Seule femme dans l'exploitation, Stéphanie Sordel pose des questions différentes et simples. Cette femme suscite une autre réflexion. Son inquiétude : l'avenir des sols, ce patrimoine appauvri depuis des dizaines d’années. «Nous devons les préserver pour nos enfants… »
Il y a deux ans Stéphanie Sordel et son mari rejoignent une exploitation de grande culture en Bourgogne, près du village de Tréclun(Côte-d’Or). C’est là qu’elle découvre l’assolement en commun, la fragilité des sols et la nécessité de les préserver.
Ne plus labourer
Le groupe d’agriculteurs avec lequel ils s'installent veille depuis 9 ans à la conservation des sols. Ils ne labourent plus. Ils ne retournent plus le sol. Ils le protègent avec des couverts végétaux après chaque récolte et sème ensuite directement dedans…Quand Stéphanie arrive dans ce monde masculin, elle n’a pas de connaissance précise sur ces nouvelles méthodes de culture. Alors elle les bouscule.
ce n’est pas la force qui compte mais l’esprit.« Dans notre exploitation de 4 fermes, je suis la seule femme, avec une approche différente… Les femmes s’intéressent aux gens. Ce qu’il n’y a pas forcément dans un fonctionnement masculin. »
Confrontée à la réalité de l’exploitation, Stéphanie comprend vite qu’elle doit jouer la différence. Se compléter, et pas se mesurer. Ils ont besoin les uns des autres. Elle ne pouvait pas être une agricultrice seule dans son coin, « car y a un travail physique et mécanique que je ne peux pas faire, c’est trop dur. Parfois, je suis obligée de cogiter pour m’en sortir… ce n’est pas la force qui compte mais l’esprit. » Le groupe et la nouvelle optique de préservation des sols modifient aussi sa façon de voir. « Je me sens plus forte, plus cohérente ».
Elle ne maîtrise pas la technique… Alors elle s’interroge, va chercher des réponses chez les agriculteurs, pose des questions qui les poussent à changer d’angle. Elle trouve sa place et devient leur porte-parole, les aide à s’ouvrir sur le monde.
Assez des stéréotypes !
« Y en a marre des stéréotypes comme : agriculteurs = pollueurs ; on se passerait tous d’utiliser des produits, rien que pour notre santé à nous. Faire passer ce message c’est ma mission au sein de ce groupe en plus de conduire des tracteurs et d’aller semer… »En travaillant avec ces agriculteurs sur la préservation des sols, Stéphanie Sordel prend conscience de l’importance de la terre…Cette technique cumule les effets positifs : érosions limitée, carbone absorbé, moins d’effet de serre, augmentation de la faune et de la flore et protection des abeilles.
« la vraie question : qu’est ce qu’on va faire de nos sols…c’est un vrai patrimoine ; et cela fait des dizaines d’années qu’on les appauvrit »
C’est cette parole-là qu’elle crie haut et fort et pour transmettre au plus grand nombre car il y a urgence. « Il faut changer maintenant » Et s’investit activement au sein de l’Apad (https://www.apad.asso.fr), association qui met en avant cette technique.
Nourrir le monde pas le détruire
« Je suis une citoyenne de la terre, une éco-citoyenne. L’objectif de l’agriculture est de nourrir le monde et pas de le détruire. Sinon nous allons finir sur la lune à manger des trucs synthétiques. »On dit les femmes pragmatiques. Mais pas seulement. Stéphanie rêve d’un monde où l’agriculture c’est de l’environnement. Une utopie? Peut-être. Un rêve pour ces enfants, sûrement.
« J’aimerais laisser à mes enfants, des sols pas trop abimés…une terre qui puisse se régénérer car je crois en la force de la nature. Je crois que la nature peut repartir et se refaire une santé. »