors ils allaient devoir construire ensemble"

Il est rare que des jeunes qui se connaissent déjà participent à la même mesure judiciaire dans le cadre d'un stage en alternative aux poursuites judiciaires. Cela peut parfois créer des étincelles, mais cette fois-ci, le symbole de les rassembler lors de la mesure éducative était intéressant selon Sonia Cayeux et Ludivine Petit, coordinatrices des actions collectives à la Protection Judiciaire de la Jeunesse, plus communément appelée PJJ. "Les trois jeunes qui sont là sont des co-auteurs de dégradations. Cela peut créer des dynamiques négatives lorsqu'ils se connaissent, donc on prend rarement ensemble des co-auteurs. Là, on s’est dit qu’ils avaient dégradé ensemble alors qu’ils allaient devoir construire ensemble", précise Sonia Cayeux, également éducatrice spécialisée. Ces stages peuvent regrouper des jeunes de 13 à 21 ans.

La première chose qu’on leur dit, c'est qu’ils vont faire partie d’un groupe bienveillant, qu’ils peuvent poser leurs limites, mais que chacun doit être à la même hauteur. On les considère comme des jeunes adultes, des jeunes citoyens.

Ludivine Petit, éducatrice PJJ

Durant cette session, le projet consistait en la création d’une grande fresque murale participative, dans le quartier de la Butte à Besançon. Pour encadrer ce stage, deux artistes étaient présents avec les jeunes aux côtés des éducatrices. Félix Lafay, alias MUJŌ, est habitué aux projets collaboratifs, qu'il affectionne tout particulièrement, notamment lorsqu'ils relèvent d'une démarche de pédagogie et d'inclusion. Il en a même fait sa marque de fabrique. Les projets de fresques qu'il a déjà encadrés pullulent à Besançon. " L’idée, ce n’est pas que tout le monde devienne artiste. C’est d’ouvrir le champ des possibles pour ceux qui sont sensibles à ça. Des fois, tu as des déclics, des personnes qui vont se découvrir en faisant des créations à plusieurs et ça, c'est vraiment cool. Des gens qui n’auraient peut-être pas fait le premier pas. Il y a eu une bonne implication des trois jeunes", dit-il.

L'artiste autodidacte souhaite également, à travers les ateliers qu'il propose, générer des interactions sociales et susciter une autre forme de dialogue. Les mineurs suivis sont souvent prisonniers dans des schémas de violence et renfermés sur eux-mêmes. L'outil s'avère particulièrement pertinent. "Sur le papier, quand tu prends un dossier et que tu regardes les faits reprochés aux jeunes qu'on accompagne, des fois, tu te dis que c'est très lourd. Et quand tu rencontres le jeune, ça t’apprend vachement, tu es souvent étonnée. Ils ne sont pas qu’un délit ou une situation familiale qui beugue", témoigne Ludivine Petit.

Le deuxième artiste de ce projet était Quentin Coussirat, graphiste et photographe indépendant. Sa mission ? Documenter à l'aide des jeunes les différentes étapes de la semaine, afin d'éditer un "fanzine" de 36 pages avec lequel chaque stagiaire a pu repartir. " J’apprécie vraiment ce cadre, le fait de pouvoir documenter une action. Cela permet d’augmenter les activités et de garder une trace de ce qu'on a vécu ensemble sur la durée. Car là, le mur est déjà recouvert peut-être", nous explique-t-il.

"Aux désordres de la société"

Sur le mur peint en bleu ciel, on découvre des motifs créés avec différents outils de récupération. Les stagiaires ont commencé par poser leurs idées sur des maquettes en papier avant d'empoigner les tampons, les pinceaux et la peinture. On peut lire sur le mur des phrases tout droit sorties de la tête des jeunes, des paroles de rap écrites durant la semaine.

"C’est une façon différente de voir l'art. On a travaillé sur la matière. C’était super cool. J’appréhendais aussi les choses, comme nous tous. On a eu de la chance en vrai de faire ça", lance Romain*. "On a fait pas mal de peinture, du graff, avec du noir. On a essayé pas mal d’outils et on les a essayés dans tous les sens. Ensuite, on est allés sur les murs. C’était vachement cool", confirme Philippe*.

Je me disais qu’on allait peut-être se faire ch*** et que ça nous donnerait envie de faire des conneries. Au stage, on a fait les cons, mais ça faisait partie du job de se laisser aller pour être créatif, et c’est génial en fait.

Philippe*, jeune accompagné par la PJJ

Si la semaine a été une réussite pour les trois amis d'enfance, ce ne fût malheureusement pas le cas pour deux autres jeunes présents en début de session. "Parfois, les choses ne prennent pas, c'est dommage, mais cela reste de l'humain. On ne peut pas tout contrôler", lance Ludivine Petit.

Durant cette session, deux jeunes de 14 et 17 ans, qui ne se connaissaient pas au préalable, ont commis des dégradations un soir de la semaine sur un abribus. Ils ont été interpellés par la police et placés en garde à vue. Leur stage ne sera pas validé. "Des fois, ça ne marche pas. On a commencé à cinq et on a fini à trois", lance Sonia. Et Ludivine Petit de conclure : "Ce n'est pas le monde des bisounours et c'est aussi important de le savoir".

(*) Les prénoms ont été modifiés pour garantir l'anonymat des jeunes interrogés.

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