Le directeur général du FCSM Pierre Wantiez fait le point pour France 3 Franche-Comté sur la situation du club sochalien, après une incroyable mobilisation collective cet été. Six millions manquent toujours dans les caisses. Des licenciements vont avoir lieu. Entretien.
France 3 Franche-Comté : Vous avez parlé récemment d'un trou de six millions d'euros encore à combler dans les caisses du FC Sochaux-Montbéliard. Qu'en est-il ?
Pierre Wantiez, directeur général : Quand on a commencé à s'attaquer au sujet du club, tous ceux qui voulaient le sauver, on s'est rendu compte que le trou était immense. On l'avait estimé à 23 millions. Aujourd'hui, on considère pouvoir économiser sur les trois prochaines années, 6 à 7 millions d'euros. On a commencé évidemment. Cela ramène le déficit à 16 millions. Aujourd'hui, les apports réalisés ou en cours de réalisation, investisseurs privés, association Sociochaux, collectivités territoriales, peu importe l'ordre, les trois sont importants, s'élèvent à 10 millions d'euros. Mécaniquement, 16 moins 10 égale six, voilà. Évidemment, on va essayer de les réduire, mais on a trois obligations, c'est d'assurer la pérennité économique et sportive. D'assurer la compétitivité de l'équipe professionnelle, et dans un avenir à plus long terme assurer la viabilité du centre de formation. On identifie la somme de 6 millions d'euros pour continuer à vivre, sans marge de manœuvre et sans confort. C'est juste pour continuer à vivre. Ce n'est pas tombé du ciel, on a fait un audit des comptes. Il n'y a pas de millions inconnus. Les gens qui nous ont suivi cet été, avec Jean-Claude Plessis (ndlr, le président), l'ont fait quelque part à la confiance, sans avoir le détail des comptes. Ils ont été courageux, tous. Donc c'est important de rassurer tout le monde, mais de dire aussi que le sauvetage du club aujourd'hui est plutôt en bonne voie, que la situation est bien meilleure, mais qu'on n'a pas gagné encore. Il reste du chemin.
Ces six millions, comment allez-vous procéder pour les trouver ?
Il y a différentes façons. Il y a celle de réduire au maximum les charges. Mais à un moment donné, si vous êtes déjà tellement descendus que vous attaquez le bon fonctionnement du club, ce n'est pas possible ; vous attaquez la compétitivité de l'équipe, ça n'est pas envisageable et si c'est pour supprimer toute attractivité au centre de formation, cela n'a pas de sens non plus. Il y a des éléments en dessous desquels on ne peut pas descendre. Après, vous avez essentiellement le fait d'augmenter nos recettes. Cela passe par des partenariats, mais il faut être conscient que cette année, le club de Sochaux a des partenariats extérieurs très significatifs pour un club de National. Cela correspond à l'histoire du club, à l'impact qu'il avait sur le territoire et à la volonté qu'ont les gens de nous soutenir. Je ne sais pas si les partenaires du club, aujourd'hui, nous soutiendront pendant 2 ou 3 ans avec la même énergie que cet été. Je prends l'exemple des Sociochaux, qui ont fait un truc incroyable, si on y réfléchit. Les Sociochaux ne peuvent pas mobiliser presque 800 000 euros tous les ans. II faut qu'on trouve d'autres solutions. On sait qu'on aura encore besoin des investisseurs privés. Certains ont déjà dit qu'ils répondraient présents s'il y avait besoin de renouveler leur apport. Nous avons aussi besoin, il faut le dire clairement, du soutien des collectivités locales. Moi, j'entends qu'il n'y a pas que le FC Sochaux-Montbéliard sur le territoire et dans la région, mais on en aura encore besoin, forcément.
"Est-ce que le club se sépare de 8, 9 ou 10 salariés aujourd'hui, ou est-ce qu'on en perd 160 dans un an ?"
Pierre Wantiez, directeur du FCSM
Cela passera-t-il aussi par des licenciements ?
