"On ne se rendra pas !" : le livre plein de tendresse d'un libraire de Mulhouse pour le FC Sochaux-Montbéliard

Une collection de livres de poche propose un tour de France des clubs de foot les plus populaires en compagnie d'écrivains acquis à la cause de leur équipe. "On ne se rendra pas !" est le petit dernier de la collection. Son auteur, Alexis Weigel, parle avec tendresse de ce club ouvrier pas comme les autres.

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C'est l'histoire d'un coup de foudre. Comme ça arrive souvent dans le football. Une idylle parfois orageuse mais toujours tendre entre le FC Sochaux-Montbéliard et un jeune garçon devenu libraire mais toujours fou de foot. "On ne se rendra pas !" est un joli petit livre de 80 pages qui se dévore en à peine le temps d'une prolongation de finale de Coupe de la Ligue et qui nous fait nous rappeler toutes ces raisons qui font de Sochaux un club cher au cœur des supporters d'ici et d'ailleurs. 

Le supporter sochalien est l’archétype et la quintessence de cette France laborieuse, courageuse et silencieuse. Il est le faire-valoir et la relique d’un ancien monde, d’un football dépassé que l’on observe avec nostalgie et compassion, la tête inclinée sur l’épaule, mais qui permit des décennies durant à des villes de 25 000 habitants, parfois moins, de rappeler leur existence sur la mappemonde.

Alexis Weigel

"On ne se rendra pas !"

"Il n'a aucune prétention, ce livre. Ce n'est qu'une vision de supporter parmi tant d'autres. Je ne revendique pas une réalité universelle du supporter de club. C'est la mienne, seulement la mienne." Il nous répond depuis la librairie mulhousienne où il travaille. Alexis Weigel a 35 ans. Après des études littéraires et d'histoire, il a été professeur quelques années puis a décidé de s'exclure lui même du terrain pour retrouver les bouquins et se retrouver dans une aventure plus personnelle.   

L'éditeur de cette collection de livres sur les grands clubs de foot racontés par des écrivains qui se racontent soi-même entre les lignes cherchait un connaisseur des Jaune et Bleu. Alexis Weigel a repris de volée. Lucarne.

Un comble, pour un Alsacien. "Je ne suis pas Franc-Comtois. J'ai grandit à Niffer, à 25 bornes de Mulhouse. Mais j'ai Sochaux tout au fond de moi, explique-t-il comme on vous fait une confidence. Je n'aime plus tant le football, ou, du moins, ce qu'il est devenu, que Sochaux. Le reste ne m'intéresse que moyennement."

Cela se sent au fil des pages. D'un premier souvenir à Bonal lors d'une défaite 2 à 0 face à Fulham en Intertoto en 2002  jusqu'à ce début de saison 2022/2023 prometteur, Alexis Weigel retrace un quasi siècle d'histoires de crampons dans le pays de la "Peuge" et de souvenirs personnels.

Patrick Revelli, avec son maillot jaune et bleu et ses moustaches noires

"On ne se rendra pas !", c'est d'abord une couverture qui donne le ton. Avec une photo qui sent bon le foot des années 80. Patrick Revelli, avec son maillot jaune et bleu et ses moustaches noires, posé à la fraîche sur le capot de sa 604 Peugeot. Les crampons dans la neige. Toute la Franche-Comté en une image. 

Et c'est ce qui transpire du livre d'Alexis Weigel. Entre les souvenirs personnels, les pages sur les faits d'armes du FCSM et les réflexions sur le football moderne et ses dérives, "On ne se rendra pas !" est surtout un hommage au football ouvrier et à ses supporters. À cette petite ville dont le rythme cardiaque est calqué sur celui de Peugeot. Et à ses joueurs de foot, que le libraire croque avec tendresse, lui qui aura passé son enfance à glaner des autographes le long de la coursive du terrain d'entraînement de Chabaud. 

Sochaux, avec son vieux stade en tôle, sa piste d’athlétisme et ses sapins hauts cerclant ses tribunes maigrelettes et haillonneuses, surplombé de ses quatre pylônes projecteurs aux faisceaux de lumière fatigués, avait un aspect étrangement réconfortant pour le gamin de la campagne que j’étais, une écorce romantique et bricolée à l’arrache, sans pognon, sans strass ni paillettes, l’impression guillerette qu’Erwan Manac’h, Michaël Isabey, Maxence Flachez ou Sébastien Dallet étaient semblables à des voisins partis tâter vaillamment le cuir contre les stars marseillaises, les Köpke, Blanc, Makélélé, Dugarry, Ravanelli, ou les gloires parisiennes, Patrice Loko, Marco Simone, Paul Le Guen, Florian Maurice. Isabey, c’était le mec que tu croisais tous les jours à la supérette, en train de faire le plein à la station-service ou de tailler sa haie perché sur son escabeau, la tronche du quidam, zéro charisme, alors qu’il était en réalité l’un des plus grands orfèvres du championnat de France et rendait le double-six à n’importe quel dribbleur du pays. Dugarry, lui, était le mec de la télé, inaccessible, une créature éthérée sortie tout droit d’une galaxie lointaine, que des millions de gamins regardaient des étoiles dans les yeux.

