Spoliation pendant la Seconde Guerre mondiale : l'étonnante histoire des œuvres d'art "MNR" exposées dans nos musées

Qui sont les propriétaires des 62 œuvres d'art MNR exposées dans les musées de Franche-Comté et de Bourgogne ? "MNR" cela veut dire "Musées Nationaux Récupération". Ces œuvres d'art ont été récupérées en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale, la plupart ont été spoliées à des familles juives et sont en attente de restitution.

C’est encore très discret. Il faut se pencher pour regarder les petits cartels des tableaux pour découvrir que certaines œuvres d’art de nos musées portent en elles un des pans dramatiques de la seconde guerre mondiale. Rien ne distingue ces cartels des autres. Près de l’œuvre, on peut lire sur le petit rectangle collé au mur, le nom de l’artiste, celui de l’œuvre, la technique employée et son origine. Pour 62 œuvres d’art de nos musées de Bourgogne et de Franche-Comté, il est écrit trois lettres : MNR pour Musées Nationaux Restitution. En France, on estime à un peu plus de 2000 le nombre de MNR.

Où sont exposés les MNR en Bourgogne-Franche-Comté ?

Douze MNR au musée des Beaux-Arts de Besançon, treize au musée Baron-Martin de Gray, quatorze au musée des Beaux-Arts de Dijon, cinq au musée d’Autun ; au total neuf musées de la grande région... Ces établissements ont en dépôt des œuvres de Gustave Courbet, Edgard Degas, Hubert Robert, Jan van Kessel et bien d’autres artistes.  Voici la carte de ces tableaux en dépôt dans les musées de province et de Paris en attente de leur restitution à leurs légitimes propriétaires.

Une histoire qui se lit aussi à l’arrière de la toile, sur le châssis. De vieilles étiquettes, des tampons sont là pour témoigner du parcours de ces œuvres. Dans quelles collections étaient-elles, quelles sont les galeries qui les ont exposées ? Pour tous ces tableaux, leur "généalogie" est incomplète, les archives de France mais aussi d’Allemagne ou des Etats-Unis n’ont pas encore livré toutes leurs précieuses informations. Et puis, des mystères demeurent.

La recherche de provenance, une discipline à part entière

On ne sait pas à qui appartenaient ces objets d’art avant d’être récupérés en Allemagne à la Libération. Tous n'ont pas été spoliés. Depuis le milieu des années 90, les recherches de provenance se sont développées pour tenter de retrouver les descendants des propriétaires. Récit en quatre épisodes de ce "fil d’Ariane des spoliations".

Quel avenir pour les MNR ? 

En France, il y a encore environ 2000 œuvres d'art MNR, 1750 d'entre elles n'ont pas d'historique complet. On l'a vu dans les reportages de notre feuilleton "Le fil d'Ariane des spoliations", la recherche de provenance fait des progrès mais rien ne dit que tous les dossiers ouverts seront un jour solutionnés.

Dans son rapport de 2018, David Zivie regrettait un "climat teinté de méfiance" autour des restitutions des MNR. D'après lui, "ce sujet semble parfois voué à l'incompréhension". 

L’État, et les musées nationaux en particulier, "paient" l’inaction de 40 années. C’est pourquoi l’action actuelle est insuffisante, en raison de son manque de coordination, de pilotage et de visibilité. Ce que l’on peut reprocher à l’organisation actuelle, c’est précisément un relatif manque d’organisation et une trop faible ambition.

David Zivie

Rapport à Madame Françoise Nyssen, Ministre de la Culture. Février 2018

Depuis la publication de ce rapport, David Zivie tente d'accomplir une tâche qui, malgré une meilleure accessibilité aux archives, reste complexe. Actuellement, la petite équipe de la mission Zivie du ministère de la Culture, associée à des chercheurs en provenance, travaillent sur 60 dossiers.

Outre les recherches de provenance pour les MNR, il s'agit aussi de vérifier si les œuvres d'art achetées par les musées français depuis les 70 dernières années l'ont été dans des conditions normales ou s'il s'agit d'œuvres spoliées ou de ventes forcées. Un travail colossal. " Nous sommes de plus en plus sollicités par les musées qui s'interrogent sur l'origine d'œuvres qu'ils souhaiteraient acheter. C'est un réflexe qui se répand. On sent que le sujet se diffuse" remarque David Zivie.

Avant qu'il ne soit trop tard 

Si avec les années, la recherche de provenance gagne en efficacité, il y a un revers de la médaille, celui du temps qui passe inexorablement. Les liens mémoriels directs avec les derniers propriétaires des œuvres récupérées en Allemagne, s'étiolent.

Il y a des familles qui se posent des questions pour la première fois. Aujourd'hui, beaucoup des arrières petits enfants des victimes, des gens qui ont été spoliés, découvrent que leurs grands parents avaient fait des démarches. Démarches qui ont dû être abandonnées. Parfois, ils se rendent compte que rien n'avait été fait (...). La question n'est pas du tout derrière nous. Tant que ces personnes n'ont pas été retrouvées, il faut continuer.

David Zivie

Quand bien même, la présentation de ces MNR dans les musées de Bourgogne-Franche-Comté, des autres régions françaises et de Paris peut nous rappeler cette période sombre de l'histoire de France. Une présentation plus explicite des MNR dans les musées permettrait de ne pas oublier. 

Si on veut montrer à un public le plus large possible ce que sont les MNR, il faut faire des cartels très adaptés, qui attirent l'attention des visiteurs. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui dans la plupart des musées.

Corinne Hershkovitch, avocate et présidente de l'association Astres (Association pour le Soutien aux Travaux de Recherche Engagés sur les Spoliations

Au Louvre, c'est seulement depuis 2017 que deux petites salles sous les toits sont consacrées à la présentation de quelques uns des tableaux MNR du musée parisien. Au musée du temps de Besançon, un panneau entier est consacrée à l'histoire tourmentée des célèbres tapisseries relatant la vie de Charles Quint qui avaient été achetées par Goering. Dans cette belle salle des tentures du musée bisontin, deux histoires s'offrent ainsi aux visiteurs, celle du règne d'un empereur sur un territoire ou le soleil ne se couchait jamais et celle de l'effroyable pillage des biens culturels entrepris par le collectionneur maladif qu'était le maréchal nazi Goering. 

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