Florent Sanseigne, directeur du No Logo Festival, a répondu à nos questions avant le lancement de la 6ème édition du festival jurassien, à Fraisans, du 10 au 12 août. INTERVIEW.
Florent Sanseigne et son équipe sont les chefs d'orchestre du No Logo Festival de Fraisans, qui a lieu dans le Jura du 10 au 12 août. En quelques années, le petit festival est devenu grand et s'est imposé dans le paysage des meilleurs festivals reggae d'Europe. Au-delà de la qualité de la programmation, ce qui attire les gens au No Logo Festival, ce sont les valeurs véhiculées durant trois jours. "On veut que le festival appartienne à nos festivaliers. C'est grâce à la culture qu'on va se rapprocher" nous a confié le jeune Franc-Comtois, directeur du No Logo Festival.
France 3 Franche-Comté : Pouvez-vous nous raconter un peu l'histoire de ce festival ?
Florent Sanseigne : Nous avons créé le festival en 2013. On a eu 9500 entrées par jour sur deux jours, on ne s'y attendait pas. C'était la grosse surprise. On a voulu créer un festival autonome, sans subvention, sans acteurs privés, pour montrer aux gens que cela est possible. On a choisi le nom No Logo, en référence au livre de Naomi Klein, qui traite d'altermondialisme. Il y a eu un engouement dès la première année.
Quelle place a le festivalier au No Logo Festival ?
Ce sont les festivaliers qui choisissent beaucoup de choses. On les sollicite chaque année. Nous travaillons avec l'université de Belfort-Montbéliard pour la diffusion de questionnaires de satisfaction. On reçoit chaque année environ 3000 réponses. Impact écologique, temps d'attente, propreté, nourriture, communication... Tout est passé au crible. On analyse tout et on essaie d'améliorer chaque année les choses, pour les visiteurs. On les considère comme acteurs et non comme de simples festivaliers. Ils votent et ils nous donnent même des noms d'artistes. On essaie de tendre un maximum vers ce qu'ils veulent.
"Le pari tient avec des bouts de ficelle"
Comment réussissez-vous à attirer de tels artistes à Fraisans, dans le Jura ?
Je bosse dans la musique et particulièrement dans le reggae depuis 2005. J'ai un bon carnet d'adresses. On se connaît tous et on s'apprécie. C'est une grande famille, donc on fait tourner les contacts. Il y a des artistes qui viennent car le projet No Logo leur plaît. Mais désormais, il est plus difficile de négocier avec les groupes, car nous sommes en concurrence avec d'autres festivals européens. En France, on fait partie des trois gros festivals reggae donc les artistes veulent venir jouer au No Logo, car c'est une belle date pour leur tournée. Si on prend le cas de Fat Freddys Drop, c'est l'une de ses deux seules dates en France. C'est génial !
Parlez-nous de votre modèle économique.
A l'heure à laquelle je vous parle, à J-3 de l'ouverture du festival, on doit avoir 35 000 préventes. Si nous n'arrivons pas à 42 000 entrées, c'est foutu. Il n'y a aucune rentabilité à l'année sur ce projet, c'est là que c'est compliqué. Chaque dépense est pesée. Ce sont les festivaliers qui nous font vivre. On finance avec les entrées, les ventes des bars, le marchandising. C'est une utopie. Le pari tient avec des bouts de ficelle. Tous les ans, on repart de zéro. On a du mal à avoir une visibilité sur le long terme. Nous avons aussi des partenariats avec trois associations du coin, pour les parkings par exemple. On veut travailler avec les gens d'ici car nous sommes fiers de la Franche-Comté.
Quelles sont les nouveautés cette année ?
Comme je vous le disais, on s'attache à prendre en compte l'avis de nos visiteurs. Alors cette année, on a ajouté des toilettes et des douches, pour améliorer l'hygiène sur le site. On a également mis en place une troisième scène au camping, qui accueillera environ 10 000 personnes.
"On se prend la tête pour ça"
Les coups de la sécurité sur les festivals augmentent chaque année. Comment gérez vous cette question ?
Cette année, on nous a demandé de payer beaucoup plus cher pour notre convention de gendarmerie. Nous l'avions déjà car nous sommes indépendants. J'ai refusé. Nous sommes à 100 000 euros HT de frais de sécurité. Nous n'avons jamais eu de soucis au No Logo Festival, jamais une bagarre par exemple. C'est important de sécuriser un événement comme celui-là, mais désormais j'ai l'impression que la volonté est de restreindre le nombre de festivals à une trentaine en France, avec souvent des entrées qui coûtent la peau des fesses. Ce qui est grave là-dedans, c'est qu'ils sont en train de privatiser les événements culturels. Cela favorise les festivals qui ne font pas de culture mais qui font de l'argent.
Pouvez-nous parler de la dimension écolo du No Logo ?
On tend depuis le début à réduire un maximum l'impact écologique du festival. On produit 25 tonnes de déchets. Quand tu vois le réchauffement climatique, tout ça, on doit être propre, et on doit tendre vers quelque chose d'écologique. On ne fait pas tout bien, mais en tout cas on se prend la tête pour ça. On trie 100% de nos déchets. On sensibilise beaucoup là-dessus. On met aussi plein de navettes en place, car on aimerait que les gens ne viennent plus en voiture. On a une grosse équipe écolo. Ils sont 25 personnes à s'occuper de ça. On n'est pas les meilleurs, mais on se questionne toujours sur cet impact avant de prendre une décision.
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