Sainte-Catherine : l'élection des Catherinettes est-elle sexiste ? Un débat qui "n'a pas lieu d'être" à Vesoul

Chaque 25 novembre, une foule épaisse se presse en centre-ville de Vesoul pour la Sainte-Catherine. Parmi les visiteurs, quelques femmes se font remarquer grâce à leur chapeau, preuve de leur célibat. Certains y voient une fête  hors du temps. Pourtant, les prétendantes sont nombreuses. Ambiance.

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La Sainte-Catherine est un rendez-vous incontournable en Haute-Saône et dans bien des régions en France. Depuis 724 ans, cette fête anime certaines communes dont Vesoul, véritable chef lieu de la Sainte-Catherine chaque 25 novembre. La Sainte-Catherine, c'est avant tout une grande foire agricole et commerciale qui envahit la ville. Ce sont des concours bovins, des expositions de chevaux comtois, des stands par centaine, des dégustations de cochons en pain d’épice, des odeurs de tambouille à chaque coin de rue, Johnny Hallyday dans les hauts-parleurs et... l'élection de la Catherinette de l'année, cette femme de 25 ans qui n'a ni bague au doigt, ni enfant. "La Sainte-Catherine est aussi la fête des jeunes filles qui, ayant eu 25 ans et non mariées, invoquent traditionnellement la Sainte de leur trouver un mari" peut-on lire sur le site officiel de la Ville de Vesoul. 

A l'heure de #MeeToo et des dénonciations du sexisme persistant dans notre société, certaines voix s'élèvent pour dénoncer un événement "hors du temps", "dégradant pour l'image de la femme", lors duquel ces dernières déambulent dans les allées, chapeau jaune et vert vissé sur la tête. Le vert symbolise l'espoir de se marier tandis que la couleur jaune fait référence à la sagesse acquise avec les années. Ces femmes-là, qu'on remarque vite au milieu des badauds, participent à l'élection du plus beau chapeau de Catherinette. Ce sont elles les véritables stars de la journée. Les visiteurs se précipitent d'ailleurs pour les photographier et pour deviner à quel métier leur chapeau fait allusion. 

"Ce n'est pas un problème"

Pour la plupart des participantes, c'est surtout l'occasion de perpétuer une tradition et d'en profiter en famille. Manon, sage femme, est présente accompagnée de ses parents. "C'est l'occasion de faire un chapeau avec mes parents et de s'amuser" explique-t-elle. "Que ce soient des femmes qui défilent sur le podium, pour moi, ce n'est pas un problème" confie-t-elle. Vus de la Haute-Saône, les débats autour de cette tradition n'ont pas vraiment lieu d'être. "Je comprends que certains n'apprécient pas l'élection mais franchement je pense qu'il y a des sujets plus importants comme les violences faites aux femmes par exemple. Les gens font des débats de tout de nos jours. Je pense que sur ce coup-là, il n'a pas lieu d'être" détaille Camille, participante originaire d'Avignon. 

Au détour d'un stand de gateaux fait-maison, on rencontre Chloé, 25 ans tout pile, coiffée d'un beau chapeau. "C'est une surprise de mes collègues. C'est plus pour le délire, c'est assez fun" nous explique la jeune femme, alors que de nombreux passants l'interpellent pour la prendre en photo. Contrairement à d'autres Catherinettes, pour elle, il n'est pas question de participer à l'élection de manière officielle : "Je n'aime pas faire la bête de foire, non merci !"

Sainte Catherine, figure féministe

La Sainte-Catherine rend hommage à une figure historique : Catherine d'Alexandrie. Née en 294, celle qu'on baptisa par la suite Sainte-Catherine fait office de figure féministe puisqu'elle refusa tout bonnement de se marier avec l'empereur Maximien, à une époque ou un tel rejet n'est évidemment pas admis. Fou de rage, l'empereur la fait décapiter en 312. Autrefois, les statues de sainte Catherine placées dans les églises étaient ornées d'une coiffe, renouvelée chaque année. Cette opération était le privilège des jeunes femmes âgées de plus de 25 ans et encore célibataires. Ces dernières pouvaient implorer la sainte avec la prière suivante : "Sainte Catherine, aide-moi. Ne me laisse pas mourir célibataire. Un mari, sainte Catherine, un bon, sainte Catherine ; mais plutôt un que pas du tout". Rendre hommage à Sainte-Catherine en défilant les unes après les autres sous les yeux ébahis des habitants, paraît donc quelque peu incongru. 


"Et n'oubliez pas, elle est célibataire !"

Sur la place de l'église de Vesoul, un podium a été installé pour ce 25 novembre. Le public attend patiemment dès 13h30. A 14h, 19 candidates s'installent près de la plateforme, devant une foule attentive et amusée. Elles portent toutes un chapeau original et s'apprêtent à défiler pour tenter de décrocher le titre de Catherinette. Sur les chapeaux ont découvre les métiers et les loisirs des jeunes femmes. Certaines arborent des seringues, compresses et pansements, des fleurs, des chevaux, des skis en carton, des bières et du saucisson, des Playmobils et parfois même des pénis en plastique.

Tout le monde s'accorde à dire qu'il est ici question de l'élection du plus beau chapeau. Le physique de la créatrice n'entre pas en compte pour la note finale. Pourtant, le speaker gronde dans son micro et lance le top départ du concours par cette formule : "On est ici pour élire la plus belle des Catherinettes !" 

"On pourrait changer et faire une élection pour les hommes maintenant qu'il y a la parité"
 s'amuse une spectatrice, appareil photo en main. "Ce que j'aime c'est la créativité, les couleurs. C'est une belle tradition. Et bon, à côté de ça, c'est des belles jeunes filles... Si j'avais 25 ans !" lance Jacques, traversé par un grand sourire communicatif. On élit les chapeaux d'accord, mais pourquoi ne pas joindre l'utile à l'agréable ?

Du coté du jury, on retrouve des élus et acteurs locaux comme l'adjoint au commerce, une déléguée à la formation ou encore Miss Haute-Saône 2019. La Catherinette doit défiler face au public et est priée de danser, chanter et donner un peu de sa personne. "On va chanter, parce que tu sais chanter j'en suis sûr ! Va voir le public et après tu reviens danser avec moi. Et n'oubliez pas, elle est célibataire, donc si des hommes sont intéressés !" lance l'animateur au public, aux côtés d'une jeune femme semble-t-il bien mal à l'aise. Après plus d'une heure de défilé, le nom de la gagnante est enfin dévoilé. Cette année, Aurore empoche le titre. La conseillère en production laitière originaire de Jussey a fait forte impression au public en arrivant perchée sur un beau et imposant cheval comtois. 

En Haute-Saône, la foire de la Sainte-Catherine reste l'un des événements phares de l'automne voire de l'année puisqu'elle rassemble plusieurs dizaines de milliers de visiteurs. Cette tradition et le folklore qui l'entoure ne sont pas prêts de s'éteindre, même si cette année le nombre de Catherinettes inscrites est significativement en baisse. En 2018, elles étaient 13 de plus à participer au concours. Ces chiffres présagent-ils du déclin de cette coutume vieille de plus de 700 ans ? Rien n'est moins sûr.

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