Cela passera par, oui. C'est un sujet très sensible et je l'entends. Parce qu'au-delà de la situation des comptes du club, il y a des situations individuelles. Je vais redire quelque chose que j'ai déjà dit et qui peut paraître brutal, mais le choix qu'on a maintenant, c'est : est-ce que le club se sépare de 8, 9 ou 10 salariés aujourd'hui ou est-ce qu'on en perd 160 dans un an ? Pour ceux qui seront concernés, c'est violent. C'est violent. C'est parfois totalement immérité. Des gens peuvent se retrouver concernés tout simplement parce que la situation du club nous oblige à faire des arbitrages. Et ces arbitrages font que ce sont eux les victimes. Ce seront des licenciements pour motif économique. Cela ne vise pas des personnes pour des défauts de compétences, mais des postes, pour des questions de réorganisation. On entend bien que ce soit humainement douloureux et injuste, mais le club n'a pas le choix aujourd'hui. On ne peut pas dire qu'on a besoin d'argent sans faire d'économie. On est dans cette situation aujourd'hui. Avec un élément important, c'est que 75% de la masse salariale est engagée avec des contrats à durée déterminée. Qu'on ne peut pas rompre. La seule marge d'action est sur les contrats à durée indéterminée. Je le dis très très clairement, même si ça déplait, le club a vécu comme un club de milliardaires. Tout cela a créé des charges.
Il y aura donc un plan de licenciements ?
On s'est donné un peu de temps. Le sauvetage du club n'a que deux mois et quelques jours, je le rappelle. On ne voulait pas arriver avec nos idées préconçues. On a quitté le club avec Jean-Claude Plessis en 2008. Il s'en est passé des choses depuis. On voulait voir comment ça fonctionnait. On voulait savoir qui faisait quoi et qui était absolument incontournable dans le club. On va passer par une procédure obligatoire. Nous allons rencontrer le CSE (ndlr, comité social et économique), que je rencontre de toutes façons régulièrement et on va leur exposer la situation économique du club. Il pourra y avoir des départs volontaires. Des activités ne pourront pas être touchées. Si demain un cuisinier nous demandait de partir, on lui dirait non, car des cuisiniers, il n'y en a pas trop et on sert énormément de repas au centre de formation. Il faudra qu'on trouve la bonne solution entre les postes qu'on peut supprimer et les gens qui voudraient partir, mais qui sont sur des postes qu'on ne va pas supprimer. C'est une étape obligatoire. Après, la procédure suivra son cours. On va essayer de la faire la plus propre et la plus rapide possible. Rapide, pas pour se débarrasser du sujet, mais parce que cela a un côté supplice dans l'entreprise.
"Il n'y a pas aujourd'hui de liste arrêtée des départs".
Pierre Wantiez, directeur général du FCSM
Quelles seront les modalités de départ ?
Il y a ce que prévoit la convention collective. Elle est favorable aux salariés et c'est très bien comme ça. On n'est pas dans le cadre d'un Plan de sauvegarde de l'emploi. Aujourd'hui, on va essayer de ne pas y recourir, car si on devait supprimer 25 postes au FCSM, on ne pourrait plus fonctionner. Il faut comprendre que si on supprime des postes, cela nous contraint pour les remplacements futurs. Il y a des départs qui seront compliqués en termes d’organisation. Il y aura peut-être plus de travail personnel, des missions sur lesquelles on devra faire l'impasse. Ce sera inévitable.
Quels sont les atouts du FC Sochaux-Montbéliard pour réussir ?
Les atouts tiennent à l'adhésion qu'il y a autour du club. Avec 48 actionnaires au club, l'unanimité n'existe plus. Si on commence à chacun vouloir jouer sa partition personnelle, la musique ne sera pas bonne. Chacun devra comprendre qu'il y a des axes, certains pensent qu'il faut aller plus loin, plus fort, se séparer de plus de monde, d'autres pensent qu'on devrait éviter de toucher aux salariés. On prendra les décisions qu'on estime devoir prendre. La force du club aujourd'hui, très clairement, c'est l'énergie du désespoir. Si chacun n'est pas capable de comprendre que le club n'est pas sauvé, il est en rémission et qu'il faut prendre des mesures pour le sauver. Si on n'est pas capable de comprendre ça... J'ai entendu des gens dire cet été que si le club n'était pas mort, il ne mourra jamais, qu'il y aura toujours des gens pour venir le sauver. Ce n'est pas vrai. Cela ne pourra pas se reproduire. On est en phase de rémission. On est en bien meilleure santé, mais on a encore du travail à faire. La comparaison vaut ce qu'elle vaut, mais on est comme un malade qui arrêterait de prendre ses médicaments en pensant qu'il est guéri. C'est rarement la meilleure façon de se soigner.
– Entretien réalisé par Sarah Francesconi et Rémy Poirot –