TÉMOIGNAGES. Coming out : “J’ai tout dit à ma mère, puis j’ai disparu dans ma chambre à la vitesse de l’éclair”

Publié le Écrit par Sophie Courageot

Le 11 octobre est la journée internationale du coming out. Une journée destinée à mettre en avant les personnes LGBTQIA+ et à encourager ces dernières à dévoiler leur orientation sexuelle ou une identité de genre. Tiré de l'anglicisme “coming out of the closet” ou “sortir du placard” ce moment peut parfois être simple ou douloureux. Celles et ceux qui l’ont vécu nous le racontent.

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L’avant coming out était franchement horrible comme sensation, mais l’après était un vrai soulagement.

Ambre, 34 ans

Ambre vit dans le Territoire de Belfort. Elle est aujourd’hui mariée et envisage de fonder une famille avec sa compagne. Voilà une dizaine d’années que cette jeune femme de 34 ans a annoncé son homosexualité à sa famille.

“Tout le monde était au courant parmi mes ami(e)s, certains devaient s’en douter dans ma famille, même mes parents, mais quand je me suis lancée officiellement, c’est à ma mère que je l’ai annoncé. Je me suis décidée parce que j’avais enfin une petite amie avec qui c’était du sérieux. Et comme c’était une relation à distance, on avait décidé de se rejoindre à Paris pour passer plusieurs semaines de vacances. J’avais donc deux choses à annoncer à mes parents : mon homosexualité et mon départ de la maison en totale indépendance ! J’avais déjà pris mon billet de train depuis plusieurs jours et je repoussais toujours le moment fatidique tellement je réfléchissais à la manière d’annoncer les choses. Ça a duré trois jours d’hésitation, à tourner en rond, à me dire « allez je me lance, ce n'est rien » et à finalement remettre au lendemain. Puis j’ai fini par lâcher les morceaux parce que ma mère avait bien remarqué que j’étais « bizarre » depuis un moment. Je lui ai montré mon billet de train, je lui ai dit que j’allais rejoindre ma copine. Elle m’a demandé « une amie ou ta copine ? ». J’ai répondu « ma copine ». Elle m’a demandé son prénom et depuis combien de temps on se fréquentait. J’ai répondu à ses questions, elle m’a dit que mon père et elle s’en doutaient un peu, et qu’elle l’expliquerait elle-même à mon père. Je lui ai promis de lui donner l’adresse du lieu de notre séjour etc, et ensuite, j’ai disparu dans ma chambre à la vitesse de l’éclair” se souvient encore Ambre.

“L’avant coming out était franchement horrible comme sensation, mais l’après était un vrai soulagement. Je me suis dit « tout ça pour ça ? ». Ce n’est pas comme si je craignais que mes parents me mettent à la porte en apprenant la nouvelle, mais j’avais une telle peur que je m’étais fait tous les films possibles et imaginables, alors qu’au final, c’est passé comme une lettre à la poste.

"Si vous recevez un coming out d'un proche, surtout, laissez le parler jusqu'au bout, car ce n'est pas facile”

Christian a fait son coming out à l’âge de 60 ans. Il était alors marié depuis de nombreuses années et père d’un enfant. “Cela s’est plutôt bien passé. Quelques amis m'ont délibérément tourné le dos, mais tous les autres ont accueilli ma nouvelle vie et mon compagnon” témoigne ce Bourguignon. Parmi ses proches, les regards sur son homosexualité dévoilée ont été différents. “L’un de mes frères m’a dit qu’il ne souhaitait que mon bonheur. Mes neveux et nièces et leurs enfants ont eu des réactions très positives” ajoute-t-il.

