C'est un moment presque disparu des mémoires : le 13 novembre 1944, Churchill et de Gaulle se retrouvent au château de Montalembert, à Maîche, dans le Haut-Doubs. La rencontre est orageuse. Les deux hommes viennent faire le point sur la libération de l'Aslace et de la France.
Ce n'est pas un secret de famille, encore moins un secret de village. Et pourtant. Qui se souvient, à Maîche, de la visite du général de Gaulle, accompagné de son meilleur ennemi, Winston Churchill ?
Michel Simonin est l'un des derniers à avoir vu, de ses yeux, cette rencontre improbable. Il en conserve quelques photos, en noir et blanc, classées dans son salon. Le 13 novembre 1944, Michel Simonin avait 10 ans. On l'aperçoit, en culotte courte, au milieu des généraux. L'homme au cigare était là, à quelques mètres.
« On était derrière la garde d'honneur, raconte l'octogénaire. Il y avait un petit muret, on était sur ce muret, et on on dominait bien. Churchill et de Gaulle sont venus saluer la foule, ils ont été applaudis vivement. »
Pourquoi les deux hommes sont-ils venus ici en plein hiver ? Mouthe, Pontarlier, Morteau, ont été libérés quelques semaines auparavant grâce aux tirailleurs algériens. De Gaulle et Churchill doivent désormais envisager la bataille d'Alsace. Pour cela, ils choisissent la plus belle demeure de Maîche, le château de Montalembert.
Une rencontre glaciale
« Les fenêtres que vous voyez, c'est là que se trouve le petit salon, nous indique Jose Sorribes, historien. Il faut l'imaginer avec les fameux deux fauteuils orange, ou plus exactement jaune citron, la couleur de l'amertume des dialogues, puisqu'on s'est engueulés. »
En effet, les deux héros de la Seconde Guerre mondiale ont deux visions radicalement opposées de l'avenir de la France : les Anglais, comme les Américains, pensent prendre en main la reconstruction du pays ; de Gaulle, alors peu connu sur la scène internationale, s'y oppose fermement.
La suite se passe de l'autre côté de la rue, à l'hôtel du Lion d'or. Les habitants de Maîche, alors soumis aux restrictions, voient défiler des poulets de Bresse, du champagne. De quoi réchauffer l'atmosphère.
Car il fait froid, ce 13 novembre 1944. Churchill, délicat, conserve sa bouillotte sous les pieds. En quittant l'établissement, sur le pas de la porte, il trébuche ; de Gaulle le rattrape de justesse. « C'est amusant, parce que les deux hommes ne peuvent pas se sentir », sourit Jose Sorribes.
Une histoire oubliée
« Beaucoup de gens qui ont participé à cette cérémonie sont revenus sur les lieux, ou ont essayé d'écrire à la mairie, pour savoir s'il y avait des photos, des souvenirs. Maintenant, ces gens-là sont disparus », se désole Michel Simonin.
De Gaulle ne parlera pas de cet épisode dans ses Mémoires. Quant à Churchill, il se trompe, et évoque une rencontre dans les Vosges. Voilà pourquoi Maîche a longtemps échappé aux radars des historiens de la Seconde Guerre mondiale.
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