Haute-Saône : à 70 ans, un médecin de campagne continue à travailler pour ne pas abandonner ses patients

Le documentaire "Derniers jours d’un médecin de campagne" nous emmène aux côtés de Patrick Laine, médecin généraliste à Saulnot, en Haute-Saône. Il aimerait bien partir à la retraite, mais ne trouve pas de successeur. Après 38 ans aux côtés de ses patients, il ne résoud pas à les abandonner.
 

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Le documentaire "Derniers jours d’un médecin de campagne" nous emmène aux côtés du docteur Patrick Laine, médecin généraliste installé à la campagne. Depuis cinq ans, il tente de céder son cabinet médical, mais ne trouve pas de successeur.
 
Après 3 ans d’internat à Vesoul, Patrick Laine, jeune médecin, se rend compte qu’il veut exercer la médecine générale à la campagne. Là, il a la sensation d’être utile et de rendre service aux gens. Le 12 janvier 1982, il reprend la clientèle du médecin de Saulnot qui part à la retraite et n’hésite pas à s’endetter pour cela.  

Aujourd’hui, certains de ses  patients de l’époque sont toujours là. C’est le cas de Thérèse, sa première patiente, à qui il rend régulièrement visite à son domicile. Comme avec beaucoup de ses patients, il n’hésite pas à lui faire la bise, car le temps a tissé des liens puissants et familiers entre eux. Il n’est pas rare que le docteur Laine suive des personnes d’une même famille de trois ou quatre générations différentes.

Pour moi, un médecin généraliste est d’abord un médecin de famille. Il est amené à suivre plusieurs générations, ce qui est possible à la campagne où les enfants ont tendance à rester près de leurs familles, contrairement aux villes où ils sont plus dispersés. 

 Cette définition, donnée par Patrick Laine, résume à elle seule la conception qui l’a guidé tout au long de sa vie professionnelle. Plus qu’un métier, pour lui, être médecin généraliste, médecin de campagne, médecin de famille, est une vocation, un véritable sacerdoce. Du matin au soir, à son cabinet ou à domicile, le jour et la nuit, qu’il neige ou qu’il vente, cela fait plus de 38 ans que le docteur Laine se dévoue pour ses patients. Aujourd’hui, à bientôt 70 ans, il aimerait lever le pied, prendre sa retraite et passer la main aux plus jeunes. Mais voilà, les repreneurs ne se bousculent pas au portillon !
 

♦ Médecin généraliste à la campagne : difficile de trouver un successeur, même sur le Bon Coin !


En 2015,  à 65 ans, après de nombreuses années passées à soigner les autres, Patrick Laine décide de prendre sa retraite afin d'avoir plus de temps pour prendre soin de lui et de sa famille. Pour cela, il met en route les procédures habituelles pour transmettre son cabinet : il sollicite l’ordre des médecins, l’ARS (Agence régionale de santé) et même un organisme privé. Tout cela en vain.

Mais, le docteur Laine n’est pas homme à baisser les bras. L’idée de partir en laissant ses patients sans un successeur pour le remplacer lui est insupportable, ce serait comme les abandonner.
Il a alors une nouvelle idée, mettre une annonce sur le Bon Coin avec comme titre Cession gracieuse de cabinet médicalL’offre est insolite, mais alléchante : cession gratuite de patientèle, de mobilier et de matériel médical et mise à disposition temporaire de deux logements.  L’annonce  fait le buzz, les médias la relaient, mais aucun candidat ne saisit l’opportunité.

C’est à cette époque qu’Olivier Ducray, réalisateur du film "Derniers jours d’un médecin de campagne", fait sa connaissance.  Dans son précédent film "La vie des gens", le documentariste a suivi une infirmière libérale, pendant un an, à la rencontre de personnes âgées dépendantes et très isolées.  Dans la continuité, il veut renouveler l’expérience avec un médecin généraliste, installé à la campagne, et appréhender la réalité humaine, concrète et dramatique, qui se cache derrière l’expression "déserts médicaux".

Pendant toute cette année où je l’ai suivi, j’ai été touché par l’engagement de cet homme, son niveau d’empathie tout en gardant sa distance professionnelle.   Olivier Ducray

Très vite, cette rencontre se transforme en "coup de cœur", la confiance s’installe et la parole est libre.
 
 

♦ Les jeunes médecins qui s'installent veulent privilégier leur vie de famille


Avec ses 800 habitants, le village de Saulnot, en Haute-Saône, est dans une zone semi-rurale qui n’attire pas les jeunes médecins.

Aujourd'hui, les médecins qui s’installent dans les territoires ruraux,  préfèrent le plus souvent travailler en groupe, dans le cadre de maisons de santé pluridisciplinaires, et ainsi éviter la sensation d’isolement. Il peuvent alors se répartir la charge de travail, échanger et se partager les responsabilités.

 Les jeunes médecins ne souhaitent plus travailler comme leur aînés, ils veulent privilégier leur vie de famille et je les comprends. Aujourd’hui, pour remplacer un départ à la retraite, il faut 1,5 voire 2 médecins. 

 Une évolution que comprend très bien le docteur Laine, mais qui ne le satisfait pas. Car, que vont devenir ces personnes isolées, souvent âgées, qui ne pourront pas faire 10 kilomètres pour aller voir le médecin ? Ces personnes qu’il essaie de voir régulièrement pour assurer un suivi des soins.

Pour ce praticien pragmatique, n’est-il pas préférable de prendre en charge le patient rapidement au lieu d’attendre un rendez-vous chez le spécialiste ?

