L’opération a duré plus de 40 heures. C'est la première fois qu'une saisie de cette ampleur concernant des animaux d'élevage est ordonnée en France, indique le parquet du Jura. Les deux agriculteurs sont jugés en comparution immédiate.
La justice a saisi le 12 janvier 300 vaches dans une exploitation du Jura indique le Procureur de la République du Jura. Un GAEC de la commune de Montfleur située à 30 km environ de Bourg-en-Bresse a été visé par cette saisie. L’opération a été conduite sur une exploitation gérée par deux frères agriculteurs d'une cinquantaine et soixantaine d'années. Mercredi 13 janvier, des vaches devaient encore être récupérées, elles divaguent dans les champs.
Jean-Claude Nevers est maire depuis 2014 de Montfleur … ce petit-fils d’agriculteur est partagé entre « un sentiment de soulagement » pour avoir, depuis des années, tout essayé pour sauver l’exploitation et « la tristesse pour ces gens même si moi, les gendarmes et la préfecture on est intervenu très souvent pour des divagations de bêtes en pleine nuit et des troubles nombreux du voisinage. » Il avait donné l'alerte dès 2014, il regrette la lenteur des procédures qui ont permis de mettre un point final au calvaire de ces bêtes. "Il y en a beaucoup qui avaient des sabots déformés, d'autres des plaies de type dermatose" raconte l'élu de ce hameau du sud Jura.
Les rapports avec les deux agriculteurs étaient conflictuels. « En 2018, j’ai même reçu un coup de poing » nous raconte Jean-Claude Nevers « il ne voulait pas appeler l’équarisseur pour ses bêtes mortes ».
Les habitants du village, les autres agriculteurs, alertaient depuis plus de deux ans les services de l'Etat. "Tous les services administratifs sont au courant de ce que les habitants vivent à Montfleur, et rien ne change, vous ne pouvez nier les risques avec des animaux qui divaguent sur les routes départementales 365 jours par an. Combien d'accidents évités de justesse, à quand un accident grave" écrivaient-ils en 2018 au Préfet du Jura, dénoncant la maltraitance des animaux. Ils regrettent aujourd'hui la léthargie des services de l'Etat, pendant des années, ils ont alerté, et personne ne faisait rien, disent-ils.
Une enquête qui a débuté dès 2018
En 2018, les deux frères et le GAEC avaient été poursuivis et condamnés pour maltraitance animale et pour une absence de mise en conformité de leurs pratiques.
Un nouveau contrôle en juillet 2020, qui faisait lui même suite à des propositions d'aides puis des mises en demeure restées vaines, a établi que la situation ne s'était pas améliorée et que bien au contraire elle s'était manifestement dégradée, indique la justice.
Un taux de mortalité hors norme depuis plusieurs années dans cette exploitation
Le taux de mortalité du cheptel explosait pour atteindre une moyenne annuelle de 20% sur les 3 dernières années (alors que le taux normalement constaté est inférieur à 5%). Au cours des années 2018, 2019 et 2020 ce sont ainsi 231 bovins qui ont succombé au sein de cette exploitation.
Une enquête des chefs d'abandon d'animaux, de mauvais traitements à animaux et d'inexécution d'une mise en demeure de respecter les mesures propres à assurer la protection des animaux avait été ouverte.
Drone, gendarmes, vétérinaires, un important dispositif réuni pour saisir le troupeau
Dans la petite commune de 182 habitants, 45 gendarmes dont deux pilotes de drone, 2 vétérinaires et 12 agents de la DDCSP (Direction départementale de la Cohésion Sociale et de la Protection des Populations), 37 personnes et deux cabinets vétérinaires ont été mobilisés pour organiser la recherche, le rassemblement, l'identification, le chargement et le transport des animaux dans une dizaine de véhicules agricoles et de transport
Les animaux saisis sur les départements de l’Ain et du Jura ont été remis à l'AGRASC, l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués).
Les deux agriculteurs jugés et condamnés en comparution immédiate
Les deux agriculteurs âgés de 66 et de 58 ans étaient convoqués jeudi 14 janvier devant le tribunal correctionnel de Lons-Le-Saunier. 6 mois de prison avec sursis et interdiction de posséder animaux d’élevage ont été demandés à l'encontre de l'un des frères, 2 ans avec 18 mois de sursis pour le second avec mise en dépôt immédiate et interdiction de posséder animaux d’élevage. Ont été requis, également 100 000€ d’amendes pour le Gaec et 3000€ de frais de procédure.
Finalement à l'issue de l'audience, les peines prononcées les suivantes. Un des agriculteurs est condamné à 6 mois ferme et interdiction de posséder des animaux d’élevage.
L'autre frère se voit condamner à 4 mois ferme et interdiction de posséder des animaux d’élevage.
Le GAEC est condamné à 13500€ d’amende et 1500 € de contravention.