Des représentants du Secours catholique, d’Agir ensemble contre le chômage et de la Croix-Rouge regrettent l’annonce de cette nouvelle réforme. Selon eux, cela ne ferra qu’aggraver la situation. Les demandeurs d’emplois se retrouveront dans une situation de plus grande précarité.
“Le déficit ne peut pas être la raison pour chercher de l’argent partout”, tranche Antoine Aumonier, délégué du Secours catholique de Franche-Comté, à propos de l’annonce du Premier ministre, Gabriel Attal, faite mercredi 27 mars 2024 dans le 20h de TF1, sur une possible nouvelle réforme de l’assurance-chômage.
L’objectif affiché : combler le déficit public par le plein-emploi. Cette réforme, qui devrait entrer en vigueur à l’automne 2024, pourrait s’appuyer sur la réduction de la durée d’indemnisation de 18 à 12 mois maximum. Le budget de l’assurance-chômage s’élève à 45 milliards d’euros chaque année.
"Ils font un travail énorme et invisible"
Pour le Secours catholique, l’annonce de cette réforme ne présage rien de bon : “L’inquiétude qu’on peut avoir, nous, c’est le regard porté sur ces personnes, car si on réduit leur temps d’indemnisation, c'est parce qu’on pense qu’ils l’utilisent mal”. Antoine Aumonier juge même ce projet de réforme peu efficace : “Si l’obligation du gouvernement, c'est de remettre les gens au travail rapidement, il vaut mieux mettre du budget dans l’accompagnement des personnes plutôt que de réduire leur temps d’indemnisation”.
Le niveau de vie médian des chômeurs accompagnés par le Secours catholique est très faible : 618€ par mois pour les chômeurs indemnisés et 519€ pour les chômeurs non indemnisés.
Antoine Aumonier, délégué du Secours catholique de Franche-Comté
Ne pas travailler ne signifie pas pour autant être inactif. “Que ce soit les demandeurs d’emploi ou les personnes en situation de précarité, ils font un travail énorme et invisible", explique le délégué du Secours catholique.
"Ils font souvent face à des problèmes de mobilité et n’ont pas les moyens de se rendre chez les employeurs. Certains n’ont pas les moyens de se rendre à leurs entretiens, car ils ont des problèmes de santé et des rendez-vous médicaux. Ils ont parfois des personnes qu’ils aident dans leur entourage, ils peuvent aussi être tributaires des horaires de distributions alimentaires” énumère-t-il.
Le Secours catholique a publié le 13 octobre 2023 un rapport, Un boulot de dingue, qui met l’accent sur toute la partie cachée des efforts et de l’énergie que ces personnes doivent déployer pour s’assurer une vie digne.
C’est pourquoi le délégué du Secours catholique prône plutôt un accompagnement global et personnalisé. Et pour la question du déficit public à combler, Antoine Aumonier a une solution toute trouvée : “Il vaut mieux chercher [l’argent] là où il est abondant plutôt que là où les gens ont le plus besoin d’aide”.
On plaide pour qu’avant de se lancer dans des réformes comme celles-ci, on se mette à l’écoute des demandeurs d’emplois, des personnes concernées.
Antoine Aumonier, délégué du Secours catholique de Franche-Comté.
Alain Tamboloni, président de l’association Agir ensemble contre le chômage à Besançon (Doubs), se dit révolté : “Pour nous, ce n’est vraiment pas acceptable, car parmi les chômeurs, certains ont de très petits revenus. Certains touchent 600 euros de droit au chômage”. D’après lui, ce gouvernement “c’est le contraire de Robin des bois, il prend aux pauvres pour donner aux riches”. Il ajoute : “Il veut supprimer l’ASS [allocation spécifique de solidarité] pour qu’ils tombent au RSA [revenu de solidarité active]”.
42, 6 % des demandeurs d'emploi touchent leur indemnité
Le président de l’association anticipe déjà des actions : “On va sûrement faire des occupations”. Mais il ne se fait pas d’illusions : “Regardez, les manifestations pour [la réforme des] retraites, les Français s’étaient bien exprimés, mais ça s’était bien fait quand même. On a affaire à des comédiens malfaisants”.
Patrick Boccara, président de la Croix-Rouge du Doubs, ne voit que trop bien les conséquences de la mise en application de cette réforme : “Ça va probablement augmenter la quantité de personnes en situation de précarité et on va se retrouver avec plus de bénéficiaires des services sociaux et de l’aide alimentaire”.
Au troisième trimestre 2023, sur 6,1 millions de demandeurs d’emploi inscrits à France Travail (toutes catégories confondues), seuls 2,6 millions étaient indemnisés (42,6 %) selon les données de l’Unédic. Le montant moyen de l’allocation est de 1 033 euros nets par mois.
Cette réforme sera la troisième révision de l’assurance-chômage en six ans, faisant suite à deux réformes contestées en 2019 et 2023. Celles-ci avaient globalement augmenté la durée de cotisation et réduit les indemnités.