Si on fait une infiltration pour une tendinite à l’épaule tout de suite, cela évite de la souffrance inutile, un arrêt maladie, on est plus efficace. Cela fait gagner du temps et de l’argent à tout le monde. 

♦ Patrick Laine, un médecin "à l'ancienne"


Pour le docteur Laine, la médecine générale est avant tout une médecine globale qui, contrairement à celle des spécialistes, ne soigne pas uniquement un organe mais un humain. Lorsqu’un patient a un infarctus, lui sait pourquoi.  Il prend en charge le patient avec sa pathologie, mais aussi avec tous ses problèmes personnels.

 Ce métier demande de la technique, un savoir-faire, mais il demande surtout des qualités humaines et ça c’est primordial. 

 Cette vision humaniste de la médecine a dicté sa pratique à chaque instant. Il ne compte jamais ses heures, se rendant disponible à ses patients depuis le matin tôt jusqu’au soir tard. Et s’il le faut, ils savent qu’ils peuvent également l’appeler la nuit.

 Je suis de garde 24h sur 24 pour mes patients, ils savent qu’ils peuvent m’appeler. 

Dans ces zones rurales, le Samu ne peut guère être sur les lieux avant 30 à 45 minutes. C’est lui qui doit assurer les urgences, c’est une obligation, alors qu’en ville les médecins peuvent compter sur les services d’urgence.
Ces derniers temps, pour l’épargner, il arrive que certains malades appellent le SAMU avant de l’appeler.

Que ce soit chez ses patients ou dans son cabinet, tout en auscultant, le docteur Laine n’oublie pas de demander des nouvelles des uns et des autres, de consoler et réconforter.

Chez certaines personnes âgées, sa venue représente parfois la seule visite mensuelle.  Dans certains cas, cela suffira à les rassurer et il n’aura pas besoin de prescrire beaucoup de médicaments.

Avec le recul, le docteur Laine reconnaît qu’une de ses difficultés est de dire à ses patients "non, je ne peux pas".  Il préfère faire exploser son emploi du temps, déjà très chargé, et se débrouiller avec son stress.

C’est moi qui ai bien voulu travailler comme ça, car j’ai souhaité assurer une permanence des soins. 

Patrick Laine estime également que l’empathie et  l’écoute sont indispensables pour être généraliste.

Souvent dans le discours du patient, on a 70% du diagnostic. Je fais aussi mon diagnostic dés la poignée de main et en regardant les gens. On doit pouvoir deviner ce qui se passe dans la tête des gens pour pouvoir les soigner. 

♦ Patrick laine , un médecin engagé

 

Le médecin généraliste participe au service public. C’est un ciment social qui fixe une population, crée de l’emploi (pharmacie, infirmiers). Sa disparition entraîne un problème social et économique.

Comme à Saulnot où les infirmières libérales se demandent ce qu’elles vont devenir si le cabinet médical n’est pas repris. Dans ce cas, le territoire de Saulnot, actuellement considéré par l’ARS comme "zone sensible", rejoindrait la longue liste des "déserts médicaux".

Pour éviter ce scénario, malgré des journées de travail harassantes, le docteur Laine n’hésite pas à s’engager pour défendre la santé dans les territoires et rappeler que les médecins généralistes sont une espèce en voie de disparition :
-1 généraliste sur 4 va disparaître dans la période entre 2007 et 2025.
-L'âge moyen est de 52 ans, 26 % d’entre eux ont plus de 60 ans.
-Entre 2007 et 2016, leur nombre a chuté de 10%.

Quand j’ai commencé à travailler sur ce documentaire, je ne pensais pas faire un film engagé. Mais le docteur Laine avec son discours très clair, très assumé sans langue de bois, m’y a amené.  Olivier Ducray, réalisateur

Pour sauver les zones rurales sous-médicalisées, boudées par les jeunes médecins, Patrick Laine a proposé une idée qui, là aussi, n’a pas trouvé preneur : instaurer l’obligation d’exercice d’un an dans un territoire sous-doté à la fin des études de médecine.

Pour lui, la promesse d’équité dans l’accès aux soins et l’égalité territoriale ne sont pas tenues. Il se demande s’il ne faut pas un minimum de contraintes pour y arriver et ne pas abandonner toutes ces personnes. Olivier Ducray réalisateur

 Quand il a commencé son activité en 1982, Patrick Laine n’avait pas imaginé aller si loin et être pris dans cet engrenage qui fait qu’après 5 ans de recherche, il n’a toujours pas trouvé de successeur. Malgré la fatigue, à 70 ans, il continue à prendre soin de ses patients, maintenir un lien social, et ne désespère pas d’y arriver, car son épouse s'impatiente...
 
 

Lundi 2 mars 2020 sur France 3 Bourgogne-Franche-Comté  : une soirée consacrée à ceux qui soignent 

"Panseurs de secrets" réalisé par Philippe Rouquier donne la parole aux guérisseurs et aux spécialistes pour explorer une façon de soigner, méconnue, ancrée dans la culture populaire.
Panseurs de secret, un film réalisé par Philippe Rouquier
Une coproduction France 3 Bourgogne-Franche-Comté et Cosmopolitis Productions
Diffusé sur France 3 Bourgogne-Franche-Comté le lundi 2 mars 2020 à 23h10
A revoir sur bfc.france3.fr

"Derniers jours d’un médecin de campagne" réalisé par Olivier Ducray retrace les derniers mois de pratique du docteur Patrick Laine.
Derniers jours d‘un médecin de campagne réalisé par Olivier Ducray
Une coproduction France Télévisions et Hanna Films
Diffusion nationale sur France 3 le 2 mars 2020 aux environs de minuit
A revoir sur bfc.france3.fr

 
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