Dans le documentaire "Ainsi soit-il" de Sofian Aissaoui, le Drag King Jésus La Vidange raconte, à travers son parcours, l’histoire de milliers de personnes qui, comme lui, ont un jour dû partir de leur territoire d’origine pour avoir l’opportunité d’exister ailleurs.
Au premier abord, on aurait du mal à imaginer toute l’Histoire que Jésus La Vidange porte sur ses épaules. Dans la vie, il pratique un métier qui fait lever les sourcils et parfois sourire : il est Drag King.
Mais qu’est-ce qu’un Drag King ?
Ce terme désigne, en miroir à celui de Drag Queen, une personne (le plus souvent une femme), construisant une identité masculine volontairement basée sur des archétypes.
Jésus La Vidange s’amuse ainsi régulièrement à singer la masculinité, à jouer des stéréotypes et des apparences.
Dans ce domaine, il est même considéré par beaucoup comme une figure historique, si ce n’est légendaire. Il a été l’un des premiers Drag Kings dans le monde à apparaître dans la célèbre émission "Drag Race France". À Paris, il a également été l’un de ceux qui ont permis à cet art de s’implanter et de perdurer.
Être Drag King a été pour lui l’occasion de se découvrir, de s’appréhender, d’explorer les territoires de son identité.
Moi je n’ai rien décidé, j’ai juste décidé de vivre ce que je suis !
Jésus la Vidange
Une enfance marquée par un conflit d’identité
C’est en déballant un carton de vieilles photos en compagnie de Nadine, sa maman, qu’il se souvient de son enfance, lorsqu’il était encore une fille.
Sur certaines, il est encore genré féminin et porte des robes. "Quand je suis habillé en robe, je ne respire pas le bonheur !" s’exclame-t-il devant l’une d’elles.
Une autre photo de lui enfant l’interpelle : il est en sweat et short devant une batterie improvisée faite de cartons : "C’était à l’époque où on s’en foutait de mon genre, qu’on me laissait avoir les cheveux courts et porter des shorts". Un style dans lequel il se sentait bien et que sa famille acceptait.
Tu ne fais pas des enfants à ton image, tu les fais pour qu’ils évoluent au mieux dans la société et qu’ils trouvent leur bonheur.
Nadine, mère de Jésus la Vidange
"Et leur bonheur, ça passe par plein de choses et s’ils veulent être fille, ils sont fille et s’ils veulent être garçon, ils sont garçon" ajoute-t-elle.
L’un des moments les plus difficiles à vivre pour Jésus, qui s’est toujours identifié comme un garçon, a été l’apparition de ses règles : "Dans ma tête je me suis dit que le miracle n’arriverait jamais !"
Une autre femme a une place particulière dans le cœur et la vie de Jésus, c’est Mauricette, sa grand-mère. Celle-ci lui confectionne, avec ses amies du club de couture, ses costumes de scène.
Lorsqu’il était enfant, elle réalisait déjà ses déguisements : "Elle m’avait fait un costume masculin car c’était impossible pour moi de porter une robe de princesse".
Mais lorsqu’on habite un petit village comme Mhère, que ce soit dans le Morvan ou ailleurs, et qu’on ne "rentre pas dans les codes", cela devient vite très pesant. Rejeté, incompris, trop différent pour les gamins qui l’entouraient. Ces années-là sont, pour lui, synonymes de solitude, de tristesse et de peur.
Trouver sa place entre sa terre natale et Paris
Par son simple nom de scène, Jésus la Vidange dessine les contours d’un parcours de vie marqué par l’héritage de sa région. Car son nom dit non seulement le sacrifice de celui qui a quitté ses racines pour se confondre à la meute des grandes villes, mais aussi l’attachement à des origines sociales.
"La Vidange" était son surnom à l’atelier dans lequel il travaillait dans la mécanique.
Et cette Bourgogne qu’il n’a pourtant jamais cessé de chérir, il a dû la quitter pendant de longues années, avec ce sentiment que partir n’était pas seulement un choix : c’était une nécessité. Choisir Paris a été une manière de se créer un nouveau personnage pour s’offrir un nouveau destin et se constituer "une nouvelle famille".
Et si partir a été une nécessité pour lui, le besoin de revenir a été bien plus fort.
Jésus a fait de manière très consciente le choix de se vivre tel qu’il est, là où il le souhaite, c'est-à-dire dans le petit village où il a grandi. Combien de personnes LGBT rêvent comme lui d’un retour à la campagne, mais se le refusent par peur ?
Aujourd’hui, c’est plus armé que jamais qu’il reprend ses marques dans sa région d’origine avec une mission : donner une partie de son courage à celles et ceux qui veulent rester.
C’est à Brassy, dans la Nièvre, qu’il se produit régulièrement lors du festival Morvand’iel, un rendez-vous ouvert à tous et toutes. Ce festival a pour objectif la lutte contre les discriminations et pour cela propose de nombreux ateliers, spectacles et autres moments festifs.
Cette année, il se déroule les 7 et 8 juin en présence de Jésus, un habitué de cet événement au cœur du Morvan.
Comme le souligne Jésus, la transidentité n’est pas un choix.
Il y a des débats sur la transidentité, car on existe… mais ma vie n’est pas un débat !
Jésus la Vidange
Jésus La Vidange est un artiste complexe et unique, doté d’un sens de l’humour et d’une bonne humeur à toute épreuve !
Son histoire est celle d’une réconciliation avec soi-même et avec le monde. Elle est l’exemple d’un parcours inspirant, que l’on peut se vivre tel qu’on est, peu importe où l’on se trouve.
"Ainsi soit-il", un documentaire de Sofian Aissaoui
Coproduction pop’films / Via Découvertes films / France Télévisions
Diffusion jeudi 13 juin à 22h50 et déjà disponible sur la plateforme france.tv