Ils connaissent Taraneh Alidoosti depuis plus de 20 ans. Martine et Jean-Marc Thérouanne sont choqués par son arrestation.
C’est en 2002 que les responsables du FICA (Festival International des Cinémas d’Asie) l’ont rencontrée pour la première fois, lors du festival de Locarno, en Suisse italienne. Taraneh Alidoosti était encore très jeune et, dans ce film en compétition, elle interprétait le rôle d’une jeune mère célibataire en Iran. « Et on l’aime bien » comme le dit Jean-Marc Thérouanne. Son épouse, Martine, a pu la côtoyer et l’apprécier en 2012 : elles étaient toutes deux membres du jury du Festival à Hanoï au Vietnam.
En 2014, Taraneh Alidoosti fait partir du jury du FICA de Vesoul. Elle y était présente avec son mari et son bébé.
Une immense actrice
Jean-Marc Thérouanne insiste sur son talent d’actrice et son courage : " Elle a remporté le Léopard d’Or à Locarno pour son rôle de jeune mère célibataire dans Moi, Taraneh, 15 ans de Rasoul Sadr Ameli. À Cannes, elle a été saluée pour « Le Client » ou encore « Leila’s brothers » qui a remporté le Prix de la Critique… C’est une immense actrice, très célèbre. Malgré des rencontres brèves, on a toujours gardé des liens. C’est le monde du cinéma qui est persécuté en Iran, l’élite intellectuelle. Tous les gens qui font le prestige de ce pays. C’est stupide, c’est absurde."
Une femme engagée et courageuse
Martine et Jean-Marc Thérouanne sont sonnés, abasourdis que Taraneh Alidoosti ait été emprisonnée depuis le samedi 17 décembre. Mais cette femme a souvent crée la polémique dans son pays pour ses prises de position courageuses face au pouvoir islamiste.
En 2016, elle portait sur son bras un tatouage disant qu’elle est féministe. Tollé sur les réseaux sociaux. Il y a 2 ans, elle mettait en ligne une vidéo montrant une femme malmenée par la fameuse police des mœurs parce qu’elle ne portait pas le hidjab. Elle est condamnée à 5 mois de prison avec sursis. Elle déclare alors : " Nous ne sommes pas des « citoyens » mais des captifs", message posté en direction de ses 6 millions de followers. Son compte Instagram n'est plus accessible.
Des émeutes depuis plus de trois mois en Iran
Il y a trois mois, une jeune femme, Mahsa Amini, arrêtée par la police des mœurs, mourrait en détention. De nombreuses manifestations, réprimées violemment, secouent le pays depuis cette date. Les autorités reconnaissent 300 morts dans ces émeutes. Selon plusieurs associations, il y en aurait bien davantage.
Dans le cadre de cette répression, des acteurs politiques et culturels ont été emprisonnés. Jean-Marc Thérouanne cite notamment deux réalisateurs, mondialement connus : « Jafar Panahi, Ours d’Or à Berlin, et Mohammad Rasoulof, ils sont en prison depuis plus d’un mois, dans la célèbre prison d’Evin. »
L'actrice Taraneh Alidoosti, âgée de 38 ans, a protesté contre le régime islamiste : dans le cadre des arrestations et de la répression, deux jeunes hommes de 23 ans qui auraient participé aux émeutes ont été pendus. Elle a été arrêtée " en raison de ses actions récentes en publiant de fausses informations et contenus, et pour incitation au chaos", a annoncé l'agence Tasnim, l’agence d’information quasi-officielle d’Iran.
Sa libération est demandée, même par le Festival de Cannes
Martine et Jean-Marc Thérouanne, ces Vésuliens amoureux du cinéma, des cinéastes, des acteurs et de la démocratie s’interrogent sur les actions qu’ils pourraient mener pour venir en aide à ceux qu’ils considèrent comme leurs amis.
« On reçoit des informations, notamment de la diaspora iranienne. Beaucoup sont partis à l’étranger, notamment à Londres. Taraneh, elle, a voulu rester parce qu’elle dit que les choses ne se changent que de l’intérieur… Elle est très courageuse."
Elle a promis de rester en Iran, quel que soit le prix à payer.
Jean-Marc Thérouanne, du FICA, le Festival International des Cinémas d'Asie de Vesoul
" Toute organisation internationale qui regarde ce bain de sang sans réagir représente une honte pour l'humanité" a écrit Taraneh Alidoosti sur sa page Instagram.
Et son arrestation suscite de nombreuses réactions. " Elle a tourné avec les plus grands réalisateurs iraniens dont Ashgar Farhadi (Les enfants de Belle Ville, La fête du feu, A propos d’Elly, Le client), Mani Haghighi ( Canaan, Modest Reception) … Le Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul apporte son soutien à cette militante pour les droits des humains" rappellent les organisateurs du FICA de Vesoul, Martine et Jean-Marc Thérouanne.
Très réactif également le Festival de Cannes qui condamne cette arrestation. Et demande lui aussi sa « libération immédiate. » Et ajoute : " Solidaire du combat pacifique qu'elle mène pour la liberté et le droit des femmes". Le Festival de Cannes lui a adressé lundi 19 décembre " tout son soutien" sur les réseaux sociaux.