Le comédien, très attaché à son Jura natal, s'est éteint à Paris, le mardi 27 juillet. Il a joué dans plus d'une centaine de films, dont certains ont été tournés dans le Jura. Nombreuses réactions d'hommage, de professionnels du cinéma et de MG Dufay, la présidente de région.
L'acteur Jean-François Stévenin, qui a commencé sa carrière chez Rivette et Truffaut avant de devenir un second rôle prisé du cinéma français puis un réalisateur culte en seulement trois films, est décédé mardi à 77 ans, a annoncé sa famille, des suites d'une longue maladie.
"Il est décédé à l'hôpital à Neuilly, il s'est bien battu", a affirmé son fils Sagamore Stévenin, également comédien.
Le cinéma par hasard
Réalisateur de trois films considérés comme culte ("Passe montagne", "Doubles messieurs" et "Mischka"), Jean-François Stévenin est un acteur prolifique vu dans des films aussi éclectiques que "L'argent de poche" de François Truffaut, "Une chambre en ville" de Jacques Demy ou "Le pacte des loups" de Christophe Gans.
Né dans le Jura en 1944, cet ancien étudiant à HEC, au parcours romanesque et buissonnier, découvre les plateaux de cinéma lors d'un stageà Cuba... sur la production laitière. "Je ne savais rien faire, mais j'ai appris à parler espagnol très vite, et je me suis fondu dans l'équipe. Incognito", racontait-il.
En 1968, il devient assistant d'Alain Cavalier sur le tournage de "La Chamade". "Pendant dix ans, j'étais assistant, je n'avais jamais pensé à jouer. (...) Etdans +Out One+, de Jacques Rivette, où Juliet Berto avait dit: "C'est drôle, l'assistant ressemble à Brando, pourquoi il ne jouerait pas Marlon? La scène a été gardée au montage", se souvenait-il en 2000 pour Libération.
Une carrière bien remplie
Son visage rond et ses yeux bleus perçants font rapidement de lui une figure familière du cinéma français. Dans les années 1980, il tourne sous la direction de Jean-Luc Godard ("Passion"), Bertrand Blier ("Notre histoire") et Catherine Breillat ("36 Fillette"). Puis viendront les films à plus grand succès comme "Le Pacte des loups", où il joue avec Vincent Cassel et Samuel Le Bihan ou encore "L'Homme du train" réalisé par Patrice Leconte.
Son travail de cinéaste lui vaudra en 2018 un prix Jean-Vigo d'honneur qui lui a été remis par Agnès Varda. Cette récompense distingue l'indépendance d'esprit,la qualité et l'originalité.
Ses films, où la nature est très présente, sont marqués par le cinéma de Cassavetes et, comme le cinéaste américain, il aime à filmer ses proches. Il est père de quatre enfants, tous acteurs : Sagamore, Robinson, Salomé et Pierre.
Son dernier film, "Illusions perdues" de Xavier Giannoli, adapté de Balzac, doit être présenté à la rentrée au festival de Venise.
De nombreuses réactions saluent sa mémoire
Didier Rolot, chef électricien, et jurassien, l'a rencontré à de nombreuses reprises et a même travaillé avec lui, notamment sur le film d'Eric Barbier "Le dernier diamant" avec Yvan Attal et Bérénice Béjo. Voici ce qu'il en dit : "C'était toujours agréable de le rencontrer, de parler du Jura avec lui. Il avait toujours envie de raconter des histoires, des anecdotes sur le cinéma. Il racontait très bien les personnes, il les imitait, arrivait à les caricaturer. Ce n'était pas un boute-en-train mais il donnait tellement d'émotion... J'aime beaucoup ses films, comme réalisateur, surtout pour leur poésie."
Il se souvient de la projection, des années après sa sortie de son film très "jurassien" "Le passe-montagne". C'était à Champagnole : "Il ne voulait pas le revoir et il ne l'avait pas vu pendant des années, peut-être 20 ans après sa sortie. En fait, à la projection, il était très ému. Pour moi, c'est un film ethnologique."
Michèle Tatu a écrit le livre "Balades cinématographiques en Franche-Comté". Elle l'avait rencontré à cette occasion pour un entretien et à bien d'autres reprises, notamment lors de dédicaces de son ouvrage dans le Jura :"Il nous avait accueilli chez lui, à Grande Rivière, et on avait mangé ensemble. Il avait parlé toute la nuit. Il était malicieux, imitait Godard. On devait se voir fin août. J'ai adoré son film "Passe-Montagne". C'est le plus bel hommage que l'on puisse faire au Jura. Il avait très bien rendu l'esprit du Haut-Jura. Il montrait la fragilité des hommes avec beaucoup de tendresse...
Autre réaction : celle de Marie-Guite Dufay, la présidente de la région Bourgogne - Franche-Comté :
« C’était un acteur et un réalisateur tout à fait singulier. Avec Jean-François Stévenin, c’est toute une page du cinéma français qui disparaît, ainsi qu’un réel amoureux de son Jura natal... Dès son premier film, "Passe montagne", il avait su transmettre une forme d’intimité sensible avec la nature jurassienne de son enfance. Surtout, en faisant jouer et en dirigeant des acteurs non professionnels, il avait su exprimer l’extraordinaire empathie qui l’animait, notamment à l’égard des plus modestes, des plus humbles. Car, passionné de cinéma – une passion qu’il avait su transmettre à ses enfants –, Stévenin était peut-être d’abord un passionné d’humanité, qui portait un regard à la fois aiguisé et bienveillant sur ses semblables..."
Le parcours de Jean-François Stévenin :
Reportage en 2013 sur le tournage de la série "Le Sang de la vigne", épisode tourné dans le Jura "Le mystère du vin jaune"