Coronavirus : si PSA rouvre Sochaux, "il ne faudra pas qu'on reprenne le travail, au nom de la santé publique"

Délégué CGT à PSA, Jean-Pierre Mercier s'oppose au projet de réouverture des sites de production du groupe automobile: "Vouloir rouvrir Sochaux, c'est criminel. Produire des voitures, ce n'est pas vital. L'urgence sanitaire, c'est de fabriquer des respirateurs, on est volontaire pour ça". Interview.

Le groupe PSA a annoncé en fin de semaine dernière son projet de rouvrir plusieurs de ses usines, dont Sochaux dans le Doubs. Qu'est-ce que cela vous inspire ?

"Cela nous inspire de l'incompréhension totale et de la colère. Au moment où on est en état d'urgence sanitaire, la direction de PSA réfléchit à un scénario pour rouvrir ses usines pour fabriquer des voitures. On serait très, très favorable à ce que dans les usines de PSA, on fabrique des respirateurs par exemple. Ca, c'est une urgence vitale. Fabriquer des voitures, ce n'est pas du tout urgent. Nous, du côté des salariés, on est responsable. S'il faut aller à l'usine pour fabriquer des respirateurs, on est pour, parce qu'aujourd'hui, on est en pénurie. Mais sortir de chez nous, prendre des risques, propager le virus pour fabriquer des voitures, il n'en est pas question."

PSA évoque justement la possibilité de fabriquer des respirateurs. Vous y êtes donc favorable ?

"Cela demeure une éventualité. Enfin, je dirai. Il était temps que les deux grands constructeurs, Renault et PSA, réfléchissent à fabriquer des respirateurs. A l'usine de Poissy, 60 salariés vont assembler des pièces de respirateurs pour Air Liquide. Ca, c'est une bonne chose, c'est dans cette direction qu'il faut aller."

Un groupe comme PSA peut-il tenir plusieurs semaines sans produire aucune voiture ?

"Il faut de toute façon tenir pour rester en vie, tenir pour combattre le virus. Aujourd'hui, nous sommes en guerre. C'est un combat collectif pour terrasser ce virus. Le meilleur espoir, le plus efficace, c'est de rester confiné. Dans ce contexte, produire des voitures n'est pas vital. De toute façon, qui va les acheter ? Si PSA a des problèmes de trésorerie, il serait temps que les actionnaires et la famille Peugeot mettent la main à la poche. Là, c'est le moment."

Vous dites: "c'est un combat collectif". Considérez-vous que PSA joue collectif en ce moment ?

"PSA et le groupe Renault ne jouent pas collectif. Vouloir rouvrir Sochaux, la plus grande usine de production industrielle en France, avec 9.000 salariés, ce n'est pas responsable. C'est même criminel. Il faut revenir à la raison. Les médecins et les infirmières nous disent: "Restez chez vous". Si PSA et Renault rouvrent leurs usines et déconfinent des dizaines de milliers de salariés, c'est irresponsable. Ca revient à planter un couteau dans le dos des infirmières et des médecins. On ne va pas se laisser faire. Nos vies passent avant leurs profits."

Criminel vous avez dit ?

"Tout à fait. L'urgence sanitaire, c'est de fabriquer des respirateurs, des masques, des blouses, du gel. On est volontaire pour ça. Mais on refusera de sortir de chez nous pour fabriquer des moteurs ou des voitures, parce que c'est accélérer la circulation du virus. C'est en cela que c'est criminel. Il va falloir qu'on l'empêche. Ce sera notre devoir. Nous, on a un esprit civique, un esprit collectif, chez les ouvriers. On est responsable."

Néanmoins, plusieurs sites PSA sont restés ouverts et continuent à fonctionner. C'est notamment le cas de Vesoul en Haute-Saône, spécialisé dans les pièces détachées. Partagez-vous les inquiétudes exprimées par les salariés sur place ?

"On a alerté l'inspection du travail, la médecine du travail. On a fait des courriers à la direction. Ce qui se joue sur le site de Vesoul, c'est une catastrophe sanitaire, un drame sanitaire. Il y a plusieurs dizaines de cas. La direction doit faire passer la santé des salariés, et la santé des populations environnantes, avant ses profits. L'urgence, c'est d'imposer à la direction de ne pas rouvrir les usines comme Sochaux et de fermer Vesoul, Belchamp ou Vélizy. Ca ne pourra venir que de l'action collective des salariés. Il faut qu'il y ait une solidarité, mais ça ne tient qu'à chacun de nous. Quand on a un patron qui nous oblige à aller travailler, les salariés doivent refuser et expliquer leur refus... Si la direction s'entête, il ne faudra pas qu'on reprenne le travail, au nom de la santé publique".

 
"Créer les conditions d'une reprise"
Vendredi, la direction du groupe PSA a annoncé la "mise en place de mesures sanitaires renforcées afin de créer les conditions d'une reprise d'activité sécurisée et progressive". A Sochaux, "la date n'est pour l'heure pas définie". "Néanmoins, le management se prépare à la reprise en déployant ces mesures sur le terrain", indique le groupe automobile dans un communiqué.

La réouverture des sites de production à court terme fait l'unanimité contre elle du côté des syndicats, qui veulent tous attendre que l'épidémie recule avant de renvoyer les ouvriers à l'usine.
 
  • Force ouvrière, première organisation syndicale du groupe, se veut "responsable" et "intransigeant". "La reprise d'activité ne pourra s'envisager qu'après le pic de l'épidémie dans notre pays". A Sochaux, FO estime que "remettre 40.000 personnes sur les routes du Nord Franche-Comté tous les jours en cette période n'est pas raisonnable et loin des préonisations sanitaires du gouvernement".
  • Même position pour la CFTC, qui juge "inconcevable (...) que cette reprise d'activité puisse avoir lieu avant que le pic épidémique ne soit passé". Le syndicat chrétien affirme qu'il est "impensable d'imaginer doter de plusieurs masques de protection par jour les salariés du groupe, ce qu'implique nécessairement la reprise d'une activité industrielle. La situation nationale fait état de carence dans ce domaine pour les milieux hospitaliers, les médecins de ville, et tous les autres métiers qui aujourd'hui font tenir la France debout, et constituent, plus que l'automobile, des activités essentielles à notre pays".
  • De son côté, la CFDT "s'inquiète d'un redémarrage trop précoce qui anéantirait tous les bénéfices du confinement". Pour le syndicat réformateur aussi, "un redémarrage avant le pic de contamination serait prématuré". La CFDT s'inquiète aussi pour les sous-traitants et invite la direction de PSA à "prendre en compte le décalage qui peut s'opérer entre la reprise de nos usines et la reprise de nos fournisseurs qui seront sans doute amenés à reprendre leur activité quelques jours avant nous (...) La CFDT demande que la Direction s’assure d’un redémarrage des activités de nos sous-traitants dans les mêmes conditions de sécurité sanitaire que celles des salariés de PSA."
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