Ils ont quitté l'Éducation nationale pour une boucherie : Julien et Anaïs ont choisi la reconversion

Ils étaient enseignants, et ont choisi de quitter l'Éducation nationale. À Saint-Claude dans le Jura, Anaïs Rico-Perrier et Julien Henrotte ont fait une reconversion, de professeur à bouchers. Les élèves leur manquent parfois, mais pas le reste de l'environnement professionnel.

Ils avaient une passion commune pour la transmission des savoirs et la pédagogie. Aujourd'hui, ils se lancent dans la reprise d'une boucherie. À Saint-Claude dans le Jura, Julien Henrotte et Anaïs Rico-Perrier ont quitté l'Éducation Nationale, et leurs contrats d'enseignement dans des lycées professionnels et généraux, pour une reconversion dans les métiers de bouche.

Ce qui me manque le plus ? Pas grand-chose

Julien Henrotte, ex-professeur contractuel en arts appliqués

Ils enseignaient depuis 5 et 14 ans

Lorsqu'elle est partie, Anaïs Rico-Perrier enseignait le français depuis cinq ans, en lycée professionnel et général, en tant qu'assistante pédagogique : "je voulais transmettre la langue, j'étais passionnée de français" se souvient-elle. Son conjoint, Julien Henrotte, enseignait lui les arts appliqués en lycée professionnel depuis 14 ans. "Si je suis rentrée dans l'Éducation nationale, c'était par volonté de partage et d'amener des choses" explique-t-il. "J'ai toujours essayé d'adapter ce que j'apprenais aux élèves pour que ça puisse leur resservir derrière et qu'ils en comprennent tout de suite l'intérêt".

Un métier-passion, qu'ils n'ont cependant jamais pratiqué en tant que fonctionnaire de l'enseignement public : "en travaillant avec les collègues, je me suis rendue compte des conditions d'exercice, et c'est inimaginable" raconte Anaïs Rico-Perrier. La jeune femme apprécie le contact avec les élèves, mais renonce à se présenter au concours. Une décision que son conjoint avait déjà prise quelques années plus tôt. "Je n'ai jamais passé le concours par choix", expose Julien Henrotte, "généralement, quand on a une titularisation, on a d'abord une première de stage, la plupart du temps, en région parisienne. Ayant deux enfants scolarisés et une maison, je ne me voyais pas partir".

"Je commençais à y aller à reculons"

La lourde "machine" de l'Éducation nationale a eu raison de leur passion. "Je n'y trouvais plus mon compte, je commençais à y aller à reculons" confie Julien Henrotte. "Je ne vois pas comment je peux apporter quelque chose à des élèves, qui sont en pleine construction, si moi-même, je doute de ce que je leur apporte".

L'ancien professeur en arts appliqués cite l'usure des réformes successives : "tout ce qui est formation professionnelle, ça ne correspond plus à la réalité de ce qui se passe derrière en entreprise" regrette-t-il, s'agaçant de "toutes les nouvelles règles qu'on nous donnait sur la façon d'enseigner, sur la façon, on devait organiser nos séances et nos séquences".

Ce sont des métiers de l'humain, essentiels à la société, mais rien n'est fait pour les aider

Anaïs Rico-Perrier, ex-assistante pédagogique de français

"Et c'est une ambiance générale" ajoute le futur boucher, "les premières années, il y avait un vrai travail d'équipe, en salle des professeurs aussi. Là, maintenant, c'est devenu cordial, les collègues font leurs heures et ce n'est plus la même chose, il n'y a plus de plaisir à échanger".

Sa compagne cite, elle, une déconsidération pour le métier, de la part de la hiérarchie. "Avec le rectorat, la communication est très restreinte" dénonce-t-elle. "C'est compliqué d'obtenir gain de cause quelle que soit la démarche". "On n'a pas les moyens de travailler correctement".

"Ça me trottait dans la tête"

Le couple parle de se reconvertir, Julien Henrotte envisage sérieusement les métiers de bouche… Jusqu'au jour où une enseigne historique de Saint-Claude cherche un repreneur. "On s'est dit 'la boutique est en vente, qu'est-ce qu'on fait ? Est-ce qu'on saute sur l'occasion ?" se souvient Anaïs Rico-Perrier.

Le couple se lance. Ils contactent les bouchers qui vendent leur boutique, ne renouvellent pas leurs contrats auprès de l'Éducation nationale. Julien Henrotte débute un CAP à Gevingey. Anaïs Rico-Perrier est formée en ce moment par la propriétaire actuelle. "Jean-Pierre et Corinne Douvres ont eu la gentillesse de nous accueillir dès le départ" raconte-t-elle.

"Finalement, ça se passe très bien, et moi, je suis ravie d'être au contact des clients". Même son de cloche pour Julien Henrotte. "Au final, je suis très bien. Ce n'est plus le même boulot, mais malgré les heures, le côté physique du travail, le nombre de jours par semaine et tout ça… on s'aperçoit qu'on est moins fatigués".

Julien Henrotte a passé ses examens de CAP il y a quelques jours seulement. Si tout se passe bien, sa compagne et lui mèneront bientôt seuls une boucherie ouverte en 1950. Sans regrets, de leur vie d'avant.

En 2020-2021, on comptait 2411 départs volontaires enregistrés chez les enseignants fonctionnaires, selon les derniers chiffres du ministère. C’est près de 4 fois plus qu’en 2010-2011,dix ans plus tôt, où l’on comptait 560 départs volontaires dans la profession.

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