Ce sont quelques centimètres de roche spaciale qui tournent en orbite dans la tête des passionnés comtois d'astronomie. Pour la première fois depuis cent-cinquante ans, une météorite a atterri en février dans notre région, dans le secteur de Gendrey. Il faut maintenant la trouver ! 

Fermez les yeux. Nous sommes le 16 février 2020. Il est 21h22, quelque part dans la campagne, dans le secteur de Gendrey, dans le Jura. Les seuls bruits qu'on entend proviennent des habitations du village, des insectes dans les champs ou de l'autoroute A36, qu'on devine, au loin.

Et là, à ce moment précis, dans la nuit noire, un éclair de lumière transperce l'horizon. Une météorite vient de finir sa course spaciale dans un champs. 

Ouvrez les yeux. Et dites-vous que ça se passe comme ça dans les films. La réalité est tout aussi belle mais moins cinématographique. Car le petit morceau de roche, certainement du fer et du nickel, aura terminé sa course folle dans le noir le plus total, sa chute finale ayant été ralentie par l'air.

En tous les cas, le 16 février dernier, une météorite est bien tombée quelque-part, dans le secteur de Gendrey et Louvatange. Et la chute de l'objet céleste a été capturée par deux caméras du projet financé par l’Agence Nationale de Recherche (ANR).

104 caméras scrutent en permanence le ciel français, c'est le projet FRIPON

Ce projet instauré en 2013 et dirigé par le Museum d'Histoire Naturelle de Paris et l'Observatoire de Paris est intitulé FRIPON (Fireball Recovery and InterPlanetary Observation Network, ou, littéralement : réseau de récupération des boules de feu et d’observation interplanétaire).

Il s'agit d'un réseau visant à retracer l’origine des flux de matières extraterrestres tombant sur Terre. Composé de caméras et de récepteurs radios, il surveille le ciel 24h/24h et détecte les chutes de météorites en France.

104 caméras ont été installées en France, dont 4 en Franche-Comté (observatoire de Besançon, planétarium de Belfort, mairie de Saint-Lupicin dans le Jura et lycée Xavier Marmier de Pontarlier).

Ces caméras filment la voûte céleste à 360° de jour comme de nuit. Chacune des caméras est raccordée à un ordinateur munis d’un logiciel appelé FREETURE. En analysant les images, il détecte les évènements lumineux provoqué par l’entrée dans l’atmosphère d’un météore.

Ce 16 février-là, ce sont deux autres caméras, celles situées à Chalon-sur-Saône et à Dijon qui vont capturer l'image de l'arrivée de la météorite et donner la direction à prendre pour la suivre. Car malheureusement, on l'aura compris, la fin de sa chute se fera à vitesse réduite et donc dans l'obscurité.

C'est cette image qui illustre notre article. La capture par la caméra de l'Observatoire de Dijon de la météorite fonçant en direction du Jura.

"Il aura fallu du temps à nos chercheurs de Vigie Ciel pour calculer la zone d'impact de la météorite"-nous explique au téléphone l'astro-physicien et professeur à Besançon Philippe Rousselot, référent régional de l'association Vigie Ciel, car son arrivée dans l'obscurité aura compliqué les recherches. Nos chercheurs, basés à Marseille, ont créé des algorithmes pour calculer l'ellipse de chute probable, mais il faut "afiner" à la main les calculs, en prenant en compte par exemple la météo du secteur.

C'est pourquoi plusieurs jours sont passés avant que l'on puisse déterminer plus précisément la zone d'impact et lancer les recherches. Et cela a coïncidé avec le début du confinement. Ce n'était plus possible d'entamer de grandes recherches."

Un confinement qui aura eu du bon: permettre à ces bénévoles d'avoir du temps pour peaufiner leurs calculs. Dans leur recherche, les scientifiques ont pu aussi compter sur l'aide des hommes. Car au moins 6 personnes ont, ce 16 février-là, vu dans le ciel entre la Bourgogne et la Franche-Comté quelque chose méritant d'être signalé à Vigie Ciel, décrivant une lueur intense et de couleur verte.

C'est le cas de Stéphane, à Thonon-les-bains, qui écrit ce soir-là: " Première fois que je voyais un boulet avec cette couleur verte. Forte luminosité traînée et boulet couleur verte disparition instantané léger flash final".

