Il a traversé la Méditerranée, bravé l’aridité du désert et la violence de guerre. Salaheldin Yaya, jeune Soudanais réfugié, se sent désormais libre, mais déraciné. Il a trouvé un peu de soutien à Besançon, grâce au dispositif de parrainage mis en place par le Secours catholique.
Sous un soleil de plomb, Salaheldin Yaya a sorti sa chemise des grands jours et ses bottines cirées. Le jeune Soudanais ne craint pas la chaleur de l’été. Il a tenu à soigner son allure, parce qu’il croyait que « France 3, c’était juste de la télé ».
Le jeune homme a 29 ans, les yeux qui brillent, le verbe hésitant. Né dans l’Ouest du Darfour, il vit aujourd’hui dans un petit studio, à Saint-Ferjeux.
Il est arrivé en 2015 ici, « dans le pays de la liberté ». Il lui a fallu trois jours pour dérouler son histoire aux institutions chargées de lui délivrer ses papiers. Il lui faut désormais à peine plus de 3 minutes pour la résumer.
Retour en 2003. Tandis que la France a chaud, les Soudanais, eux, ploient sous les bombes. Avec le début de la guerre, Salaheldin interrompt ses études, et se met à travailler au sein d’un camp de réfugiés. Il décide rapidement de quitter son pays natal, accompagné d’une vingtaine d’autres Soudanais.
« Je suis passé par le Tchad, puis la Lybie, le Sahara, c’était très dur. On a eu des problèmes de voiture, on n’avait pas assez d’eau. J’ai des amis qui sont morts ».
Le jeune homme plisse les yeux et marque une pause. Ellipse. « Toutes mes économies sont parties dans les passeurs ». Il a payé à la sueur de son front le prix d’un aller qu’il espérait sans retour. Lybie, Italie et puis Paris.
Un dispositif mis en place après le démantèlement de "la Jungle de Calais"
Aujourd’hui, Salaheldin a ses papiers. Il se sent libre, mais n’en reste pas moins déraciné. « Oui, ici, c’est dur de se faire des amis, c’est différent de chez nous car les Français sont plus individuels. Au Soudan, on va passer plus de temps en groupe. Ici, les gens se voient un peu, mais après chacun repart à sa petite vie, avec son copain, ou son boulot ».
Pour remédier à la solitude, Salaheldin a choisi de participer à un programme de « parrainage », conseillé par son assistante sociale. Le dispositif est chapeauté par le Secours catholique de Besançon.
« On a mis ça en place après le démantèlement de la jungle de Calais », explique Estelle Jeannin, coordonnatrice du dispositif. « C’était en 2016, quand les migrants ont été répartis dans des bus et envoyés un peu partout en France, et notamment en Franche-Comté. On a voulu les aider à s’intégrer, à apprendre le français, à les accompagner ».
Le nom de Salaheldin a été inscrit sur la longue liste des « migrants à parrainer ». Gaëlle Bourgon, enseignante d’histoire-géographie, est devenue sa marraine quelques semaines plus tard. « J’avais envie à mon échelle de pouvoir faire un petit truc. C’est pas énorme, mais c’est un petit geste ».
Pour l’instant, Gaëlle et Salaheldin se découvrent. Promenades, conversations autour d’un thé, le long de la citadelle ou autour d’une table à manger. Le duo planche aussi beaucoup sur la langue française. « Il m’écrit une sorte de journal de bord dans un petit carnet. Il raconte ses journées, son quotidien », explique Gaëlle, qui corrige le tout avec bienveillance.
Si le rôle d’un parrain ou d’une marraine n’est pas explicitement défini, l’association a tout de même tenu à en esquisser les contours. « On peut parrainer à plusieurs, en couple ou tout seul, comme Gaëlle. Le but ça n’est pas d’accompagner des démarches administratives, mais de leur permettre de rencontrer du monde et de découvrir la culture française », précise Estelle.
Le Secours catholique manque de bénévoles pour parrainer. « Nous avons une dizaine de réfugiés sur le carreau », poursuit la coordinatrice.
Pratique : si vous souhaitez parrainer ou être parrainé, contactez le Secours catholique au 03 70 27 26 40