Ce vendredi 8 mars, c'est la Journée Internationale de la Femme. Nous avons décidé de donner la parole à cinq personnalités féminines de la région. C'est Carmen Colle, la fondatrice de l'atelier de couture World Tricot qui ouvre le bal.
Carmen Colle sort de 7 années de lutte avec Chanel, qu'elle avait accusé de contrefaçon. Un procès que l'atelier de Lure a gagné, mais après une rude bataille judiciaire qui aura failli causer la perte de la petite entreprise créée en 1990 pour redonner du travail aux femmes en difficulté financière.Depuis sa victoire, World Tricot remonte la pente. Les clients de l'industrie du luxe reviennent et l'atelier est même parti à l'assaut d'un nouveau marché porteur: la confection de textiles pour hôtels de luxe.
La " Journée de la Femme", cela vous parle ?
Il reste tellement de choses à faire..Autant ces dernières années je trouvais que la situation s'était nettement améliorée, autant j'ai l'impression que la crise économique nous fragilise plus, nous les femmes. Le chômage est une plaie pour tous, mais je trouve que les femmes sont plus durement touchées et que surtout, il est bien plus difficile pour elles de retrouver un emploi. Alors c'est peut-être bateau de dire ça, mais c'est tous les jours, tout le temps, qu'il faut mettre en valeur les femmes.
C'est dur d'être une femme en 2013 en France ?
Je dialogue beaucoup avec mes salariées. Moi je suis relativement protégée, dans ma bulle. Elles, elles me parlent de ce sentiment de ne pas être entendues, pas écoutées dans leur vie de tous les jours. Et puis il y a les "non-dits". Les regards, les sous-entendus, l'impression de devoir finalement toujours devoir en faire plus.
Le machisme, vous le côtoyez au quotidien ?
Le machisme, je l'ai rencontré surtout à un moment bien précis. Pendant les 7 années de procédure judiciaire. J'avais toujours l'impression de devoir donner plus de gages qu'un chef d'entreprise masculin. Et puis la lutte judiciaire, c'est quelque chose qui est dur. Qui fait mal. Avec le recul, même si je me suis battu, j'ai souffert de toute cette violence implicite: les petites phrases, les courriers, convaincre...
Et puis...Dans mon univers de la mode, je regrette que l'image de la femme soit utilisée systématiquement pour vendre. Je vois de plus en plus souvent des situations que je juge dégradantes. Des photos, des postures, des phrases suggestives.
Votre métier aurait été différent si vous aviez été un homme ?
Je ne me suis jamais posé la question (elle réfléchit). Je pense qu'en tant que femme, je suis plus déterminée. Peut-être qu'un homme aurait été plus "lâche" dans ma situation, aurait craqué.
Plus généralement, le milieu de la mode est très masculin, contrairement à ce qu'on pourrait penser. Et j'ai vu parfois de la souffrance dans les yeux de grandes stylistes avec lesquelles j'ai travaillé. Elles vivaient mal cette impression de ne pas arriver à se faire respecter ou de devoir en faire plus pour être prises au sérieux.
Votre message pour les femmes ?
Restez libres. Conservez cette liberté gagnée au fil des années. Ne vous laissez pas enfermer. Et surtout: vous ne devez pas tout accepter.