Si trois syndicats, et donc la majorité, ont signé le "protocole d’accord sur la revalorisation des personnels hospitaliers hors médecins", élaboré dans le cadre du Ségur de la santé, six autres, dont la CGT et Sud, appellent à manifester ce 14 juillet à 11 h pour réclamer davantage de moyens.
"Nous sommes très déçus. On s'est senti écoutés, on nous a acclamés comme des héros, et finalement, on se moque de nous." Le professeur de neurochirurgie au CHRU de Besançon et membre du collectif Inter-Hôpitaux, Laurent Thines est amer.
Après sept semaines de tractation, les personnels paramédicaux (infirmiers, aides-soignants, masseurs-kinésithérapeutes...) et non médicaux (techniciens, brancardiers, agents administratifs...) ont obtenu une enveloppe de 7,5 milliards d'euros pour améliorer leurs rémunérations, parmi 20 mesures de cette première phase du Ségur de la santé. Mais pour le médecin le compte n'y est pas. Les infirmiers et aides-soignants toucheront 183 euros de plus par mois, pour moitié en septembre, puis en mars 2021.
"On reste loin des 300 euros qu'il aurait fallu pour rejoindre la moyenne des pays européens, explique Laurent Thines. Les infirmières françaises continuent d'être moins bien payées que les infirmières portugaises. Cet accord n'est pas à la hauteur de l'enjeu. Pas après avoir "tenu la baraque" pendant la pandémie, pas après 14 mois de grève et de mobilisation. On distribue des miettes de salaires à certaines catégories professionnelles, mais en échange on va aggraver les horaires, les plannings...Tout cela est très décourageant".
"Je ne vous parle même pas des médecins, poursuit le neurochirurgien. Certes la prime d'indemnité de "service public exclusif" (versée aux praticiens qui s'engagent à ne travailler que dans les hôpitaux publics, sans dépassement d'honoraires) devrait passer de 490 euros bruts à 1 010, mais un neurochirurgien comme moi gagne cinq fois plus dans le privé, alors que je suis "professeur" ! Nous travaillons à l'hôpital public par vocation, et aussi parce que les interventions peuvent être plus complexes et plus intéressantes. Mais si les salaires ne suivent pas et les conditions se dégradent, plus aucun jeune médecin ne choisira le service public..."
Pour une réouverture de lits ou de services
"Aucune avancée n'a été faite au travers de ce protocole d'accord sur la question primordiale des réouvertures de lits et de services, regrette Evelyne Ternant, référante Bourgogne Franche-Comté du Parti communiste et membre du Comité de défense de la Santé Publique. Il n'y a pas de changement non plus de système, de cette "tarification à l'acte" qui est une catastrophe depuis des années pour répondre aux besoins de santé des citoyens. Cette gestion comptable fait sombrer ce qui était l'un des meilleurs systèmes de santé au monde, avec tout ce que cela implique comme souffrance pour les soignants."
Six syndicats, dont la CGT et Sud santé, ainsi que les collectifs inter-urgences et Inter-hôpitaux invitent donc les personnels soignants à manifester place de la révolution à Besançon le 14 juillet à 11h. A l'heure même où un hommage national sera rendu aux soignants place de la Concorde à Paris par le Président de la République.
"La crise n'est pas derrière nous, elle est encore devant nous avec un hôpital qui se retrouve face à un nouveau défi : rattraper ce retard. Inflation des examens à rattraper, des conséquences sur la santé des patient.es du fait des prises en charge retardées : aujourd'hui, le CHU est plein, archi-plein en ce moment et démontre s’il le fallait encore, que les lits manquent et continuent de manquer..", précise le communiqué du Comité de défense de la santé publique.
Ce dernier invite tous les citoyens à rejoindre le mouvement, et transformer une fois encore les applaudissements du confinement en soutien pérenne. "Les citoyens doivent prendre en main leur santé, conclut Laurent Thines. Nous, personnels soignants sommes pris en étau, entre notre envie de faire grève et le devoir de soin. Nous ne pouvons pas manifester comme nous le voulons et tout bloquer, comme peuvent le faire les cheminots. Nous sommes réquisitionnés. Alors, il faut que les citoyens portent cette cause avec nous."
Après la pause estivale, médecins, infirmiers et autres soignants entendent bien, s'ils ne sont pas écoutés, reprendre vigoureusement le mouvement à la rentrée.