C'est finalement le dimanche 16 mai qu'une vingtaine de membres de Vigie Ciel venus de Bourgogne et de Franche-Comté auront entamé les recherches sur zone. Parmi-eux, Philippe Rousselot, forcément : "ce fut un beau moment de science participative", ou aussi Michel Bardy, président du club d’astronomie et planétarium de Belfort.

"Nous avons formé deux équipes de 10 et avons passé la journée à ratisser les champs alentours. Au total et en cumulé, ce sont 300 kilomètres que nous avons arpenté !

Imaginez la difficulté de la mission : on estime que la météorite doit mesurer entre 5 et 8 centimètres! Depuis sa chute le 16 février, les centaines de vaches du secteur ont pu marcher dessus, l'enfonçant dans la terre !". 

Voilà à quoi peut tenir une grande découverte scientifique : se demander si cela vaut le coup de regarder sous la moindre bouse de vache, dans n'importe quelle tourbière ou dans le lit du ruisseau voisin pour voir si un bout de roche de l'âge de la planète Terre ne s'y cache pas.

Un moment exaltant pour ces passionnés de l'espace. Comme pour Juliette Lazzarotto, professeure de Sciences de la Vie et de la Terre au Collège de l'Arc, à Dole :" J'ai beaucoup apprécié la recherche, j'étais plutôt excitée à l'idée de me rendre sur le terrain. Les chutes de météorites sont des événements rares et encore plus lorsque la zone de chute de l'objet a pu être calculée!

Honnêtement en tant que référents Vigie-Ciel on n'attend que ça, on trépigne d'impatience! Alors quand ça tombe dans son département on est super heureux. On a été très bien reçus et compris par les habitants des villages concernés, on a pu faire de la médiation, et c'est peut-être là l'essentiel pour Vigie-Ciel : éduquer les gens à la découverte de météorites, leur faire comprendre d'où elles viennent et pourquoi elles intéressent beaucoup les scientifiques."

Michel Bardy confirme :"Depuis sa création, notre planète a évolué du fait de l'érosion et des différentes périodes. Ces morceaux venant de l'epace aident à mieux comprendre comment la Terre s'est formée.". Avant de raccrocher le téléphone, le malicieux responsable du Planétarium nous glisse à l'oreille qu'il est toujours possible de se rendre à Belfort pour voir de plus prêt une météorite de 30 kilos et de toucher des dizaines de fragments venus de l'espace.

C'est d'ailleurs la première fois en 152 ans qu'un tel objet termine sa course en Franche-Comté. La précédente découverte avait eu lieu à Ornans, le 11 juillet 1868, ce qui ne change pas grand chose sur l'échelle temporaire de la Terre mais ne nous rajeunit pas.

Des flyers dans les boîtes aux lettres

"Nous n'allons pas mener de nouvelles recherches de telle envergure dans les jours qui viennent-explique Philippe Rousselot. Nous allons attendre que les champs de blé soient coupés avant d'organiser une deuxième vague.

Mais nous espérons avoir un retour des habitants du secteur de Gendrey. Nous avons déposé dans les boîtes aux lettres des flyers expliquant notre recherche. C'est souvent un promeneur qui fait la découverte tant attendue, quasiment toujours par hasard. Alors, peut-être qu'avec un peu de chance.."

Message tout de même à l'attention de tous les Indiana Jones comtois à qui le confinement prolongé aura donné des envie de croisade scientifique: il est interdit de pénétrer dans un champs sans avoir l'autorisation de son propriétaire.

Et, si vous trouvez une pierre vous semblant spéciale, contactez immédiatement un référent régional de Vigie Ciel. Dans le pire des cas, il vous décevra en vous montrant que le caillou n'a rien d'extra-terrestre.

Dans le meilleur des cas, vous aurez fait avancer la science. Et vous pourrez toujours vous prendre en photo, météorite à la main, pour vous la raconter sur les réseaux sociaux. Là, pour une fois, ça aura vraiment un intérêt.

Voici le flyer distribué par Vigie-Ciel dans le secteur où la météorite aurait pu atterrir:

 

 

 

 

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