Chaque 10 novembre a lieu en France la journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire. L'occasion pour France 3 Franche-Comté de donner la parole à des professionnels et notamment à l'association Tinternet & cie qui oeuvre contre le cyberharcèlement en milieu scolaire.
Selon les chiffres du ministère de l'Éducation Nationale, au collège, 5,6 % d’élèves sont victimes de harcèlement scolaire ; au lycée, ce chiffre est de 1,3 %. Selon un deuxième chiffre cité par le Sénat, 6% des élèves pourraient en être victimes. Si au fil des années, on ne note pas d'augmentation des statistiques du harcèlement ou des "microviolences" scolaires, elles sont néanmoins constantes. Le harcèlement scolaire touche tous les milieux sociaux et peut donc avoir lieu dans tous les établissements.
Cécile Beisser Voignier, est "référente harcèlement scolaire" au rectorat de Besançon. "Beaucoup de faits ne sont pas remontés au niveau du rectorat car ils sont traités en interne, au sein même des établissements, nous explique-t-elle. Ceux qui remontent au niveau académique sont ceux pour lesquels les familles ont besoin d'aller plus loin dans l'accompagnement. Parfois on a aussi des situations qui nécessitent l'intervention d'autres professionnels comme des psychologues".
Elle cite notamment un dispositif mis en place dans la grande majorité des établissements du second degré : "les ambassadeurs contre le harcèlement". Des élèves sont, sur la base du volontariat, en charge d'offrir une écoute à leur camarade à ce sujet. Ils sont formés au repérage des situations de harcèlement et capables d’agir en lanceur d’alertes pour briser l'isolement des élèves victimes. "Des fois, ils s'agit d'élèves qui ont pu être auteur, victime ou témoin. L'ambassadeur ce n'est pas une balance, il va conseiller l'élève. Il va avoir une connaissance plus fine de la question du harcèlement". Le programme pHARE est également en place depuis 2021, appuie Cécile Beisser Voignier.
La référente rappelle l'importance d'agir sur la sensibilisation, la prévention mais aussi la formation de tous les acteurs de la "chaîne" éducative.
Le cyberharcèlement, "une antenne du harcèlement scolaire"
Avec l’utilisation permanente des nouvelles technologies de communication (smartphones et réseaux sociaux), le harcèlement entre élèves se poursuit de nos jours en dehors de l’enceinte des établissements scolaires. On parle alors de cyberharcèlement.
"Le harcèlement peut sortir de la classe et sortir de l'établissement. L'éducation aux médias, le travail autour des réseaux sociaux sont primordiaux. Le cyberharcèlement est une antenne du harcèlement, les problématiques sont les mêmes mais le harcèlement est dématérialisé", détaille Cécile Beisser Voignier, du rectorat de Besançon.
L'association Tinternet & cie, installée à Besançon, est spécialisée dans la prévention des risques liés à l'utilisation des outils numériques. Depuis le début de l'année, la structure créée en 2017, a effectué environ 150 interventions en milieu scolaire. Elle reçoit de plus en plus de sollicitations pour intervenir dans les établissements de la région sur le thème du cyberharcèlement.
"Les établissements se rendent compte des problématiques", nous explique Manon Suchet, coordinatrice de l'association et intervenante sur le thème du cyberharcèlement. "Concrètement, on va avoir des cas de cyberharcèlement dans des groupes de discussion créés par des élèves, sur Whatsapp par exemple. Il peut y avoir une déferlante de violence, ou ça peut être aussi la diffusion de photomontages, des moqueries... L'autre type de cyberharcèlement concerne la diffusion de nudes (ndlr, photos dénudées). Là, ce sont les jeunes filles qui en sont principalement victimes", détaille-t-elle.
Tinternet & Cie intervient dans différentes structures, mais plus particulièrement dans les collèges de Franche-Comté, auprès d'élèves qui ont entre 12 et 15 ans. "Les personnels des établissements peuvent se sentir dépassés par ces questions-là, et surtout sur ce qui est lié au numérique. Beaucoup de choses sont mises en place sur le harcèlement, mais souvent, le harcèlement scolaire entraîne du cyberharcèlement. Dans ce cas, ça prend une ampleur qui n'est absolument pas maîtrisée sur internet et c'est ce dont on parle en interventions", explique la référente associative.
À chacune de ses interventions, un ou une élève se confie sur le cyberharcèlement dont il ou elle a été victime. "C'est hyper intéressant, car on parle d'expérience personnelle à ce moment-là", détaille Manon Suchet, qui rappelle l'importance de créer un espace de libre expression et de confiance avec les plus jeunes. Les intervenants développent notamment des outils d'éducation populaire, des contenus ludiques et immersifs pour les adolescents, afin de favoriser "des espaces de liberté de parole". "Nous questionnons les positions de harceleur, témoin et victime avec les jeunes, en essayant de définir la manière dont on peut agir, et les solutions".
C'est très important de ne pas diaboliser les réseaux sociaux. Il faut donner des clés de compréhension.
Manon Suchet, coordinatrice de l'association Tinternet & cie
"On passe beaucoup de temps à questionner les discriminations, car le harcèlement est très lié à ces enjeux. Les élèves ont plein de choses à dire. Ils savent très bien de quoi on parle, note-t-elle. On essaie d'inscrire nos interventions dans un projet global avec les structures éducatives. C'est important aussi de former les adultes à cette question. C'est ce qu'on essaie de porter à Tinternet & cie."
Manon Suchet souligne également l'importance de la prise de conscience politique des enjeux entourant ces questions, "pour permettre de faciliter notre approche d'intervention".
Les réflexes à adopter face au harcèlement scolaire
Tous les professionnels du secteur s'accordent sur un point. "Si vous êtes victime ou témoin, parlez-en à un adulte, à quelqu'un de confiance dans l'établissement scolaire pour que la situation puisse être prise en compte", nous explique-t-on.
"Le rôle de l'ami aussi est important. Il existe des démarches assez rapides que les jeunes peuvent mettre en place dans le cas de cyberharcèlement, comme bloquer la personne sur le réseau social et signaler le contenu à la plateforme", ajoute la coordinatrice de l'association Tinternet & cie.
Des numéros d'écoute sont également disponibles pour les adolescents. Le 3020, est un numéro gratuit pour signaler le harcèlement à l'école. Le 3018 est également gratuit et permet de parler de faits de cyberharcèlement, revenge porn, chantage à la webcam, usurpation d’identité, violences à caractère sexiste ou sexuel ou encore exposition à des contenus violents. Une application smartphone est également disponible.