Alexis Weigel

"On ne se rendra pas!"

"Comtois, rends-toi ! Nenni, ma foi !"

Ce livre ne va pas changer le cours de la vie d'Alexis Weigel. Ce qui ferait juste plaisir à l'auteur, c'est qu'une partie des supporters du FCSM se retrouve dans cet ouvrage. Ils ne devraient pas avoir de mal à plonger dans l'histoire des Lionceaux, tant les mots choisis par le libraire résonnent en tout Franc-Comtois. 

Il était impossible de parler du livre, sans évoquer la couverture et Revelli, d'accord, mais aussi son titre. Il est apparu comme une évidence. "Je savais que je terminerais cet ouvrage par le dicton "Comtois, rends toi ! Nenni, ma foi !" De terminer sur ce football mondialisé et sans âme qui est toujours refusé du côté de Bonal. De rendre hommage à ces supporters qui ne se sont pas rendus, quand Ledus est venu précipiter le club dans la galère. Et qui ne se rendront pas."

"On ne se rendra pas!", par Alexis Weigel. Médiapop Editions, 9€

On a demandé à l'auteur de nous faire son "Top But" des cinq matches qui l'ont marqué. Ainsi que celui auquel il aurait aimé assister. On valide ses choix.

FC Nantes - FCSM : 1-1 (4 à 5 aux t.a.b). Finale de la Coupe de la Ligue, avril 2004.

Un match médiocre mais ponctué d'un premier trophée depuis une éternité pour le FCSM et de l'un de ces gestes qui contribue à rendre singulière l'histoire d'un club (ndlr: il évoque la panenka ratée du gardien Landreau pendant la séance de tirs au but). C'est ce soir-là, pour moi (mais je pense pour beaucoup de supporters également) que Teddy Richert s'élève au rang de légende du FCSM.

FCSM - Borussia Dortmund : 4-0. 32e de finale Coupe de l'UEFA, novembre 2003.

Un chef-d'œuvre sur le terrain et une émotion partagée en tribunes hors-du-commun. La sensation que Sochaux s'installait à la table des grands et que cette équipe pourrait à l'avenir être considérée à sa juste valeur, avec la reconnaissance du travail immense à la fois autour de cette équipe construite par Jean Fernandez et renforcée par Guy Lacombe, et du centre de formation qui pourvoyait très largement ce groupe. 


FCSM - Marseille: 2-2 (5 à 4 aux t.a.b). Finale de la Coupe de France, avril 2007.

Pour l'incroyable doublé avec la Gambardella, le succès d'un club entier, pour son travail de formation et pour son groupe professionnel, et la récompense pour une équipe séduisante, dotée de belles individualités parfaitement accordées par Alain Perrin, et qui semblait ressusciter après deux années plus pénibles. Et puis, encore une fois, Teddy Richert qui finissait de s'inscrire comme l'un des joueurs les plus essentiels passés par le club. 


FCSM - Evian: 0-3. 38e journée de Ligue 1, mai 2014.

Comme pire souvenir, presque une évidence, difficile à venir challenger dans cette catégorie. Un match qui rappelle la dimension hautement imprévisible et dramaturgique du football, mais aussi la fragilité de clubs comme le FCSM qui évoluent en permanence sur une corde raide, les conséquences de la chute étant durables et s'éternisant encore aujourd'hui, et ceci sans prendre en compte ce qu'elle a révélé des coulisses.


FCSM - RC Strasbourg: 3-0. 7e journée de Ligue 1, septembre 2003.

D'un point de vue strictement sportif, certainement la meilleure mi-temps sochalienne qu'il m'a été donné de voir en terme de jeu. Un récital Frau-Santos-Isabey-Oruma parfaitement huilé dont je me souviens particulièrement, d'autant que le Racing est un adversaire singulier pour moi, l'Alsacien.

Le match auquel il aurait aimé assister :


FCSM - Eintracht Francfort: 2-0 . 8e de finale retour de la Coupe de l'UEFA, décembre 1980.

J'en entends tant parler, il semble être le Sochaux-Dortmund de la génération qui me précède, respire bon un football dont je suis nostalgique sans même vraiment l'avoir connu, celui des tignasses et des moustaches, des shorts cintrés, des coachs en imper, des tribunes ouvertes aux quatre vents, un match qui me paraît le miroir de l'ADN sochalien, l'alliage entre un territoire, des valeurs aujourd'hui désuètes et une exigence en terme de football. 

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