A Poligny, ville touristique du Jura, deux hôtels sur les trois que compte la ville sont en vente depuis deux ans. Les propriétaires de ces établissement anciens ne trouvent pas de repreneurs. Le secteur de la petite hôtellerie s'inquiète.
En plein mois de juillet, les touristes affluent à Poligny. La capitale du comté attire toujours autant Français et étrangers dans le Jura. Pour les accueillir, trois hôtels proposent leurs services depuis plusieurs dizaines d'années. Christiane Picaud tient l'hôtel des Charmilles, un établissement que lui ont légué ses parents. En 45 ans, elle a vu défiler les clients et les a servis avec dévouement. Elle a aujourd'hui largement dépassé l'âge de la retraite et veut vendre son hôtel.
Mais voilà, depuis deux ans, elle ne trouve aucun repreneur. Elle l'avoue, les murs sont anciens, la décoration un peu vintage, "comme moi" plaisante-t-elle. Le manque de modernité est sûrement un frein à l'achat de cet établissement. "Il y a des travaux à faire, c'est sûr. Mais ce qui leur fait peur je pense, ce sont les prêts qui ne sont pas faciles à obtenir. Il faut un apport personnel aussi. C'est très compliqué de monter des dossiers pour reprendre un établissement", explique Christiane Picaud.
Les maisons d'hôte font concurrence aux hôtels
La propriétaire de l'hôtel met également en cause un phénomène qui a pris de l'ampleur ces dernières années : la prolifération des logements loués par des particuliers. Maisons d'hôtes, gîtes et Airbnb se sont multipliés à Poligny, comme partout ailleurs. Dans la ville de 4 000 habitants, on ne compte pas moins de 40 logements proposés sur la plateforme Airbnb et une trentaine de maisons d'hôtes. Pour Christiane, ce sont ces établissements qui font de l'ombre aux hôtels de village. "Ce n'est pas ma tasse de thé, je le dis honnêtement. Ils sont là, ma foi qu'ils le fassent. Si c'est leur profession réellement, je conçois. Mais quand ce n'est pas sa profession, il faut peut-être l'apprendre avant de le faire", assène-t-elle.
Même constat pour Stéphane Bachet. Avec sa femme, il est propriétaire et gérant de l'hôtel La Vallée Heureuse depuis sept ans. Il ne compte pas vendre son hôtel, qui attire encore de nombreux touristes, mais remarque un afflux de maisons d'hôte dans le secteur. Un afflux qui nuit au fonctionnement des hôtels. "Nous, on fait vivre du monde. On a des employés, des gens qui sont en CDI, l'été on a des CDD. On fait vivre par exemple le lycée qu'il y a juste en bas parce qu'on prend des apprentis. On fait vivre tous les producteurs locaux parce qu'on ne travaille qu'avec eux. Ce qui n'est pas forcément le cas des maisons d'hôtes", explique Stéphane Bachet.
Deux types d'établissements qui ne jouent pas à armes égales
Pour le propriétaire de l'hôtel, maisons d'hôte et hôtels ne sont pas soumis aux mêmes règles. En tant qu'établissement recevant du public (ERP), les hôtels sont soumis à de nombreuses normes en termes d'hygiène, d'accessibilité ou encore de sécurité. Ces normes pèsent lourd dans la balance des frais. "Quand on reprend un établissement comme le nôtre, 50% de l'investissement qu'on va faire, c'est sur la remise aux normes", explique Stephane Bachet, avant de rajouter "pour les maisons d'hôte, 100% de l'investissement, c'est pour l'embellissement de leur établissement". Pour lui, ces maisons d'hôte sont dans leur droit. "Je ne vais pas dire que c'est déloyal, ils sont dans leurs règles, ils respectent la loi. Si ça fonctionne, ils ont bien raison de le faire", avoue-t-il. La responsabilité vient plutôt de l'Etat, selon lui, qui a laissé ces maisons d'hôte se multiplier sur le territoire sans encadrement, ni normes. "C'est à la France de tirer la sonnette d'alarme. Il ne s'agit pas de nous aider particulièrement, plutôt de rajouter des règles pour qu'on soit au moins sur les mêmes règles du jeu", constate le gérant de l'hôtel.
Pour ces deux hôteliers, le constat est amer. "On résiste parce qu'on aime l'établissement. Mais c'est une grosse possibilité que l'hôtellerie de village se termine très tranquillement", conclu Stephane Bachet. "Pour moi, c'est la mort de ces établissements. Pour la petite hôtellerie, ça va être très compliqué", déplore quant à elle Christiane Picaud. La gérante attend que son établissement soit vendu pour enfin profiter de sa retraite. Fatiguée, la gérante de l'hôtel n'espère plus de miracle : "Il pourra peut-être se vendre en immobilier. Après 45 ans, avec l'âge que j'ai, il se vendra bien n'importe comment que ça ne me gêne plus".