Pesticides : la très discrète élaboration des chartes sur la réduction des distances d’épandage

L’utilisation des produits phytosanitaires suscitent de nouveaux débats. En cause, une charte visant à réduire leurs distances d’épandage. Elle est en cours d’élaboration dans chaque département, mais de manière très peu médiatisée. La consultation publique se fait uniquement… en ligne. 

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Le ton est encore monté d’un cran pendant le confinement. Les riverains qui vivent près d’exploitations agricoles haussent la voix contre un nouvel arrêté gouvernemental pris en décembre dernier qui réglemente l’utilisation des produits phytosanitaires près des habitations : 

  • 20 mètres obligatoires pour les substances les plus dangereuses
  • 10 mètres pour les cultures hautes (vignes ou arbres fruitiers)
  • 5 mètres pour les grandes cultures (blé, colza, maïs, etc.) 

En théorie... En pratique, c'est un peu différent.

Des pesticides à 3 mètres des habitations

Seulement, cet arrêté paru au Journal officiel et entré en vigueur le 1er janvier 2020 était accompagné d’un décret, permettant aux préfets d’autoriser dans leur département la création d’une charte « de bien vivre ensemble » entre les agriculteurs et les riverains. 

Ces chartes, imaginées entre professionnels du monde agricole, syndicats et associations sont aujourd’hui pointées du doigt. Elles permettent notamment aux agriculteurs de réduire davantage les distances d’épandage des pesticides : 5 mètres pour les cultures hautes et 3 mètres pour les grandes cultures, seulement si des moyens de réduction d'exposition sont mis en oeuvre (l'utilisation d'outils adaptés pour favoriser une projection ciblée par exemple.

« C’est vraiment dérisoire » selon l’association environnementale Les Amis de la Terre 21. « Non seulement on ne respecte pas la terre, mais la santé des gens n’est pas non plus prise en compte » nous répond un membre de l’association. 

Le débat n’a pas vraiment eu lieu

C’est d’ailleurs là un autre point du débat autour de ces chartes : le manque de considération du point de vue des riverains. Pourtant, avant l’application définitive de ces nouvelles distances d’épandage, une « concertation » d’un mois minimum doit avoir lieu. L’objectif est d’établir le dialogue entre les agriculteurs et les riverains.

Le problème est que ces concertations ont eu lieu pendant le confinement. Initialement, toutes les parties prenantes à la discussion devait se retrouver en réunion plénière. Mais le confinement et les interdictions de se rassembler l’ont empêcher. « La situation actuelle ne permet pas de grand débat sur cette forme-là » rappelait le président de la chambre d’agriculture de l’Yonne à nos confrères de l’Yonne Républicaine en mai dernier.

L’environnement et la santé, deux problématiques étroitement liées

Les chambres d’agriculture de chaque département ont alors mis en ligne sur leur site internet des formulaires de consultation, permettant à chacun de faire remonter ses remarques sur le contenu des chartes :

Dans l’Yonne, l'association des maires regrette cette démarche. Ils rappellent que pendant le confinement, ils étaient sollicités sur d’autres sujets : la réouverture des écoles, le respect des distanciations sociales dans les espaces publiques, entre autres. « En cette période, la vie démocratique n’était pas très intense » déplorent Les Amis de la Terre. 

Pour l'association, « les riverains étaient préoccupés par d’autres choses : le port du masque, le confinement, les problèmes de santé ». Stéphane Dupas, président des Amis de la Terre 21, déplore une communication publique extrêmement faible. « Si on veut que les gens s’y intéressent, il faut en parler davantage. » La crise du covid semble avoir étouffé les débats sur l’utilisation des produits phytosanitaires. Pour les associations environnementales,  « c’est pourtant un sujet qui mérite d’être discuté. Que chacun s’exprime individuellement c’est bien. Mais le débat doit être beaucoup plus approfondi. Et collectivement ! » (qui parle ?).  Les représentants de riverains demandent eux aussi plus de temps pour en discuter, jugeant que « les questions environnementales sont essentielles et liées à la santé, car on passe quand même à côté de chez nous avec des produits. » (encore)

Nombre d’associations ont pourtant participé aux consultations en ligne, mais craignent déjà d’être peu entendues. 

Ce mode de consultation suscite aussi de vives réactions chez les professionnels de l’agriculture. Via un communiqué, les Jeunes Agriculteurs de la Nièvre ainsi que la FDSEA dénoncent « un formulaire stigmatisant pour la profession ». Ce formulaire demande des renseignements précis sur la méthode d’épandage (lieu, date, vitesse du vent, distances, etc.). Les représentants soulignent qu’ils exercent « leur métier de façon responsable et raisonnée » et qu’ils font déjà « oeuvre de transparence ». 

Les agriculteurs se défendent

A la veille de la fermeture de la consultation publique dans l’Yonne, la chambre d’agriculture recensait 122 contributions : environ 55 % de professionnels de l’agriculture, 34 % de citoyens, et le reste est réparti entre les chercheurs et les syndicats environnementaux. Dans leurs commentaires, les agriculteurs locaux rappellent qu’ils sont eux aussi « déjà responsables » et qu’ils n’utilisent pas les pesticides « n’importe quand et n’importe comment ». « Ils disent faire très attention à la météo et au vent par exemple » nous indique la chambre d’agriculture.
Les chartes d’épandage des produits phytosanitaires prévoient aussi que les professionnels utilisent des outils adaptés pour éviter une diffusion au-delà de leurs parcelles. 

Certains des citoyens ayant répondu à la concertation émettent des réserves quant à la distance d’épandage et demandent par exemple une distance minimum de 150 mètres. 

Les préfets auront le dernier mot

Les résultats des consultations seront transmis au préfet de chaque département qui tranchera : revoir complètement le texte ou l’aménager sur certains points. 

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