Pas toujours facile de trouver les mots pour annoncer un changement d’orientation sexuelle. Christian s’en souvient. “Si vous recevez un coming out d'un proche, surtout, laissez le parler jusqu'au bout, car ce n'est pas facile ! Une personne en qui j'avais toute confiance a glissé au moment où je voulais tout lui dire et que je reprenais juste mon souffle pour continuer “Trop contente que tu refasses ta vie ! J'espère que tu nous présenteras ta compagne ou ton compagnon, il faut s'attendre à tout de nos jours !" “Loin de faciliter l'aveu, cela m'a bloqué complètement et je suis reparti en les laissant convaincus que j'avais une compagne” se souvient Christian. Homosexuel, il assume complétement aujourd’hui. Et tant pis pour les réactions de rejet. En ce qui me concerne, je me suis inspiré de la philosophie de mon ami à savoir “la réaction des autres leur appartient". Même si c'est triste de ne plus voir certaines personnes, ça ne me fera pas changer le cours de ma vie". Sage, Christian a bien conscience qu’en matière de coming out, aucune expérience n'est transposable à un autre car “nous sommes TOUS différents, aussi bien ceux qui font le coming out que ceux qui le reçoivent”.

"Pour ma grand-mère, le plus important était que je sois heureux"

Anthony, 24 ans a d’abord eu une relation avec une femme pendant trois ans. "Le premier coming out a été vis-à-vis de moi-même. Ce fut assurément le plus difficile, notamment parce qu'accepter cette différence éloigne des voies traditionnelles, tracées par les autres et finalement assimilées. Une fois l'acceptation faite en 2019, en parallèle de fréquenter un homme, j'en ai parlé à ma cousine, personne qui allait l'accepter sans difficulté et envers qui j'avais confiance. Puis, tout en prenant mon temps, j'ai ressenti peu à peu le besoin de le dire à tous mes proches. J'ai commencé par en informer ma mère par SMS. Puis, après avoir fait une liste des personnes à qui je voulais faire mon coming out, je me suis fixé des objectifs. Je devais avoir une quinzaine de personnes sur ma liste. Chaque mois, je voulais en parler à trois/quatre personnes, en allant vers des personnes qui allaient l'accepter le plus facilement, à celles qui auraient le plus de difficulté. J'ai mis quatre mois pour achever la liste. La dernière personne de cette liste était mon père. À mes yeux, il était impossible qu'il l'accepte. Un soir de septembre 2019, alors que j'étais au théâtre Ledoux, je lui ai envoyé un SMS. J'ai aussitôt coupé mon portable pour ne le rouvrir qu'après la représentation. La surprise a été totale parce que la personne qui selon moi le prendrait le plus mal, le prit le mieux" se souvient cet habitant de Besançon.

"Les réactions ont été différentes d'une personne à une autre, mais relativement positives. Ma mère m'a dit que cela ne changerait rien, que je resterais son fils. Pour ma petite sœur, c'était un non-événement. Pour mon petit frère, il m'a plutôt reproché de lui en avoir parlé dans les derniers. Quant à ma grand-mère, qui a évolué dans une société où l'homosexualité était considérée comme une maladie mentale jusqu'en 1990 par l'OMS, j'aurais compris qu'elle ne comprenne pas. Que je sois heureux importait toutefois plus à ses yeux."

Finalement pour Anthony, le coming out a été un soulagement. 

De mon point de vue, il est difficile de vivre et de s'épanouir contre soi-même. Il était donc primordial que je l'accepte. L'orientation sexuelle n'est pas un choix. Un homosexuel ne doit pas assumer le fait d'être attiré par une personne du même sexe, au même titre qu'un hétérosexuel ne doit pas assumer le fait d'être attiré par le sexe opposé.

Anthony

Pour Alexandre*, 36 ans, être gay en 2022, est encore difficile


Ce jeune homme originaire de Haute-Saône a lui aussi annoncé son homosexualité à ses proches à l’âge de 32 ans, après avoir un peu hésité forcément avant de le faire. “J’en ai parlé à ma famille avec l’aide d’une amie. Cela s’est plutôt bien passé. C’est un peu difficile sur le moment, mais après ça soulage quand même” dit-il lui aussi. “Être gay en 2022, je trouve encore ça difficile, car certaines personnes ne nous aiment pas. S’afficher dans la rue est difficile malgré mes convictions” avoue-t-il.

Faire son coming out, les conseils d’une psychologue


Qu’on soit un adulte ou adolescent, l’annonce d’un coming out est toujours un moment délicat.

Margaux Maréchal, originaire du Jura est psychologue à Lyon, elle est spécialisée dans l'accompagnement de la communauté LGBTQIA+. Elle reçoit régulièrement depuis 2019 dans son cabinet des personnes qui sont sur le point de dévoiler leur homosexualité, voire une transition de genre à leurs proches. “Il n’y a pas de bon moment pour faire son coming out estime la psychologue clinicienne et psychothérapeute. “Je pense qu’il faut en revanche être entouré, par des amis, par des associations, par des personnes qui vivent cette même situation”. La psychologue va préparer au mieux avec son patient le coming out, préparer la personne à recevoir la réaction des proches.

Selon elle, la moitié des annonces de coming out se passe bien, l’autre moitié, ce n’est pas le cas.  

La réaction des proches est parfois le reflet de leur peur concernant votre sécurité dans un monde qui n’est pas toujours bienveillant vis-à-vis des différences. Rassurez-vous, le temps fait son œuvre et petit à petit, voyant leur enfant s’épanouir dans la transition, les parents acceptent et accompagnent.

Margaux Maréchal, psychologue clinicienne et psychothérapeute spécialisée LGBTQIA+

Le coming out, ce moment délicat qui touche à l’intime


“Le coming out concernant l’orientation sexuelle est redouté car il concerne la sphère intime des individus, à savoir la sexualité. En étant out, on autorise inconsciemment l’autre à porter un jugement sur ses mœurs et ce qui se passe dans son lit. Aucun(e) hétérosexuel(le) ne se voit dans l’obligation de révéler ses préférences en termes de pratique sexuelle à son entourage. C’est pourtant bien ce qui se joue lors du coming out d’orientation" explique la psychologue.

"Concernant le coming out trans, il s’agit d’un sujet plus vaste. L’annonce ne se fait que lorsque la personne est absolument sûre de son choix de transitionner. C’est pourquoi la peur se trouve dans la non-acceptation de l’entourage de ce choix qui mènera à plus ou moins long terme à une rupture du lien.

Quand un coming out se passe mal, quel est le risque de “traumatisme” qui s’en suit ?


“Nous sommes éduqués selon le principe de l’amour parental inconditionnel. Un coming out où les proches réagissent mal, remet en question ce principe, ce qui sous-tend un sentiment de solitude, d’exclusion et d’anormalité. Si mes parents ne m’acceptent pas tel(le) que je suis, qui le fera ? »
Suite à un coming out qui s’est « mal passé », certains évoquent des idées noires, des pensées suicidaires. Cela peut être particulièrement violent. C’est pourquoi il est important à ce jour d’éduquer la société à ce changement afin d’éviter d’infliger un tel mal-être aux personnes out" estime Margaux Maréchal qui reçoit des jeunes de 18 ans à 35 ans.

Est-ce plus facile aujourd’hui d’annoncer une orientation sexuelle ou un changement de genre ?


Pour la psychologue, les choses avancent. "Nous avons la chance à ce jour de constater que l’orientation sexuelle est de moins en moins sujette à controverse ; assumée au-devant de la scène dans des séries, films, publicités, magazine… La bisexualité, l’homosexualité, l’asexualité sont aujourd’hui représentés et permettent aux individus de s’identifier et normaliser à juste titre leurs attirances. Pour les familles, cela semble plus « facile » à comprendre qu’auparavant."


"Concernant la transition de genre, cela semble encore difficile pour de nombreuses raisons. Majoritairement, les sphères amicales et professionnelles semblent s’adapter rapidement au nouveau prénom et pronom. Concernant la famille, cette dernière nécessite également une période de transition avant d’entrevoir une acceptation. Durant cette période, une opposition passive peut voir le jour (mégenrage, utilisation du deadname (ancien prénom, ndlr ). Cette opposition est violente puisqu’elle majore le risque de dysphorie de genre. Par la suite, les changements physiques en lien avec la prise d’hormones ou les opérations (mastectomie, hystérectomie, vaginoplastie, phalloplastie…) peuvent être également difficiles à accepter pour l’entourage y voyant un changement irrémédiable. Il en est de même pour le changement d’état-civil" conclut-elle. 

* Le prénom a été modifié.

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